Histoire de Noël 1 : Le jouet cassé...

Minuit venait de sonner à la grande horloge de la gare et les rues étaient désertes. A une heure si tardive, il n'y avait plus aucun train, ni aucun voyageur. Les gens étaient rentrés chez eux après le travail, après les courses pour le repas du soir, après être allés se distraire au petit théâtre de la ville ou au cinéma du quartier.
Bref ! Seuls les chats errants se promenaient encore et l'un d'eux, un gros matou tigré, fut dérangé alors qu'il cherchait dans une poubelle de quoi remplir son estomac si désespérément vide.
Un étrange bonhomme s'approcha du chat qui sauta vite hors de la poubelle. Il allait s'enfuir quand le bonhomme lui tendit un poisson sorti d'une de ses nombreuses poches.
– Prends ceci, le chat, et va te régaler, bien au chaud dans ta cachette.
Le chat n'hésita pas. Il attrapa le poisson entre ses crocs aiguisés et partit, à toutes pattes, se réfugier dans une cabane au fond d'un jardin.
Le bonhomme commença à fouiller dans la poubelle et, après deux ou trois essais, il en sortit un jouet qui était si abîmé qu'il faisait peine à voir.
– Pauvre jouet, se lamenta le bonhomme. L'enfant qui t'a tenu entre ses mains a sans doute passé plus de temps à te démolir qu'à jouer avec toi.
Le bonhomme fourra le jouet cassé dans une de ses grandes poches, à l'intérieur de son large manteau, et il poursuivit son chemin.
Quelques rues plus loin, il découvrit une poupée sans cheveux dans un conteneur et, enfin, traînant sur le sol, un camion de pompiers qui n'avait plus que deux roues au lieu de quatre.
– J'ai fait du bon travail cette nuit, se dit le bonhomme qui aimait se parler à voix haute. Quand les lutins viendront me voir, dimanche soir, j'aurai toute une caisse de jouets cassés à leur donner.

Les jours s'écoulèrent et le dimanche arriva. A la nuit tombée, un petit traîneau tiré par deux rennes traversa le ciel noir étoilé et atterrit derrière le hangar d'un agriculteur. Deux lutins en descendirent et sautèrent au cou du bonhomme qui les attendait.
– Hé bonjour, mes petits amis !
– Nous sommes heureux de te revoir, Donillio !
Le bonhomme s'adressa à un lutin, tout de rouge vêtu :
– Dis-moi, Yoyo, comment va mon vieil ami le père Noël ?
– Son ventre est toujours aussi rond, s'esclaffa le lutin. Alors je dirais «qu'il va très bien».
Le bonhomme se tourna alors vers un lutin, tout de vert vêtu :
– Et toi, Pillo, penses-tu toujours que le chef Tillis se montre trop exigeant avec ses lutins ?
– Il est vrai qu'il n'est pas facile à vivre, répondit le lutin en habit vert. A longueur de semaines, il nous répète : Fais ceci ! Fais cela ! Répare ceci ! Répare cela ! Mais je fais de gros efforts pour parvenir à le supporter, surtout la nuit quand il dort à poings fermés dans son lit.
Donillio éclata d'un rire plein de bon humeur. C'était un plaisir pour lui de bavarder avec les deux lutins qui lui rendaient visite une fois par mois. Domillio leur montra le carton plein de jouets cassés.
– Voici de quoi vous occuper, mes petits amis. (Il prend le carton et le dépose dans le traîneau.) J'espère que ces jouets ne seront pas trop abîmés et que vous parviendrez à les réparer.
– Tu peux compter sur nous, Donillio. Nous ferons du beau travail et ces jouets redeviendront comme neufs.
Pillo mit sa main devant sa bouche et pouffa :
– Pffff ! Yoyo est un vantard. Il s'occupe des bonbons et des chocolats que l'on dépose dans les chaussons des enfants. Et il laisse les autres lutins s'occuper de l'énorme travail qu'il faut faire pour préparer les jouets.
Yoyo fit une grimace :
– Tu n'es qu'un jaloux, Pillo ! Parce que c'est moi qui goûte les chocolats et que tu aimerais bien en faire autant.
Les joues de Pillo se mirent à rougir sous l'effet de la colère et il allait répliquer quand une sonnerie retentit soudain. Pillo plongea la main dans sa poche et en sortit une grosse montre qui dit d'une voix éraillée :
– Au lieu de vous chamailler, vous devriez vous dépêcher de repartir. Le père Noël vous cherche partout et il n'est pas content du tout.
– Oooh, désolé, Donillio mais nous reprendrons cette conversation le mois prochain.
Les deux lutins sautèrent dans leur traîneau et tandis qu'ils criaient «au revoir» à Donillio, le traîneau s'éleva dans le ciel et bientôt il disparut au milieu des gros nuages blancs.
– Bonne route, mes petits amis ! dit doucement Donillio. Je serai heureux de vous revoir bientôt.

