Claude Jego
Le Voleur de Robots
Le Voleur de Robots

Dans une charmante ville de province, vivait une petite fille prénommée Aglaé. Elle habitait avec ses parents et son chat Bopy, dans une grande et belle maison entourée d'un magnifique jardin fleuri. L'histoire, que je vais vous raconter, a débuté un vendredi, juste à la veille des vacances de printemps.

* * *

Aglaé et ses trois amies, Prisca, Rosine et Bertille, venaient de sortir de l'école après avoir embrassé leur institutrice, mademoiselle Fontaine. Dans leur cartable, chacune des fillettes ramenait un carnet plein de bonnes notes qui ferait la fierté de leurs parents.
Tout en marchant d'un pas alerte sur le trottoir, les fillettes bavardaient joyeusement et se racontaient leurs projets pour les semaines à venir.
– Moi, dit Prisca en secouant joliment ses boucles blondes, je pars à nouveau au bord de la mer dans la superbe villa de mes grands-parents. L'année dernière, j'ai gagné un prix au concours des châteaux de sable, il paraît que je suis une enfant vraiment très douée pour la sculpture.
– Tu devrais essayer la montagne, lui suggéra Rosine dont les cheveux noirs comme le jais étaient coupés courts. Il y a toutes sortes d'animaux fabuleux à découvrir quand on se passionne pour la nature : des chamois, des marmottes, des aigles. On peut aussi, avec beaucoup de chance, cueillir une fleur très rare qui porte le joli nom de "Edelweiss". D'ailleurs je n'en ai qu'un seul exemplaire dans mon herbier. Et toi, chère Bertille ? Où iras-tu cette fois-ci en vacances ?
– A l'autre bout du monde : En Laponie ! répondit Bertille avant d'ajouter en pouffant de rire : Le père Noël m'a invitée personnellement.
– Le père Noël au mois d'avril ! s'exclamèrent les fillettes. Oh ! Décidément Bertille, on ne peut jamais parler sérieusement avec toi.
La dénommée "Bertille", dont le visage était couvert de taches de rousseur, haussa les épaules :
– D'accord, j'avoue : je pars en colonie de vacances comme l'année précédente et comme celle d'avant, une fois de plus.Mais au moins je pars, moi ! Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Les mots "Je pars, moi" s'accompagnèrent d'un regard dirigé vers Aglaé.
– La mer, la montagne, la colo… Pfff ! se moqua Aglaé. Je possède un chat qui parle, un jardin magique, et une maison hantée par un fantôme très sympa. Je n'ai aucune envie de m'en aller ailleurs.
– Et bien tant mieux pour toi, lui répondit Prisca. Mais nous t'enverrons une carte postale, au cas où tu t'ennuierais sans nous.
Tout en bavardant, les fillettes étaient arrivées devant la maison d'Aglaé qui portait le nom pompeux de "Villa des Camélias". Avant de quitter leur amie, Rosine, Prisca et Bertille lui lancèrent un "Bonnes Vacances, quand même !" puis elles poursuivirent leur chemin.

