Quatrième épisode : le Dagua

Les hurlements des sirènes réveillèrent les pilotes de l'unité d'élite. Non, ce n'était pas un exercice, l'ennemi était en train de déferler sur Zonarande !
Lone sauta en bas de sa couchette et, la tête couverte d'un casque et l'arme accrochée à la ceinture, il se lança à la suite des autres Zonder. Il y eut un grondement sourd, puis des bruits de tonnerre de plus en plus fort. Une intense vibration secoua soudain la structure.
Un missile vient de nous toucher ! s'étonna Lone qui se demanda pourquoi l'alerte n'avait pas été donnée plus tôt. Que se passait-il avec le Bouclier ?
Lone fut le dernier à atteindre l'aire d'envol et c'est, sans doute, ce qui le sauva. Pulvérisés par une pluie de missiles les murs du dôme s'écroulèrent, par pans entiers, sur les Elam et leurs pilotes au milieu d'un effroyable nuage de poussière. Lone tomba à la renverse, heurtant au passage une grille métallique qui céda sous son poids. Un éclair explosa, la température ambiante grimpa en flèche. Lone éprouva une telle sensation de brûlure qu'il crut que son corps allait s'enflammer. Au milieu de ce brouillard lumineux, il chercha une issue, n'importe laquelle pour sauver sa vie. Ses yeux à ommatidies distinguèrent l'ouverture béante débarrassée de sa grille, et il s'y jeta.
Ce n'était qu'un conduit de ventilation à forte pente, Lone le dévala en se cognant contre les parois. Dans la pénombre, il ne chercha pas à ralentir sa descente vertigineuse. Il fallait fuir ! car les Kronga n'allaient pas en rester là.
Lone n'avait pas eu besoin de voir les Tridèle, ces vaisseaux si particuliers à la pointe effilée, pour connaître le nom des agresseurs de Zonarande. Les Kronga, qui se sentaient depuis toujours à l'étroit sur leur caillou venaient, à l'évidence, de passer à l'attaque.
La dégringolade s'arrêta brusquement laissant Lone désorienté. Cela ressemblait à un embranchement à trois directions, mais comment savoir où elles menaient ? Comme tous les Zonder nés dans l'incubateur douze, Lone n'avait jamais eu accès aux profondeurs du Dôme ; il avait été élevé dans la mégapole puis affecté dans l'unité d'élite.
Il y eut un craquement sinistre. A la surface, les Kronga s'acharnaient.
Lone entrevit une faible lueur à l'extrémité de deux des conduits, pas dans le troisième. C'est celui qu'il choisit sans la moindre hésitation - sa survie dépendait de la distance qu'il mettrait entre lui et le fléau - et sa glissade reprit, et se poursuivit, jusqu'à l'arrêt brutal.

Lone tâtonna dans l'obscurité... c'était un cul-de-sac, il n'irait pas plus loin. Il chercha son arme, sans la trouver - sa ceinture avait été arrachée au cours de sa chute - puis songea à son casque. Il l'enleva et s'en servit pour frapper, à coups répétés, contre la mince paroi rigide. Elle ne tarda pas à se fendre et Lone réussit, en se contorsionnant, à s'extirper du conduit.
Le fracas qui persistait à la surface, lui parvenait de façon très atténuée mais les vibrations que lui transmettait le sol ne laissaient rien présager de bon pour son avenir très proche. Lone eut un soubresaut, signe que l'air commençait à lui manquer et que ses fonctions vitales étaient déjà affectées.
Il regarda autour de lui et distingua des centaines de témoins lumineux qui ne cessaient de clignoter, créant un vague éclairage qui révélait une pièce assez large. Les connaissances de Lone se résumaient au pilotage de son aéronef mais son instinct lui dicta qu'il n'aurait jamais dû pénétrer dans ce lieu. Toutes ces machines inconnues, si complexes, ne pouvaient être que des inventions des Syrad, les maîtres de Zonarande. Lone sentit la panique l'envahir. Profaner ce temple était sanctionné par la désintégration.