Le traîneau était si rapide qu'il ne fallut que quelques minutes pour qu'il se pose dans le village du père Noël où Yoyo et Pillo furent accueillis par des cris de joie.
– Les voilà de retour ! s'écrièrent les lutins qui se précipitèrent et sortirent les jouets cassés du carton. Que nous rapportent-ils ?
Les jouets furent examinés l'un après l'autre. D'abord le camion de pompiers sans ses roues. Ensuite la poupée sans cheveux. Enfin, ce fut le personnage.
Quand ils le virent, les lutins furent terriblement contrariés. Le jouet se trouvait dans un tel état qu'il semblait impossible de le réparer.
– Il est affreux ! Il est horrible ! Il n'en reste pas grand-chose ! On ne peut plus rien en faire ! disaient les lutins et leurs yeux étaient remplis de tristesse.
Le chef Tillis fut appelé en renfort et quand il vit le jouet, il hocha la tête et reconnut qu'il n'avait jamais vu une chose pareille.
– Une seule personne peut sauver ce malheureux jouet, c'est le père Noël. Allons tous ensemble le voir.
Les lutins traversèrent les ruelles de leur adorable village qui était éclairé par des guirlandes multicolores. Il y avait une très grande porte pour entrer dans la maison du père Noël et les lutins se retrouvèrent côte à côte dans le salon.
La poupée sans cheveux fut montrée au père Noël qui dit aussitôt :
– Donnez-là à réparer à Milibelle. Elle lui fera de beaux cheveux doux et bouclés, et cette poupée pourra faire le bonheur d'une charmante petite fille.
Ce fut le tour du camion de pompiers d'être apporté au père Noël.
– Ce camion a besoin de roues et d'une bonne couche de peinture rouge. Bilobi, notre grand spécialiste de l'auto fera cela parfaitement. Alors, chef Tilli, y a-t-il encore un jouet à remettre en état ?
– Oui, père Noël, répondit le chef Tillis qui prit une grande inspiration et tendit le personnage cassé : c'est un cas presque désespéré, il faut bien l'avouer.
Le père Noël écarquilla les yeux et parut horrifié. Il manquait un œil au personnage, sur sa tête il ne restait que quelques cheveux jaunâtres, il n'avait plus qu'un seul bras et il manquait un pied à l'une de ses jambes. Quant aux vêtements qui le recouvraient, ils étaient en lambeaux.
– Que va-t-on bien pouvoir faire de lui ? s'inquiéta le père Noël en caressant sa longue barbe blanche.
Et, à cet instant, tous les lutins se posaient la même question et ils caressaient leur petite barbe grise.
– Evidemment, c'est un problème, fit le père Noël en secouant sa belle tête.
Tous les lutins se mirent à secouer leur tête. Le père Noël avait raison : ce jouet cassé était un gros problème.
Le père Noël sortit ses lunettes de sa poche de chemise, les mit sur le bout de son nez et regarda le jouet de très près.
– Non, non, non, fit le père Noël. Ce n'est pas croyable.
Et tous les lutins firent « non » de la tête car le père Noël avait raison : c'était réellement incroyable.
– Voyons, voyons, dit alors le père Noël. Comment va-t-on s'y prendre pour sauver ce jouet ?
Et tous les lutins se prirent la tête entre les mains : Mais oui, comment sauver ce jouet ?
Les lutins retinrent leur souffle.
– Les meilleurs lutins vont se réunir autour d'une table. J'ai bien dit « les meilleurs ». Babsi, notre professionnel de l'ordinateur va les aider à coordonner leurs idées et je veux que les responsables de chaque domaine soient là également.
Les lutins se regardèrent. Le père Noël lançait une véritable opération de sauvetage pour un seul jouet. Le cas était gravissime.
– Bon courage à tous !
Les lutins quittèrent la maison du père Noël et chacun reprit son occupation.

