Je viens d’atterrir à New York City. Mon rêve d’enfant se réalise enfin. Je descends de l’avion, toute excitée à l’idée de fouler le sol des USA. Les longues heures de vol n’ont pas eu raison de mon enthousiasme. La chanson de Claude Nougaro trotte dans ma tête :
« Dès l’aérogare j’ai senti le choc,
Un souffle barbare
Un remous hard rock... »
Claude Nougaro a menti. Il a tout inventé. Le choc attendu n’est pas au rendez-vous. Kennedy Airport n’a rien d’exaltant. Comme dans tous les aéroports d’ici ou d’ailleurs, je marche sous des néons blafards, étourdie par des voix stridentes qui sortent de micros braillards. Devant les portes d’embarquement, des passagers fébriles s’énervent sur leurs enfants. Des voyageurs fraichement débarqués errent comme des âmes en peine à la recherche d’un bagage, d’un distributeur de boissons ou peut-être même d’un autocar.
Un agent de la police des frontières vérifie mon passeport. Obèse et apathique, il transpire à grosses gouttes, et m’observe, impassible, derrière sa vitre blindée. Il me fait penser à un gros poisson prisonnier d’un bocal bien trop petit pour lui. Il relève les empreintes de mes dix doigts, et me pose des questions idiotes. Je lui réponds tant bien que mal dans mon mauvais anglais. J’ai de plus en plus l’impression que ce douanier zélé me prend pour une immigrée sans carte verte. Mais non, tout ça c’est de la routine. Il me rend mes papiers et me souhaite un bon séjour.
Je récupère ma valise et m’engouffre dans un taxi jaune en direction de
Manhattan.
Dehors, il fait nuit noire. Derrière mes lunettes, mes yeux
myopes ne distinguent pas grand-chose de la Grosse Pomme. Quelques
lumières et beaucoup d’ombres. Difficile de se faire une idée au
travers des vitres embuées du véhicule.
Le chauffeur sifflote un air vieillot en écoutant la radio. Je me
laisse bercer par le ronronnement du moteur. Victime du décalage
horaire, le sommeil est en train de me gagner.
Le yellow cab traverse lentement un pont suspendu. Soudain, sans crier
gare, la ville qui ne dort jamais me souhaite la bienvenue. Le son
tonitruant des klaxons et des sirènes m’accueillent en fanfare au
milieu des bouchons. Les piétons pressés se croisent sans se voir sur
des trottoirs lisses et brillants.
New York bourdonne et tourbillonne.
Entre ses drames et ses délires, New York s’agite et bouillonne.
Je sors du taxi. Sur Times Square, les lumières artificielles
éclairent les lieux comme en plein jour.
La chanson de Nougaro me
revient alors à l’esprit :
« Dès l’aérogare,
J'ai changé d'époque
Come on ! Ça démarre
Sur les starting-blocks... »
Je lève la tête. Les buildings prétentieux qui me toisent blasphèment
en crevant le ciel.
Le cœur de la cité palpite et résonne. Son énergie
me prend aux tripes. New York m’envoûte et m’électrise.
Je n’ai plus sommeil.