Terrorisé, Lone en oublia les Kronga et l'asphyxie qui le menaçait. Apercevant une raie de lumière au ras du sol - sans doute une porte ! - il l'enfonça plus qu'il ne l'ouvrit et s'enfuit sans se retourner. Il devait regagner la surface et rallier la mégapole pour défendre sa planète ! Si, à cet instant, il avait été capable de réfléchir, Lone aurait remarqué qu'il traversait un couloir éclairé et bien ventilé ; il continuait à courir, ignorant où il allait aboutir. Ce n'est qu'à la seconde où il franchissait un sas entrouvert qu'une question s'imposa à lui. Seul, comment arriverait-il à quitter ce labyrinthe ?
Le lieu dans lequel il venait d'entrer était désert et tout aussi inconnu, pour lui, que la salle précédente. Seulement des tubes, des flacons remplis de liquides colorés, des microscopes, un spectrographe. Cela ressemblait à un laboratoire mais, peu importe, il devait en ressortir.
Lone chercha une issue quelconque et c'est alors qu'il aperçut, dépassant d'un gros caisson réfrigérant, les plis d'une toge vert sombre reconnaissable entre toutes. Un Syrad !

A regrets, Lone s'approcha et découvrit un Syrad allongé sur le sol. Son flanc gauche portait une tache noirâtre, une blessure qui s'était avérée définitive. Dans quatre ou cinq minutes, il ne subsisterait plus de lui qu'un petit tas d'écailles. Partagé entre la surprise et la peur, Lone s'accroupit et c'est alors qu'il entendit le son d'une horrible voix :
– Nous devons partir, il le faut !
Lone releva la tête et se retrouva, bien malgré lui, face à une " Chose " qu'il reconnut aussitôt : un Dagua ! Il chercha son arme et se rappela qu'il l'avait perdue depuis longtemps. Il se retrouvait désarmé. Que faire s'il devenait agressif ?
Lone éprouvait une profonde aversion pour cette masse gélatineuse et transparente au centre de laquelle une sorte de coeur pulsait avec régularité et dont il connaissait la raison d'être.
– Je sais ce que vous êtes, parvint-il à dire. Ne m'approchez pas !
La Chose demeura immobile et pour cause : elle était incapable de se déplacer par ses propres moyens mais, cela Lone l'ignorait.
– Nous devons rejoindre la sphère, les Kronga vont provoquer la destruction totale de la planète.
Cette phrase ramena Lone à la réalité.
– Où se sont réfugiés les autres Syrad ? Je dois me porter à leur secours sans attendre.
– Inutile, ils sont tous morts et ce sera votre tour si vous continuez à bavarder.
– Comment savez-vous ce qui leur est arrivé ? s'étonna Lone.
Du bout de ses trois doigts, le Dagua indiqua le corps de Sonalande allongé sur le sol :
– Les Syrad se trouvaient tous dans l'autre aile du Dôme quand la ventilation s'est brutalement arrêtée, ils sont morts asphyxiés. Tous, sauf Leegan qui s'était rendu au Tétraèdre pour désactiver le Bouclier et qui guettait l'arrivée des Kronga pour les accueillir. Le fou ! Il croyait pouvoir dominer les Kronga mais ceux-ci ont commencé le bombardement de Zonarande.
Pour sauver sa propre vie, il a alors tenté de remettre le Bouclier en marche mais il était trop tard. Les missiles des Kronga ont touché le dépôt d'armes, ce qui a provoqué une gigantesque explosion. Des éclats ont traversé l'un des murs du Tétraèdre et l'un de ces éclats a mortellement blessé Leegan. Il est parvenu à utiliser ses dernières forces pour parvenir jusqu'à moi.
– Leega ! C'est donc lui qui nous a trahis ?
– Assez ! Il faut fuir. Vous me porterez.