Aglaé franchit la barrière qui fermait l'entrée de son jardin, et tout en marchant entre les pensées jaunes et bleues, elle s'amusa à imiter ses amies :
– Mais voyons ma chère,Bertille, cette année je pars en Chine, comme d'habitude. Et vous, Prisca ? Au Pérou ! Oh ! Ce doit être un pays merveilleux. Comment s'appellent les habitants de cet endroit ? Des lamas ! Ah bon. Et ils se mettent à cracher quand vous les mettez en colère ? Quel peuple étrange, vous ne trouvez pas ?
A cet instant, la fillette aperçut son chat, Bopy en train de se rouler dans l'herbe. Son pelage tigré luisait sous les rayons du soleil et il ronronnait de bonheur. Elle s'accroupit à côté de lui, et se mit à lui gratouiller le ventre :
– Je suis en vacances, Bopy, lui dit-elle. On va bien s'amuser tous les deux, je te le promets.
– Miaaou ! fit le chat qui était toujours d'accord avec elle.
– Mes amies ne veulent pas croire qu'il y a un fantôme dans la maison, expliqua Aglaé au gros matou. Mais je ne leur en veux pas car elles sont très gentilles avec moi. Prisca m'aide à résoudre les problèmes quand ils sont trop difficiles, et Rosine m'apprend à chanter. Enfin, elle essaie parce que je chante faux, mais elle dit que j'y arriverai peut-être un jour. Quant à Bertille, elle me donne la moitié de son goûter à chaque récréation. C'est vraiment sympa de sa part.
La petite fille contempla sa maison qu'elle aimait par-dessus tout avec sa façade rose qui lui donnait un certain charme.
C'était l'une des plus anciennes demeures de la ville avec un joli perron en demi-cercle, et puis des petites fenêtres aux contours blancs.
Cette maison avait eu de nombreux propriétaires avant que les parents d'Aglaé ne l'achètent. Le tout dernier étant le célèbre pirate, Hutar le sanguinaire, dont le fantôme hantait désormais les lieux.
Le papa d'Aglaé avait beau expliquer à sa fille, qu'il s'agissait d'un simple marin, il n'arrivait pas à la convaincre. Aglaé savait que le terrible flibustier avait disparu, mais il avait d'abord creusé un trou dans le jardin pour y enterrer son trésor.
– Voyons, Aglaé, protestait à chaque fois son père, je t'ai répété cent fois que ce brave homme est parti vivre en maison de retraite à cause de son grand âge. Je t'assure qu'il n'y a aucun mystère là-dessous.
La petite fille acquiesçait pour lui faire plaisir mais elle connaissait l'horrible vérité. Hutar, le sanguinaire, avait été tué par des membres de son équipage qui voulaient s'emparer de son trésor.
D'ailleurs, le père d'Aglaé avait déjà tenté à plusieurs reprises de retrouver cet or en creusant des trous dans le jardin.
– Non, non, et non, Aglaé ! avait protesté le papa. Je ne fais que planter des salades et des pommes de terre.
La petite fille soupira. Pourquoi est-ce qu'on ne peut jamais parler sérieusement avec les grandes personnes ? Aglaé savait bien qu'il y avait des pirates qui écumaient les mers du sud, à bord de galions battant pavillon noir à tête de mort. Ils attaquaient les navires et s'emparaient de coffres remplis d'or. Aglaé l'avait lu dans "L'île au Trésor", alors pourquoi le nier ?
La nuit, Hutar le sanguinaire, ou plutôt son spectre, déambulait dans la maison. Le parquet craquait sous son poids, les portes grinçaient, et puis il y avait surtout ces longs gémissements qui n'en finissaient pas… Le vieux pirate s'ennuyait, à force de solitude.
– Toutes les vieilles maisons craquent, ma chérie, expliquait patiemment le papa d'Aglaé, et personne ne gémit : ce n'est que le vent qui se faufile sous les portes. Oh ! Et puis j'abandonne. Tu as vraiment trop d'imagination.
De toute façon, cela n'avait aucune importance ; Aglaé n'avait pas du tout peur des fantômes.