Milibelle n'en crut pas ses yeux quand on lui apporta la poupée chauve.
– Comment une petite fille a-t-elle pu commettre un tel acte sur une poupée ? C'est inadmissible !
Milibelle dévisagea le visage de porcelaine de la poupée. Ses jolies yeux gris, ses longs cils noirs, son teint rosé.
– J'ai ce qu'il lui faut, dit Milibelle. Ce doit être quelque part par là.
Elle chercha dans ses grands coffres, chamboula tout ce qui se trouvait à l'intérieur et, enfin, s'écria : Hourra ! Je l'ai trouvée.
Elle tenait une perruque de cheveux auburn avec des mèches bouclées et une courte frange. En un tour de main, elle déposa la perruque sur la tête de la poupée et la mit en place avec quelques coups de brosse.
– Et voilà ! dit-elle.
Et tous les lutins qui travaillaient dans son atelier l'applaudirent très fort.

Pendant ce temps, dans un autre atelier...
Bilobi était assis et il regardait le camion, posé sur la table devant lui, tout en grattant le toupet de cheveux qui ornait son crâne. Il finit par ouvrir un tiroir, parmi les deux cents que comptait la commode. Il attrapa une liasse de cartons qui étaient tous de couleur rouge et il commença à les regarder l'un après l'autre.
– Celui-ci Rouge tomate. Oh non, plutôt ce rouge orangé. Non, pas ça. Rouge vif ? Rouge clair ? Rouge foncé ? Rouge rouge ? Mais non, voyons c'est une idée stupide. Oh mais le voilà enfin, il était là sous mes yeux et je ne le voyais pas.
A cet instant, Bilobi tenait un carton entre ses doigts et il le secouait en riant doucement.
– Quel sot je suis. C'était « rouge camion de pompiers » et voilà tout.
Un lutin apporta un pot de peinture et un pinceau à Bilobi et tandis que celui-ci se mettait à peindre le camion, le lutin demanda :
– Que fait-on pour les pneus ? J'en ai des petits, des moyens, des grands ou bien des carrés, des ovales, des triangulaires ?
– Les pneus doivent être ronds, Popilou, toujours ronds. Et choisis les plus beaux parmi tous ceux de ta collection.
Il fallut deux heures à Bilobi pour repeindre le camion avant que Popilou ne lui installe les quatre pneus neufs. Et quand les lutins de l'atelier virent le camion terminé, ils poussèrent des cris de joie car c'était devenu un magnifique camion de pompiers.

Il est temps, maintenant, de nous rendre chez les meilleurs lutins à qui on a confié la terrible tâche de sauver le personnage. Ils sont tous réunis dans une pièce mais que font-ils ?
Assis autour d'une grand table, ils sont penchés sur de gros blocs de papier et ils utilisent des dizaines de crayons de couleurs pour tenter l'impossible : sauver le jouet cassé. Au fur et à mesure, aux pieds des lutins s'accumulent les feuilles chiffonnées.
Yoyo et Pillo s'étaient mis d'accord tous les deux pour se faufiler, sans faire de bruit, dans la salle où s'étaient réunis les meilleurs lutins.Ils entrebâillèrent légèrement la porte et entrèrent à quatre pattes ; Yoyo le premier, suivi par Pillo. Ils s'avancèrent doucement et allèrent se cacher derrière un comptoir. Et les heures s'écoulèrent.
Pillo fut le premier à s'endormir ; alors, Yoyo mit sa tête sur l'épaule de son ami lutin et, à son tour, il ferma les yeux. Tous deux dormaient profondément – ils étaient en train de se promener au pays des rêves – quand soudain, des «hourras» joyeux retentirent. Yoyo et Pillo sursautèrent et ouvrirent grands leurs yeux.