Lone eut un mouvement de répulsion qu'il ne put maîtriser.
– Vous préférez mourir ? demanda le Dagua. Alors, réjouissez-vous car votre fin est proche.
Lone était un guerrier, son instinct lui commandait d'aller se battre et, pour cela, il devait quitter ce souterrain.
Malgré sa répugnance, il se pencha vers le Dagua et le toucha d'abord du bout des doigts. C'était indéfinissable, visqueux et froid. Il le souleva enfin.
– Là-bas ! dit le Dagua en désignant le fond du laboratoire.
Lone traversa la pièce pour aller se positionner devant un pupitre.
– Approchez-moi du clavier ! commanda la Chose.
Lone obéit et observa, avec inquiétude, le Dagua qui posait ses mains à trois doigts sur les touches. Durant quelques secondes, le Zonder crut qu'il ne se passait rien, puis le laboratoire se dématérialisa lentement autour de lui tandis qu'il percevait un son de plus en plus aigu. Lone éprouva une affreuse impression de mouvement, ses yeux à ommatidies lui renvoyaient de multiples images de différents lieux simultanément, brouillant ses repères spatiaux. Il se sentit affreusement mal.
J'aurais dû essayer de m'en sortir seul, regretta-t-il.
– Hâtez-vous, il le faut !
Comme si le couinement du Dagua avait stoppé le processus, le tournoiement cessa et les yeux de Lone s'accordèrent, enfin, pour lui montrer une vaste salle avec, en son centre, une grosse sphère en sustentation comme Lone n'en avait jamais vu ; d'un noir étincelant et conçue dans un matériau qui ne laissait apparaître aucun défaut.
– Cet aéronef appartient au Dogonde, s'effraya-t-il. Je n'ai pas le droit de...
Le Dagua s'énerva.
– Il faut partir d'ici !
Comme pour confirmer son propos, le sol fut ébranlé par une nouvelle vibration qui, loin de s'arrêter, se mit à augmenter d'intensité. La lumière faiblit fortement et une large fente apparut dans l'une des parois de la salle, puis une autre, et une autre encore.
Lone s'engouffra dans la sphère qui se referma derrière lui. Pendant que le Zonder prenait place sur l'unique siège, le Dagua se glissa dans un léger renfoncement et un écran s'éclaira devant lui.
– Décollage immédiat ! ordonna la Chose.
L'étrange vaisseau s'enfonça dans un tunnel que Lone ne découvrit qu'au dernier instant. Mû par l'habitude - il était pilote - il empoigna le harnais et le boucla. Il s'ensuivit une forte accélération qui le plaqua sur le siège. Cela fut très bref et, soudain, la bulle jaillit à l'air libre.
Lone le comprit en apercevant Yilo, la lune de Zonarande, par le hublot. Il chercha à voir le dôme et la mégalopole mais ne vit qu'une monstrueuse couronne de fumée incandescente. Elle recouvrait tout, dévorait tout sur son passage.
– Il faut se poser ! cria Lone. Je dois me battre contre l'ennemi pour défendre Zonarande.
– Il n'est plus temps, Zonder. Seul la mort court sur votre sol et elle y règne déjà, toute puissante. Regardez donc ses ravages, si vous ne me croyez pas !
A travers le hublot, Lone put voir une armée de flammes, d'où émergeait de fréquentes explosions, en train de se répandre. La planète se transformait en une boule rougeoyante.
A cet instant, la sphère subit une irrésistible accélération et s'élança en direction de l'espace.
– Que faites-vous ? s'affola Lone. Où m'emmenez-vous ?
Mais la poussée se poursuivit et Lone se sentit écrasé par la pression. Le Dagua posa sa petite patte gluante sur lui et le Zonder sombra dans l'inconscience.