* * *

Les parents d'Aglaé lui firent signe d'entrer. Aglaé en profita pour faire la course avec Bopy jusqu'à la maison, mais le gros chat tigré fut, encore une fois, le plus rapide des deux. La fillette abandonna son cartable dans le couloir, et se mit à faire des sauts de cabri en chantant à tue-tête :
– Je suis en vacan- ceu ! je suis en vacan-ceu !
Aglaé aimait beaucoup son institutrice mais, à choisir entre l'école et les vacances, son choix était vite fait ; elle préférait les vacances. Elle savait déjà comment elle allait occuper ses longues et belles journées sans devoirs à rédiger, ni leçons à apprendre.
"Nous jouerons à la chasse au tigre, Bopy ! expliqua-t-elle à son chat. Et j'essaierai de te capturer avec mon filet à papillons, et puis nous aiderons papa à chercher le trésor du pirate. Si tu es d'accord, bien sûr ?"
Justement, le père d'Aglaé venait de s'approcher d'elle, il avait l'air ennuyé.
– Aglaé ? Il y a un petit problème, commença son père. C'est au sujet de ta grand-mère…
La fillette réalisa soudain que ses parents paraissaient contrariés.
– Il n'est rien arrivé à Grand-mère ? demanda-t-elle.
– Ce matin, en glissant dans la salle de bain, elle s'est blessé à la cheville, explique son papa. Le médecin a dit qu'il lui fallait du repos, et qu'elle ne devait pas rester seule. Tu comprends ?
Non, Aglaé ne comprenait pas vraiment, sauf que c'était une mauvaise nouvelle, elle en était persuadée.
– Ta mère et moi nous allons nous occuper d'elle pendant quelques jours, continua le papa d'Aglaé. Mais tu ne peux pas nous accompagner.
– Tu es en vacances, Aglaé, intervint la maman. Tu as besoin de courir, de t'amuser. Tu t'ennuierais chez ta grand-mère.
Aglaë regarda sa mère avec des grands yeux ronds. Ses parents voulaient partir sans elle, mais alors… Qu'allait-elle devenir ?
– Tu te souviens de tante Clotilde ? lui demanda sa maman. Nous lui avions rendu visite, l'an dernier et tu avais adoré ses gâteaux…
Miam-miam ! Bien sûr qu'Aglaé se rappelait d'elle. Petite, plutôt grassouillette, tante Clotilde était une surdouée de la pâtisserie.
– Ton père et moi, nous lui avons demandé de venir veiller sur toi pendant notre absence, reprit la maman. Elle arrivera tout à l'heure et nous partirons ensuite chez ta grand-mère.
"Ouf ! J'ai échappé au pire, songea Aglaé. Quand je pense qu'on aurait pu m'envoyer chez la Tante Patricia ! Elle a huit enfants qui passent leur temps à se tirer les cheveux, et à se mettre les doigts dans le nez. Berk !"
Soulagée, Aglaé rassura ses parents :
– Je promets d'être très sage avec Tante Clotilde. Et Bopy aussi sera sage. N'est-ce pas Bopy ?
Hélas, la maman fit une petite grimace et Aglaé comprit qu'il y avait encore un autre problème :
– Tu sais, Aglaé, tante Clotilde a montré beaucoup de gentillesse en acceptant de venir veiller sur toi.
La maman s'interrompit, et ses joues devinrent cramoisies. Alors c'est le papa qui finit la phrase :
– Voilà, Aglaé… Tante Clotilde est allergique aux chats. Aussi, nous allons devoir mettre Bopy dans une pension, mais seulement pour quelques jours.
Cette annonce fut suivie d'un lourd silence. Aglaé avait perdu son sourire et ses yeux s'étaient agrandis d'horreur.
– Tu veux abandonner mon Bopy dans un refuge ? lança-t-elle, à son père.
– Bien sûr que non, Aglaé, protesta vivement ce dernier. C'est un endroit où l'on prend soin des chats et Bopy pourra se faire de nouveaux amis. Je suis certain qu'il s'amusera bien là-bas.
– Et puis ce n'est que pour peu de temps, Aglaé, ajouta la maman. Juste quelques jours.
Aglaé ne pouvait en croire ses oreilles. Non seulement, ses parents voulaient partir sans elle, mais en plus, il allait la séparer de son Bopy adoré. Quelle horreur !
Bopy n'avait pas compris le drame dont il était l'objet ; le gros matou tigré se frottait contre les jambes d'Aglaé en ronronnant de bonheur.
La petite fille le prit dans ses bras, et le serra très fort :
– Je refuse d'abandonner mon meilleur ami sous prétexte que tante Clotilde déteste les chats, dit-elle ses parents. Vous pouvez partir chez Grand-mère. Bopy et moi nous allons monter dans le grenier et nous y resterons jusqu'à votre retour.

