Oncle Marc venait d'entrer dans le jardin quand il aperçut son
neveu, un arrosoir en plastique
à la main. Il arrosait les racines des laitues plantées en pleine terre
en évitant, avec soin, leur feuillage.
– José, tu arroses les salades ? La météo a
pourtant
annoncé la pluie pour demain. Patiente un peu et le problème se réglera
tout seul.
Le jeune garçon de dix ans soupira :
– La pluie devait arriver la semaine dernière,
oncle Marc, et la
semaine d'avant, et la semaine précéd...
Oncle Marc leva les mains en l'air :
– Je me rends, José ! Arrose autant que tu
voudras. Moi, pendant
ce temps, je vais prendre un délicieux café en compagnie de ma chère
soeur, ta maman.
Le jeune garçon attendit que son oncle regagne
la maison et il reprit
l'arrosage jusqu'à la dernière goutte.
– Ouf, ça y est, j'ai fini.(Il posa l'arrosoir
sur le sol humide.) Et maintenant, il me faut de l'herbe pour Riton et,
ensuite j'ai promis des fleurs pour mon institutrice, madame Larue.
Allons-y !
Abandonnant les laitues, José partit à la recherche du mouron blanc
dont Riton,
son joli canari jaune raffolait. Il trouva l'herbe sans difficulté et
s'accroupit
pour en arracher quelques poignées qu'il plaça dans la pochette en
tissu accrochée à
sa ceinture.
– Je serai ravi de t'entendre chanter, Riton, le
matin de préférence
bien sûr. Il faut que je m'occupe du bouquet.
José gagna la partie fleurie du jardin, embaumée par les merveilles
qui
s'y épanouissaient.
– Des fleurs, des fleurs, des fleurs... Pfff,
lesquelles
je choisis ? Ce n'est pas facile du tout. Voyons une grosse grappe de
lilas blanc ? Des pivoines rouges dont il faut tailler les tiges en
biseau avant de les plonger dans de l'eau fraîche ? Oh, c'est
compliqué. Tant pis, j'opte pour les dahlias
de toutes les couleurs. Madame Larue les appréciera beaucoup.
José prit le sécateur qu'il avait placé à
l'avance sur le muret et coupa
six dahlias pour confectionner un beau bouquet.
– Il ne me reste plus qu'à ôter ces charmantes
bestioles qu'elle
n'apprécierait pas du tout, j'en suis certain.
Il retourna les fleurs à l'envers, les secoua
doucement faisant ainsi chuter une dizaine de perce-oreilles sur
l'allée. Sans attendre, ils prirent la fuite, se dispersant dans les
massifs fleuris alentour. José releva alors les dahlias rouge, rose,
blanc, jaune et
les contempla avec fierté.
– Vous voilà débarrassés de vos agresseurs, mes
jolis.
Ils ne reviendront pas, je vous le promets la main sur le coeur !
Un grand éclat de rire fit écho à la menace du
jeune garçon. Oncle Marc
dut faire un effort pour retrouver son calme.
– Je suppose qu'il s'agit des fleurs pour ton
institutrice ? Donne-les moi,
José, je les mettrai en "sécurité" dans un vase rempli d'eau, hors de
portée de leurs assaillants.
Moi aussi je le promets, la main sur le coeur.
Le jeune garçon eut un sourire et il tendit le
bouquet à son oncle
qui lui expliqua :
– Je venais te proposer de dévorer une part de la
tarte au citron que
ta mère a préparée. Tu m'accompagnes ?
– J'ai encore du travail à faire, oncle Marc.
S'il te plaît, prends
le mouron, c'est pour Riton.
Oncle Marc obtempéra.
– D'accord, mon neveu. Mais je te garde une
tranche de gâteau. A plus tard !
Les bras chargés, l'oncle repartit vers la maison tandis que José
gagnait un angle verdoyant du jardin. Il souleva des feuilles, des
branchettes,
cherchant dans les recoins en appelant doucement : Dominique ! Si tu as
fini
d'hiberner, j'ai de quoi te nourrir.