– Tu es certain qu'il ne m'entend pas ? s'inquièta Leegan dont la voix sortait du Dagua.
– Non, répondit le Dagua avec sa voix horrible. J'ai ralenti toutes ses fonctions.
Leegan s'impatienta, les choses n'allaient pas comme il le voulait. Blessé, il avait pu glisser son âme à l'intérieur du dernier Dagua qui lui restait mais il ne voulait pas rester indéfiniment coincé dans cette affreuse chose.
– Opére le transfert de mon âme à l'intérieur de son corps ! Il est inutile d'attendre plus longtemps.
– C'est beaucoup trop tôt. Le Zonder a subi une forte irradiation lors de l'attaque des Kronga, il n'a pas encore entièrement récupéré, ce serait vraiment risqué pour vous.
Leegan ne put retenir un cri de colère.
– Pourquoi les Kronga ont-ils fait ça ? Ils voulaient la planète, je la leur ai offerte, alors pourquoi la détruire ?
L'horrible voix lui répondit à nouveau :
- Peut-être voulaient-ils seulement neutraliser vos armes et les choses auront mal tourné. A moins qu'ils n'aient douté de vous ?
Le propos du Dagua énerva encore davantage Leegan qui le menaça :
– Garde tes réflexions pour toi, Dagua !
– Oui, maître.
Leegan regarda par le minuscule hublot de la sphère mais rien n'apparaissait, à part des roches par centaines, que l'engin spatial évitait avec facilité.
– Où allons-nous, Dagua ? Sur quel nouveau monde m'emmènes-tu ?
– Sur la planète Terrighis où vous pourrez reprendre le cours d'une vie normale, maître Leegan.
"Une vie normale ? Mais quelle vie ? Leegan songea que son beau rêve ne se réaliserait jamais.
– Moi qui espérais régner sur Zonarande ! Avec les Kronga bien sûr, mais sans ces encombrants Syrad, toujours en train de contester mes décisions.
L'horrible voix du Dagua retentit et il y eut comme une pointe d'humour dans sa réponse.
– Ce sont les Kronga qui ont bien failli se débarrasser de vous !
– Je t'ai déjà dit de garder tes réflexions pour toi, Dagua. Quant à ce maudit Sonalande, j'ignore comment il avait pu deviner ma trahison ?
– Reposez-vous, Leegan ! Je vais réveiller Lone, il a besoin de s'alimenter. Et il ne doit surtout pas savoir que je vous transporte à l'intérieur de moi.

Quand Lone rouvrit les yeux, la sphère errait quelque part dans la nuit spatiale et elle transportait ses deux passagers.
– Vous avez retrouvé vos fonctions ? demanda le Dagua qui n'attendit pas la réponse et précisa : Nous parviendrons à destination dans sept mois, quatre jours, onze heures, vingt-neuf minutes et quatre secondes.
En voyant la Chose, Lone s'efforça de se souvenir des derniers événements.
– A destination... mais de quel endroit ?
– Nous nous dirigeons vers la planète Terrighis, dans la galaxie du Quadrant, répondit le Dagua.
Lone se souvint avoir entendu évoquer cette planète lointaine.
– Pourquoi là-bas ? Que pourrais-je faire si loin de chez moi ?
– Quelle importance ! répondit l'horrible voix du Dagua. Là ou ailleurs.
Lone fut d'abord surpris par cette réponse. Sa planète ne se trouvait pas n'importe où, c'était évident. Et puis, soudain, il jeta un coup d'œil sur l'écran transparent devant lequel se tenait le Dagua. Il reconnut aussitôt le Boîtier d'Intelligence Artificielle identique à celui qui équipait son Elam.
– Je veux interroger le B.I.A. ! exigea-t-il. Et tout de suite.
– C'est inutile, dit le Dagua. Il ne pourra fournir aucune réponse à vos questions.
– Je le veux pourtant, insista Lone, et vous ne pourrez pas m'en empêcher.
D'un geste vif, le pilote Zonder passa sa main droite devant l'écran et l'Intelligence Artificielle l'identifia, puisque comme tout Zonder il possédait une puce électronique injectée sous ses écailles.
– Pilote 14-32 demande retour impératif sur Zonarande ! annonça Lone. En attente de votre réponse...
"Réponse négative ! répondit la voix synthétique de l'ordinateur. Absence de coordonnées."
Lone marqua une hésitation. Son cerveau ne parvenait pas à interpréter l'information donnée : absence de coordonnées ? C'était pourtant simple ! Il voulait rentrer sur Zonarande.
Voyant la stupéfaction de Lone, le Dagua lui vint en aide et lui expliqua :
– Votre planète n'existe plus, elle a totalement disparu de l'espace. La sphère, qui nous transporte, nous guide vers un lieu où vous pourrez vivre en toute sécurité.
Effondré, Lone resta sans voix. Son regard parcourut l'intérieur de la sphère - elle n'était pas très spacieuse, d'une triste couleur grisâtre et dépourvue du moindre confort - pour revenir au Dagua.
– Vous êtes une certaine forme de vie ? n'est-ce pas.
– Oui, Lone, je suis un être vivant, même si je suis infiniment différent de vous.
Soudain inquiet, Lone vérifia que sa propre peau, épaisse, ne montrait aucune anomalie ce qui signifiait que l'air lui parvenait toujours à travers ses pores.
– Il y a assez d'air pour nous deux, Dagua ?
– Oui, Lone, la sphère nous permet de survivre.
– Vous voulez dire qu'elle peut me fournir nourriture et hydratation. Mais et vous ? Comment survivez-vous ?
– Je m'autorégénère naturellement. Mais si vous avez faim, vous pouvez manger.
Il y eut un déclic et un compartiment coulissa, rempli à ras bord de pastilles.
– Bonne appétit !
Lone prit un comprimé et l'avala. Il ressentit une lente montée d'énergie à travers tout son corps puis, subitement, il s'endormit.