Prenant un air très digne, la tête haute, Aglaé grimpa l'escalier sans se retourner, abandonnant derrière elle ses pauvres parents. Arrivée au dernier étage, elle entra dans le grenier et referma la porte. Puis, elle déposa Bopy sur le parquet et se hâta d'allumer la lumière. Après tout, ne se trouvait-elle pas désormais dans le repaire du fantôme ? Bien sûr, les spectres ne sortent que la nuit, mais on ne sait jamais : Hutar le sanguinaire aimait peut-être aussi la lumière du jour ?
En réalité, Aglaé avait beau être très courageuse, c'est la première fois qu'elle pénétrait dans le grenier.
La lumière du plafonnier éclairait assez bien la pièce, et il y avait deux lucarnes percées dans la toiture. La fillette remarqua aussitôt la poussière, et quelques grosses toiles d'araignée. Peut-être y avait-il aussi des souris ? Non. Aucune certainement, sinon Bopy se serait lancé sur leur piste, et le gros chat était occupé à fouiner un peu partout.
– Ne sois pas si trouillarde, Aglaé, dit la petite fille en se parlant à voix haute. Imagine qu'il s'agit d'une grotte merveilleuse remplie de trésors.
Elle s'avança timidement, et découvrit un grand poste de radio - tout en bois - qui datait sans doute de l'époque du grand-père, puis tout à côté, une machine à coudre noire portant la marque en lettres dorées.
Soudain, elle se cogna contre un vieux mannequin de couturière et poussa un petit cri de frayeur.
"Que je suis sotte ! J'ai bien cru qu'il s'agissait du fantôme sans tête de ce vilain pirate. Décidément, c'est vrai que j'ai beaucoup d'imagination."
Aglaé s'enhardit et souleva le couvercle d'une vieille malle en osier. Pêle-mêle elle y dénicha un affreux patchwork, un éléphant vert et marron à mettre au musée des horreurs, une boule en plastique avec le mont Saint-Michel et de la neige mais plus une goutte d'eau à l'intérieur. Tout au fond de la malle, dans une grande boîte en carton blanc, était soigneusement rangée la robe de mariée de sa maman, avec le voile de tulle et le bouquet de fleurs complètement desséché. Un peu plus loin, sur une commode, on avait oublié de vieux chapeaux : un canotier, un feutre blanc, une toque en fourrure à demi dévorée par les mites, un béret beige.
Aglaé les essaya tour à tour en se regardant dans un vieux miroir ; le feutre lui allait plutôt bien.
"Grui-grui-grui !" fit soudain son estomac.
"J'oubliais mon goûter", pensa Aglaé qui fouilla aussitôt dans ses poches.
Elle en ressortit une barre chocolatée, un chewing-gum et deux biscuits. "Merci Bertille ! Tu es la meilleure des amies."
Apercevant un large fauteuil de velours carmin usé jusqu'à la trame, la petite fille s'y installa.
Tout en grignotant, elle eut une pensée pour ses trois amies, Prisca, Rosine et Bertille, qui partiraient bientôt en voyage.
"Et moi, je vais passer mes journées seule avec mon chat, enfermée dans ce grenier poussiéreux jusqu'à ce que la harpie soit repartie, soupira Aglaé. Eh bien ! Tant pis pour mes vacances, mais je ne quitterai pas mon chat. Bopy et moi, c'est à la vie, à la mort."
Alors que le chat tigré recommençait sa toilette pour la douzième fois de la journée, Aglaé ne put retenir un bâillement. La journée qu'elle venait de vivre avait été éprouvante. La petite fille se nicha au creux du grand fauteuil ; elle posa sa tête sur un accoudoir et ferma les yeux.
"Si Tante Clotilde met les pieds dans cette maison, pensa-t-elle, je lâcherai un lézard dans la cuisine, je mettrai un criquet dans sa chambre, et un scarabée dans son lit…"
Tandis qu'elle échafaudait un plan de bataille anti-Tante Clotilde, Aglaé s'endormit. La petite fille était si contrariée qu'elle se mit à rêver, et ce fut un rêve bien étrange !

