Griggy trottait sur le sentier, son ours en peluche dans une main, son biberon dans
l’autre. Son pyjama mal boutonné laissait entrevoir sa couche-culotte et la
brise faisait onduler ses courtes boucles brunes.
Il dépassa le coffre à jouets et le cheval à bascule,
le toboggan et la poussette, entendit la berceuse…
Griggy s’était habillé d’une salopette et d’un pull ; il chaussa ses bottines, s’évertua à
nouer les lacets, prit son cartable. Il traversa la cour ombrée de la maternelle, entra dans une
classe et écrivit son prénom à la craie sur le tableau
noir de l’école primaire ; il s’appliqua à tracer chaque lettre. Puis il
ressortit et fila sans se retourner.
Le sentier s’élargit, devint route bordée d’arbres et de pavillons. Greg s’arrêta pour bavarder avec les copains
du collège, discuter des derniers CD à la mode. Devant le lycée, des filles lui
sourirent. Il leur distribua son numéro de téléphone, échangea un baiser avec…
Après le rond-point, la voie, très spacieuse, était illuminée par les glaces miroitantes
des immeubles. Grégory ferma le premier bouton de sa veste croisée, rajusta son
nœud de cravate et empoigna l’attaché-case alourdi par les dossiers. Dans son
bureau, le téléphone ne cessait de sonner, l’ordinateur de biper et l’imprimante
crachait une quantité impressionnante de feuilles couvertes d’encre noire. Il
prit l’ascenseur jusqu’au rez-de-chaussée…, s’éloigna à grands pas.
Il bifurqua au carrefour et la vit soudain sous ses yeux : la villa de plain-pied avec
des volets blancs et la toiture de tuiles vieillies. Une femme était assise dans
le jardin, sous un grand parasol bleu. Il la rejoignit, la serra tendrement
contre lui. Deux enfants accoururent, fille et garçon, qui riaient aux éclats
et chahutaient sans cesse. Le calendrier, oublié sur la table, disparut sous un
autre, puis un autre, et un autre encore. Les années défilèrent… Les enfants
grandirent, trop vite…
Grégory resta seul avec sa femme. Leur chevelure avait blanchi, leurs silhouettes s’étaient
rapetissées. Ils vivaient, dans une maison pleine de chambres, entourés de personnes
en blouse rose, au milieu de vieux messieurs et de vieilles dames. Sur le
chemin de poussière, « elle » le quitta à son tour. Grégory fit
encore quelques pas.
Il sentit ses jambes défaillir, s’adossa contre le tronc d’un arbre et ferma les yeux pour
entendre les bruits de la nature le bercer, une dernière fois.
«Chante maman » Berceuse
« Michelle » de Gérard Lenorman
« Quatre murs et un toit » de Bénabar
« Mourir au soleil » de Jean Ferrat
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