FAIRE UN TOUR CHEZ LES COPAINS

                                    par Claude Jégo

Oncle Marc venait d'entrer dans le jardin quand il aperçut son neveu, un arrosoir en plastique à la main. Il arrosait les racines des laitues plantées en pleine terre en évitant, avec soin, leur feuillage.
– José, tu arroses les salades ? La météo a pourtant annoncé la pluie pour demain. Patiente un peu et le problème se réglera tout seul.
Le jeune garçon de dix ans soupira :
– La pluie devait arriver la semaine dernière, oncle Marc, et la semaine d'avant, et  la semaine précéd...
Oncle Marc leva les mains en l'air :
– Je me rends, José ! Arrose autant que tu voudras. Moi, pendant ce temps, je vais prendre un délicieux café en compagnie de ma chère soeur, ta maman.
Le jeune garçon attendit que son oncle regagne la maison et il reprit l'arrosage jusqu'à la dernière goutte.
– Ouf, ça y est, j'ai fini.(Il posa l'arrosoir sur le sol humide.) Et maintenant, il me faut de l'herbe pour Riton et, ensuite j'ai promis des fleurs pour mon institutrice, madame Larue. Allons-y !
Abandonnant les laitues, José partit à la recherche du mouron blanc dont Riton, son joli canari jaune raffolait. Il trouva l'herbe sans difficulté et s'accroupit pour en arracher quelques poignées qu'il plaça dans la pochette en tissu accrochée à sa ceinture.
– Je serai ravi de t'entendre chanter, Riton, le matin de préférence bien sûr. Il faut que je m'occupe du bouquet.

José gagna la partie fleurie du jardin, embaumée par les merveilles qui s'y épanouissaient.
– Des fleurs, des fleurs, des fleurs... Pfff, lesquelles je choisis ? Ce n'est pas facile du tout. Voyons une grosse grappe de lilas blanc ? Des pivoines rouges dont il faut tailler les tiges en biseau avant de les plonger dans de l'eau fraîche ? Oh, c'est compliqué. Tant pis, j'opte pour les dahlias de toutes les couleurs. Madame Larue les appréciera beaucoup.
José prit le sécateur qu'il avait placé à l'avance sur le muret et coupa six dahlias pour confectionner un beau bouquet.
– Il ne me reste plus qu'à ôter ces charmantes bestioles qu'elle n'apprécierait pas du tout, j'en suis certain.
Il retourna les fleurs à l'envers, les secoua doucement faisant ainsi chuter une dizaine de perce-oreilles sur l'allée. Sans attendre, ils prirent la fuite, se dispersant dans les massifs fleuris alentour. José releva alors les dahlias rouge, rose, blanc, jaune et les contempla avec fierté.
– Vous voilà débarrassés de vos agresseurs, mes jolis. Ils ne reviendront pas, je vous le promets la main sur le coeur !
Un grand éclat de rire fit écho à la menace du jeune garçon. Oncle Marc dut faire un effort pour retrouver son calme.
– Je suppose qu'il s'agit des fleurs pour ton institutrice ? Donne-les moi, José, je les mettrai en "sécurité" dans un vase rempli d'eau, hors de portée de leurs assaillants. Moi aussi je le promets, la main sur le coeur.
Le jeune garçon eut un sourire et il tendit le bouquet à son oncle qui lui expliqua :
– Je venais te proposer de dévorer une part de la tarte au citron que ta mère a préparée. Tu m'accompagnes ?
– J'ai encore du travail à faire, oncle Marc. S'il te plaît, prends le mouron, c'est pour Riton.
Oncle Marc obtempéra.
– D'accord, mon neveu. Mais je te garde une tranche de gâteau. A plus tard !

Les bras chargés, l'oncle repartit vers la maison tandis que José gagnait un angle verdoyant du jardin. Il souleva des feuilles, des branchettes, cherchant dans les recoins en appelant doucement : Dominique ! Si tu as fini d'hiberner, j'ai de quoi te nourrir.
L'enfant sortit des petites tomates d'une de ses poches et les laissa sur l'herbe.
– Les pâquerettes et les violettes ont fleuri un peu partout dans le jardin, tu pourras en remplir ton ventre vide. Profites-en pour te régaler, Dominique !
José chercha encore dans les pissenlits, les écartant à pleines mains et il aperçut, tout à coup, le cercle de peinture bleue qui marquait la carapace de la tortue. Elle grignotait des trèfles et s'en régalait.
– Bon appétit, gourmande ! Je dois te laisser, j'ai entraperçu Ambroise et ses copains, j'ai des choses à leur dire. A une autre fois et surtout, ne te rendors pas avant l'hiver prochain.
José alla retrouver les escargots qui s'agitaient au milieu des salades, désormais humides grâce à l'arrosage du jeune garçon.
– Ne te gêne pas, Ambroise, mange les salades que mon père a passé des heures à planter ! Si tu crois qu'il ne te dira rien, tu ne manques pas de culot, vraiment. Et je vois que tes copains en profitent autant que toi. C'est vrai que c'est meilleur fraîchement arrosé.
Les escargots avaient choisi chacun une salade et en croquaient goulûment les feuilles. De son côté, Ambroise ne semblait tenir aucun compte des reproches que José était en train de lui adresser.
Le jeune garçon s'assit sur un petit tas de pierres qui garderait, au sec, le fond de son pantalon et poursuivit sa conversation :
– Franchement, Ambroise, demain tu pourrais aller avec tes copains (Il baissa la voix...) casser la croûte chez le voisin, il a des choux magnifiques. Crois-moi sur parole, vous allez adorer.
Les escargots demeurant indifférents, José renonça, se remit debout et entreprit de faire un dernier tour du jardin. Aucun problème avec les carottes, les navets, les pommes de terre, il passa à nouveau aux fleurs.

Évitant celles qu'il avait déjà vues, il apprécia l'éclosion des "Rosa Musimara", les roses rouges préférées de sa mère, qui s'accrochaient à leur bel arbuste grimpant.
A proximité, il observa le va-et-vient des fourmis qui transportaient, en file indienne, leur chargement de graines ou de fragments de végétaux vers leur fourmilière ; il leur fit des recommandations.
– Ne vous trompez pas de galeries quand vous vous déplacez, car votre monde est immense. Et c'est grâce à vous si, ce soir, toute la colonie pourra manger à sa faim.
Les dernières fourmis s'engouffrèrent dans leur labyrinthe et José les félicita : Bravo les mimis ! On se retrouve demain, au lever du jour.
Une voix l'interpella soudain :
– A qui parles-tu, José ? Je ne vois aucune "Mimi" dans le jardin.
– FOURMI ! rétorqua le jeune garçon à son oncle qui était de retour. Pas MIMI ! A cet endroit précis, c'est l'une des sorties de la fourmilière. Les fourmis en ont bien d'autres encore. C'est nécessaire car avec leurs multiples galeries souterraines, elles doivent renouveler l'air, aérer le sol.
– J'ignorais cela. Et à quoi cela peut-il être utile ?
– A respecter les équilibres naturels, oncle Marc. Ces fourmis sont des êtres vivants qui luttent, à leur façon, contre la pollution. Figure-toi qu'elles protègent notre planète.
Oncle Marc parut pensif.
–Si je te comprends bien, tu es en train de me dire que ces fourmis sont... Non, ce n'est pas possible ?
– Et si. Des écologistes ? Oui, tout à fait.

F I N


Création réalisée lors du Prix "Nouvelles Renaissances - Centre-Val de Loire"
sur le thème : "Les jardins de la France", organisé par Short Edition en 2022

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