Alors que Lone dormait paisiblement, toujours sanglé sur son siège, le Dagua sentit quelque chose bouger à l'intérieur de lui.
– Etes-vous bien reposé, Leegan ?
– Oui, répondit une voix ensommeillée. Dis-moi quand procéderas-tu au transfert de mon âme, Dagua ?
– Dès que nous serons arrivés à Terrighis, maître. Le Zonder aura récupéré son énergie et son corps offrira toutes les garanties pour vous accueillir.
Leegan observa Lone, plongé dans un sommeil artificiel ; il était inerte, ses yeux à ommatidies éteints. Leegan se plaignit d'en être réduit à accepter ce corps.
– Moi, Leegan, vénéré Dogonde de la planète Zonarande, je vais devoir prendre la peau de ce vulgaire pilote !
– Il est jeune, maître, lui fit remarquer le Dagua. Il dispose encore d'une dizaine d'unités-vie dont vous pourrez profiter.
– Tu es bien certain que mon cerveau détruira le sien ? gronda Leegan. Et s'il tentait de résister ?
– Vous vous êtes préparé à ce transfert, pas lui. Tout se déroulera comme prévu.

Quand Lone se réveilla, il trouva le Dagua toujours à sa place dans le petit renfoncement, devant l'écran transparent du B.I.A.
– D'où venez-vous ? demanda Lone qui s'ennuyait un peu.
– D'un monde lointain. Mon Créateur effectuait un long périple vers Orion quand des Kronga ont intercepté son vaisseau. Ils exigeaient une rançon et mon Créateur leur a proposé trois Dagua.
Lone se dit que lui n'aurait jamais pris les Dagua, ils étaient dangereux et les Zonder le savaient.
– Les Kronga sont stupides, dit Lone qui avait été brièvement prisonnier de ces êtres cruels. Comment ont-ils pu accepter des Dagua à la place de missiles ?
– Mon Créateur peut se montrer très persuasif.
Par le hublot, Lone aperçut une pluie d'étoiles filantes.
– Quand arriverons-nous ? demanda-t-il. Je me sens prisonnier dans cette sphère.
– Dans quatre mois, deux jours, seize heures, quinze secondes. Vous avez besoin de vous alimenter.
Lone avala une pilule et plongea, à nouveau, dans le sommeil.

Alors que Lone dormait, la voix de Leegan s'éleva dans la sphère.
– Je n'apprécie pas ce Zonder, il pose trop de questions !
– Mais il ne comprend pas les réponses, Leegan.
– Peut-être, mais je le trouve quand même trop intelligent pour un simple pilote.
– Je suis une espèce inconnue pour lui, maître. Cela l'intrigue. Il essaie de comprendre mais je doute qu'il y parvienne.
– J'ai hâte d'être débarrassé de ce stupide Zonder ! Et je serai satisfait de quitter ton affreux corps de Dagua.
– Oui, maître.


Quelque temps plus tard, sur une autre planète...