L'aéronef fonçait à vive allure dans l'espace galactique. Dans sa fuite éperdue, il frôlait les étoiles, slalomait entre les comètes. C'était un engin spatial de poche, conçu pour le transport de deux personnes. A travers les vitres-bulles, on pouvait apercevoir le pilote, un robot, et son passager, une petite fille.
Assise à l'arrière, celle-ci surveillait le ciel avec inquiétude.
– Mozor n'est sûrement pas loin, gémit-elle. Il va réussir à nous rattraper, son vaisseau est plus rapide que le nôtre.
– Ne t'inquiète pas, Anaë, répondit le robot. J'aperçois une planète où nous allons pouvoir atterrir.
– Pourquoi ne pas retourner chez nous ? demanda la petite fille.
– Nous sommes trop loin de la planète des Fleurs, objecta le robot. Mozor n'aurait pas de mal à nous rattraper.
Soudain, Anaë aperçut, dans le lointain, une gerbe d'étincelles.
– Le voilà ! s'écria-t-elle. Il vient de heurter une étoile filante. Dépêche-toi, Bopy !
– Attention Anaë ! J'amorce la descente.
Bopy fit plonger le petit engin spatial vers la planète inconnue ; il posa l'appareil tout en douceur sur l'herbe d'une clairière. D'un geste vif, le robot ouvrit la bulle, et sauta à terre ; puis il aida sa petite amie à faire de même. Avec un peu de chance, Mozor poursuivrait son chemin et disparaîtrait dans l'espace.
– Vite, Anaë ! s'écria Bopy en prenant la petite fille par la main. Allons nous cacher!
Et tous les deux partirent en courant.
Trois petits personnages, qui se trouvaient derrière des hautes herbes, avaient suivi la scène de l'atterrissage avec curiosité. Il s'agissait de trois habitants de la planète : Babs, Timy et Smarf. Ils regardèrent s'enfuir les deux inconnus et se mirent à discuter entre eux.
– Il y a un robot et une petite fille, dit Babs.
– Elle est très jolie, ajouta Timy en rougissant. Je crois qu'elle s'appelle Anaë.
– Vous avez vu leur engin spatial ? pouffa Smarf en secouant sa grosse tête en forme de champignon. On dirait une cacahuète volante. Ho ho ho ! Quelle drôle de…
Mais avant qu'il ait pu finir sa phrase, on entendit un bourdonnement qui se rapprochait ; puis, tout à coup, un autre vaisseau apparut dans le ciel.
– Hi hi hi ! s'esclaffa Smarf. Ça ressemble à une poubelle volante ! Ho ho ho ! Le moteur fait Truiik ! Bronk ! Tchak !
– Chuuut ! grondèrent ses amis. Tu vas nous faire repérer.
Une fois l'engin posé, le bruit du moteur s'arrêta, et quelqu'un descendit.
Smarf dut faire un gros effort pour ne pas éclater de rire à nouveau. Qu'il était laid, cet étranger, avec ses sourcils en broussailles et son gros nez ! Et, chose bizarre, il parlait tout seul, à voix haute.
Les trois petits personnages tendirent l'oreille, et parvinrent à entendre quelques mots : "je dois capturer le robot, abandonner la fillette sur cette planète, je gagnerai beaucoup d'argent…"
Ho ! Tout cela n'était guère réjouissant.
– Que fait-on ? chuchota Timy. Je ne l'aime pas du tout.
Babs gratta le fin toupet de cheveux qu'il avait sur la tête avant de répondre :
– D'abord, on efface les traces de la petite fille et du robot, ainsi il ne pourra pas les retrouver. Ensuite, on va leur demander s'ils aiment les gâteaux ?
Smarf et Timy trouvèrent que c'était une bonne idée, et les trois petits amis s'éloignèrent.
Pendant ce temps, Anaë et Bopy avaient couru à perdre haleine, à travers la forêt. Bientôt, épuisés par leur course folle, ils s'écroulèrent dans un champ de coquelicots.
– Je...n'en...peux...plus..., réussit à dire Bopy.
– Moi...non...plus, répondit Anaë.
Autour d'eux, les hautes herbes se mirent à bouger, et trois grosses têtes apparurent. Mais Anaë était trop occupée à remettre de l'ordre dans sa robe faite de pétales de marguerites pour remarquer les nouveaux venus.
Anaë était une charmante petite princesse qui vivait sur la planète des Fleurs, avec ses parents : le roi et la reine, et tous ses amis. D'habitude, c'était une petite fille très sage qui n'allait jamais se promener dans l'espace sans son père. Mais ce jour-là, elle avait désobéi, et elle avait emmené son robot avec elle.
Hélas ! Leur petit engin spatial avait croisé la route du vilain Mozor qui s'était aussitôt lancé à leur poursuite. Car Mozor était un voleur de la pire espèce… C'était un voleur de robots ! Et malgré sa tête et son corps triangulaires, ses bras en accordéon, et son joli petit nœud qui lui donnaient une drôle d'allure, Bopy était un robot surdoué de la dernière génération qui valait beaucoup d'argent.
"Je pourrai, enfin, m'acheter un nouveau vaisseau," avait songé le vilain voleur en se frottant les mains.