Ils regardèrent par-dessus le comptoir : tous les lutins se tenaient debout autour de la table. Leur long bonnet était tombé sur leur épaule, la sueur ruisselait sur leur front et leurs yeux étaient rougis par le manque de sommeil tandis que leurs joues étaient blanchies par la fatigue.
Sur la table il y avait un personnage avec un beau visage, deux grands yeux bruns et une tête auréolée de cheveux auburn. Vêtu d'un bel habit de velours bleu ciel bordé de galons dorés, il se tenait campé sur ses jambes et il tendait les bras devant lui.
Les lutins échangèrent des regards ennuyés. Personne n'avait jamais vu un jouet aussi beau et ils ignoraient d'où ils provenaient. Qu'allait-on pouvoir faire de ce jouet inconnu ?
– Oh, je le reconnais, chuchota Pillo. C'est le prince des Neiges.
– De quoi parles-tu ? Il n'existe aucun prince pareil à celui-là !
Oubliant qu'il se tenait caché derrière un comptoir, Pillo se redressa en s'écriant :
– Eh bien, si, monsieur Yoyo ! Le prince des Neiges vit au pays de la Montagne d'argent avec la princesse Blanche et il y a une petite fille qui a demandé au père Noël de recevoir le prince comme cadeau à Noël.  Et voilà !
Pillo avait fini de parler et c'est alors qu'il réalisa que tous les lutins autour de la table le regardaient.
Pillo hésita, et puis il ajouta :
– Oui, c'est vrai. La petite fille se prénomme « Amandine » et elle a fait sa demande sur une grande feuille de papier rose pâle que j'ai entre mes mains.
Les lutins quittèrent la table et se rassemblèrent autour de Pillo dont le coeur se mit à battre plus fort.
– Je n'ai dit que la vérité... je vous assure.
Les lutins commencèrent à discuter entre eux, donnant leur avis chacun leur tour et cela faisait un tel brouhaha que plus personne ne s'entendait parler.
Yoyo mit d'abord ses mains sur ses oreilles avant de décider de changer de tactique. Il grimpa sur le comptoir et hurla :
– Çaaa suuufffiiiiit !
Le silence revint aussitôt dans la pièce. Alors Yoyo dit simplement :
– On va voir le père Noël !
« Oui, oui ! » dirent les lutins et ils sortirent de la pièce en file indienne pour se rendre chez le père Noël qui fut surpris de les voir entrer dans sa maison. Yoyo avait emporté le joli personnage qu'il déposa sur un meuble. Puis il expliqua au père Noël l'incroyable histoire de ce personnage que personne ne connaissait. Sauf... Pillo.

– Quand je n'étais encore qu'un tout jeune lutin, expliqua Pillo, j'ai découvert un livre qui s'appelait « Le Prince des Neiges ». Je l'ai lu et c'était l'histoire d'un prince qui vivait sur la Montagne d'argent. Un enfant avait demandé le personnage comme cadeau pour Noël et des lutins l'ont réalisé pour lui. Je crois que cet enfant est devenu grand et que ce jouet ne l'intéressait plus. Alors il s'en est débarrassé.
Le père Noël hocha la tête.
– Donc, si j'en crois ton récit, cet enfant, qui a beaucoup grandi, a fini par retrouver son jouet, peut-être au fond d'un grenier, et il l'a jeté à la poubelle.
Pillo, Yoyo et les autres lutins réalisèrent que cela avait vraiment dû se passer ainsi.
– Mais comment est-ce que cette petite fille, Amandine, c'est bien son prénom? Comment a-t-elle pu savoir que le prince existait ?
– On n'a pas retrouvé le livre dans la poubelle. Amandine a dû avoir ce livre entre ses mains.
Le père Noël se mit à rire de bon cœur.
– Grâce à toi, Pillo, cette petite fille recevra à Noël le jouet qu'elle désire plus que tout. Alors, voici une histoire qui finit bien, n'est-ce pas mes amis ?
Alors que les lutins secouaient tous leur tête pour dire « oui », Yoyo leva la main.
– Père Noël, Pillo pourrait peut-être nous raconter l'histoire du Prince des neiges ? Je crois que cela ferait plaisir à tous.
"Oh oui !" s'exclamèrent en choeur les lutins et le père Noël leur fit signe de prendre place sur de gros coussins.
– C'est une excellente idée, Yoyo. Te souviens-tu de toute l'histoire, Pillo ?
– Oui, je n'ai pas oublié une seule ligne, père Noël.
– Alors, nous allons être très sages et nous t'écoutons.
Et Pillo commença son récit :
Il était une fois un jeune prince, prénommé Olidor, qui vivait avec ses parents dans un beau château bâti sur la Montagne d'argent.

A suivre.......... Histoire de Noël 2 : Olidor, le Prince des Neiges.


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