L'enfant sortit des petites tomates d'une de ses
poches et les laissa sur l'herbe.
– Les pâquerettes et les violettes ont fleuri un
peu partout dans le
jardin, tu pourras en remplir ton ventre vide. Profites-en pour te
régaler, Dominique !
José chercha encore dans les pissenlits, les
écartant à pleines mains et il
aperçut, tout à coup, le cercle de peinture bleue qui marquait la
carapace de la tortue.
Elle grignotait des trèfles et s'en régalait.
– Bon appétit, gourmande ! Je dois te laisser,
j'ai entraperçu Ambroise
et ses copains, j'ai des choses à leur dire. A une autre fois et
surtout, ne te rendors pas avant
l'hiver prochain.
José alla retrouver les escargots qui s'agitaient
au milieu des salades, désormais humides grâce à l'arrosage du jeune
garçon.
– Ne te gêne pas, Ambroise, mange les salades que
mon père a passé des
heures à planter ! Si tu crois qu'il ne te dira rien, tu ne manques pas
de culot, vraiment. Et je vois que tes copains en profitent autant que
toi. C'est vrai que c'est meilleur
fraîchement arrosé.
Les escargots avaient choisi chacun une salade et
en croquaient goulûment les
feuilles. De son côté, Ambroise ne semblait tenir aucun compte des
reproches que José était en train de lui adresser.
Le jeune garçon s'assit sur un petit tas de
pierres qui garderait, au sec, le fond de
son pantalon et poursuivit sa conversation :
– Franchement, Ambroise, demain tu pourrais aller
avec tes copains (Il baissa
la voix...) casser la croûte chez le voisin, il a des choux
magnifiques. Crois-moi sur parole, vous allez adorer.
Les escargots demeurant indifférents, José
renonça, se remit debout et entreprit de faire un dernier tour du
jardin. Aucun problème avec les carottes, les navets, les
pommes de terre, il passa à nouveau aux fleurs.
Évitant celles qu'il avait déjà vues, il apprécia l'éclosion des
"Rosa Musimara", les roses rouges préférées de sa mère, qui
s'accrochaient à leur bel arbuste grimpant.
A proximité, il observa le va-et-vient des
fourmis qui transportaient, en file indienne, leur chargement de
graines ou de fragments
de végétaux vers leur fourmilière ; il leur fit des recommandations.
– Ne vous trompez pas de galeries quand vous vous
déplacez, car votre monde est immense. Et c'est grâce à vous si, ce
soir, toute la colonie pourra manger à sa faim.
Les dernières fourmis s'engouffrèrent dans leur
labyrinthe et
José les félicita : Bravo les mimis ! On se retrouve demain, au lever
du jour.
Une voix l'interpella soudain :
– A qui parles-tu, José ? Je ne vois aucune
"Mimi" dans le jardin.
– FOURMI ! rétorqua le jeune garçon à son oncle
qui était de retour. Pas
MIMI ! A cet endroit précis, c'est l'une des sorties de la
fourmilière. Les fourmis en ont bien
d'autres encore. C'est nécessaire car avec leurs multiples galeries
souterraines, elles doivent
renouveler l'air, aérer le sol.
– J'ignorais cela. Et à quoi cela peut-il être
utile ?
– A respecter les équilibres naturels, oncle
Marc. Ces fourmis sont
des êtres vivants qui luttent, à leur façon, contre la pollution.
Figure-toi qu'elles
protègent notre planète.
Oncle Marc parut pensif.
–Si je te comprends bien, tu es en train de me
dire que ces fourmis
sont... Non, ce n'est pas possible ?
– Et si. Des écologistes ? Oui, tout à fait.
Création réalisée lors du Prix "Nouvelles Renaissances - Centre-Val de
Loire"
sur le thème : "Les
jardins de la France", organisé par
Short Edition en 2022
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