Et c'est ainsi que la course-poursuite avait débuté jusqu'à ce qu'ils se retrouvent, tous, sur cette planète inconnue.
– Comme je regrette d'avoir désobéi, dit Anaë en se mettant à pleurer. Je promets de ne plus faire de bêtise.
– Tu veux mon mouchoir ?, demanda soudain une jolie voix cristalline.
Anaë et Bopy sursautèrent en découvrant trois étranges petits bonhommes. Imaginez des êtres en peluche pas plus haut que trois pommes, avec une tête en forme de champignon surmontée d'un toupet de cheveux, un long cou, et de grands pieds plats. Ils portaient des habits de toutes les couleurs.

Celui qui avait parlé s'avança vers la fillette et lui tendit son mouchoir à larges carreaux.
– Je m'appelle Timy, dit-il en rougissant. Tu aimes les gâteaux ?
– Je suis Babs, fit un autre, et lui, c'est…
– Ho ! La tête du robot, hi hi, elle est rigolote !
– C'est Smarf. Il est très mal élevé, expliqua Babs. Nous sommes des Bidirlidibis.
– Les Brilibis ? tenta de répéter Bopy mais c'était un nom très compliqué.
– Hi hi hi ! s'esclaffa Smarf. Le robot bafouille. Ho ho ho ! Il est trop drôle.
– Vous n'avez rien à craindre de ce vilain personnage qui vous poursuit, reprit Babs. Il ne pourra pas vous retrouver. Mais qui êtes-vous ?
Bopy et Anaë racontèrent leur mésaventure. La petite princesse avoua qu'elle avait désobéi et que, par sa faute, son robot risquait de finir en pièces détachées.
– Mozor ne vous trouvera pas, alors il se lassera et repartira, dit Babs. En attendant, venez visiter notre village !
– Je ferai pour vous mes plus beaux gâteaux, dit Smarf. Et Timy vous prêtera sa maison pour que vous puissiez vous reposer.
– Oui, fit Timy en agitant sa grosse tête.
C'est ainsi que Bopy et Anaë découvrirent la planète et le petit peuple des Bidirlidibis.

(sur la planète Changeante)

Pendant qu'Anaë et Bopy liaient connaissance avec leurs nouveaux amis, le roi Tomix se mourait d'inquiétude en guettant le retour de sa fille adorée. Quand il avait appris la désobéissance d'Anaë, il s'était d'abord promis de la punir, puis il avait fini par craindre le pire. A la fin, n'y tenant plus, il décida de partir à sa recherche.
"Anaë n'a pas pu aller bien loin avec ce petit engin spatial, songea Tomix. Je vais sillonner la galaxie, et je finirai bien par la retrouver."