Lone contemplait, pour la première fois, une planète autre que Zonarande et il la trouvait d'une beauté époustouflante. Au fur et à mesure que la sphère s'en rapprochait, il découvrait des lagons émeraude, des terres rouges, des sables jaunes et des prairies de fleurs.
Une idée traversa soudain son cerveau de Zonder.
– Mes fonctions resteront-elles opérationnelles quand je marcherai sur ce sol ?
– Oui, Lone. Vous vous adapterez sans difficultés à votre nouveau monde.

Enfin, la bulle se posa sur le sol de Terrighis et le sas s'ouvrit. Lone détacha sa ceinture puis, d'un geste vif, il entoura le Dagua, plusieurs fois, avec la sangle, laissant la Chose ligotée sur le siège de pilote.
– Je ne comprends pas ? s'étonna le Dagua.
– Tant pis pour toi, la Chose ! Je ne dormais pas assez profondément et j'ai surpris vos vilains arrangements.
– Détachez-moi, Lone ! cria une voix que le Zonder savait reconnaître désormais.
– Leegan ! Mais je vous croyais mort ? se moqua le Zonder. Je vous rappelle que la trahison est punie par la Désintégration.
– Voyons Lone, il n'existe pas de désintégrateur sur Terrighis. Détachez le Dagua ! Ceci est un ordre.
– Vous oubliez que vous n'avez plus de Zonder à commander puisque vous les avez tous tués, gronda Lone. Tous ceux qui étaient mes camarades, ils n'existent plus à cause de vous.
– Lone ! Vous n'êtes pas assez intelligent pour survivre sur cette planète, je vous aiderai.
– Non. Vous voulez vous emparer de mon corps et je ne vous laisserai pas faire.
Lone arracha le tiroir rempli de pilules qui se répandirent dans la sphère puis il s'adressa à l'ordinateur de bord : Pilote 14-32 ordonne autodestruction. Code 711, dans quarante-cinq secondes !
Lone fila hors de la bulle et courut pour se mettre à l'abri derrière un monticule.
– Lone, revenez ! s'écria Leegan avant de se mettre à hurler : Dagua, arrête cette machine ! Je te l'ordonne !
– J'ignore comment faire , maître ; il reste trente-quatre secondes ! Je ne connaissais pas l'existence de ce système et encore moins le code qui l'annule : il reste vingt-sept secondes ! Je suggère de rappeler le Zonder : il reste dix-neuf secondes ! et de conclure un marché avec lui : il reste quinze secondes !
– Tu dis " conclure un marché ? " mais je ne comprends pas !
– Oui, maître, un marché : il reste neuf secondes ! et votre cerveau restera en vie... Il reste une seconde...

Lone entendit une forte déflagration suivie de bruits de morceaux de roches et de métal qui retombent sur le sol. Lorsque le silence revint, il sortit de sa cachette improvisée. Le petit vaisseau gisait éparpillé sur le sol : juste quelques débris calcinés dégageant d'une légère fumée grise.
– Tant pis pour eux, gronda Lone en se parlant à haute voix. Je n'aimais pas être enfermé dans la sphère et je n'aimais pas du tout le Dagua aux deux cerveaux.
Tournant lentement sur lui-même, Lone observa le paysage qui s'offrait à lui. C'était étrange. Il n'y avait pas de Dôme, aucune mégapole et, dans le ciel, nul aéronef. Pas, non plus, de Syrad pour lui écraser le cerveau ou désintégrer ses atomes en totalité.
S'il avait pu éprouver un sentiment tel que le soulagement, ou même un simple contentement, Lone l'aurait fait, mais un pilote était programmé pour protéger sa planète, quitte à se sacrifier pour elle. Et aussi éliminer les traîtres. Mais cela, Leegan l'avait totalement oublié. Hélas pour lui !
Par le hublot, alors que la sphère approchait Terrighis, Lone avait repéré des constructions régulières au milieu de champs fleuris, et de larges sillons dans la verdure qui évoquaient des chemins permettant de se déplacer à l'aide d'un moyen de transport primitif. Une certitude s'était alors imposée à lui : la planète était habitée par des êtres vivants qui aimaient leur planète !
Alors, sans éprouver la moindre crainte, et même le coeur léger, Lone le Zonder partit à leur rencontre.

F I N

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version revue par l'auteur en mai/juin 2019

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