Le roi monta dans sa soucoupe volante et fonça dans l'espace. Dès qu'il aperçut une planète, il s'y posa.
L'endroit était étrange. Imaginez un paysage entièrement bleu : les arbres, les pierres et même les ruisseaux. Mais il n'y avait personne : pas un seul habitant, pas une seule maison pas même un seul bruit.
Tomix tenta de lancer un appel :
– Est-ce que quelqu'un m'entend ?
Une voix très agréable lui répondit :
– Bien sûr que oui. Moi, je vous entends !
Tomix tourna la tête de tous côtés, ouvrit grands les yeux, sans rien découvrir. Il n'y avait que les arbres, les pierres et les ruisseaux bleus.
– Je suis désolé, dit Tomix, mais je ne vous vois pas. Où êtes-vous donc ?
– Me voici, répéta la voix. Suis-je assez visible ?
Et soudain, juste devant lui, Tomix vit apparaître un bonhomme tout rond et tout vert, les vêtements, son visage, ses cheveux.
– Mais vous êtes vert ! s'exclama le père d'Anaë.
L'homme tout vert lui fit un grand sourire.
– Oui, et c'est pourquoi vous pouvez me voir. Tout à l'heure c'était impossible puisque j'étais bleu, bleu comme le paysage.
Tomix trouva, décidément, ce lieu très bizarre. Il essaya d'en savoir un peu plus sur l'endroit :
– Pouvez-vous me dire quel est le nom de cette incroyable planète ? demanda-t-il.
– Bien sûr. C'est la planète Changeante, répondit poliment le bonhomme vert.
– Oh, je comprends, dit Tomix. Bien sûr, c'est tellement évident. Enfin, je crois.
Le père d'Anaé avait à peine fini sa phrase que le bonhomme vert disparut à nouveau mais cette fois-ci, dans un paysage qui était devenu entièrement vert : les arbres, les pierres et les ruisseaux.
– Je suis désolé, s'excusa Tomix, mais je ne vous vois plus, malgré tous mes efforts, je vous assure.
– Me voilà, ne vous inquiètez pas ! dit la voix, et un bonhomme tout jaune réapparut devant Tomix.
Tomix en profita pour lui expliquer la chose inquiètante qui venait de lui arriver.
– Je cherche ma fille et son robot, expliqua-t-il au bonhomme jaune. Peut-être les avez vous aperçus quelque part sur votre étrange planète ?
– Non, je ne crois pas, répondit le bonhomme après avoir réfléchi. Sont-ils comme vous ? Je veux dire : sont-ils de toutes les couleurs ?
– Euh... oui, répondit Tomix, surpris d'apprendre qu'il était de toutes les couleurs.
– Alors je ne les ai pas rencontrés, et je le regrette, dit le bonhomme jaune. Car, hélas, je rencontre si peu de monde. Mes amis et moi n'arrivons jamais à nous voir, vous comprenez mon problème ?
"Non, pas vraiment", songea Tomix mais il préféra ne pas le dire au bonhomme qui avait l'air si gentil.
– Excusez-moi, dit le roi Tomix, je dois poursuivre mes recherches pour retrouver ma fille.
– Oui, c'est tout à fait normal. Mais, puis-je vous demander une faveur ?
Et le bonhomme disparut dans le paysage qui venait de devenir entièrement jaune.
– Lorsque vous aurez retrouvé votre fille et son robot, pourrez-vous venir bavarder un moment avec moi ? Ainsi je verrai enfin les gens à qui je parle.
Et il se transforma en un bonhomme tout rouge, ses vêtements, son visage, ses cheveux.
Le père d'Anaë promit, puis il remonta dans sa soucoupe et quitta la planète Changeante.

Mozor était lancé à la poursuite du petit engin spatial lorsque son vieux vaisseau avait subitement heurté une étoile filante. L'un des moteurs était aussitôt tombé en panne, et la fillette et le robot en avaient profité pour prendre la fuite.
– Ce maudit robot risque de m'échapper ! gronda Mozor, furieux. Avec l'argent qu'il me rapportera, je pourrai m'acheter un nouveau vaisseau. Je ne dois pas le laisser filer. Mais où sont-ils donc cachés tous les deux ?
Mozor scruta l'espace tout autour de lui ; tout était vide, mis à part une petite planète à courte distance.
"Ils n'ont pas pu aller bien loin, pensa Mozor. Je vais essayer là-bas."
La chance était avec le vilain Mozor. A peine avait-il atterri sur la planète des Bidirlidibis, qu'il découvrit le petit engin spatial posé dans la clairière. Il était vide.
"Le robot finira bien par sortir de sa cachette, se dit Mozor. Alors je me saisirai de lui, et je le mettrai en pièces détachées pour l'empêcher de fuir à nouveau. En attendant qu'il réapparaisse, je vais faire une petite sieste."
Le voleur s'allongea dans l'herbe, à l'ombre d'un arbre, et s'endormit.

***

Après bien des détours, Bopy et Anaë étaient enfin parvenus jusqu'au village des Bidirlidibis. Ils découvrirent une multitude de jolies maisonnettes blanches en forme de dôme, avec des fenêtres toutes rondes, et des jardins débordants de fleurs.
– J'espère que vous aimez les gâteaux ? demanda Timy à ses nouveaux amis. De toute façon, nous ne savons pas cuisiner autre chose.
Il y avait une grande table dressée au centre du village ; les Bidirlidibis la firent disparaître sous les tartes au citron, les biscuits à la cannelle, les brioches au sucre, et les tartelettes aux fruits. Les gobelets se remplirent de citronnade, et Smarf fit le pitre pour amuser ses amis. Il décrivit le vilain Mozor.
– Il a de gros sourcils, de grandes oreilles, et un nez tellement long qu'il doit parfois marcher dessus.
Pendant qu'Anaë et Bopy oubliaient, un court instant, leurs ennuis, le roi Tomix arrivait en vue d'une nouvelle planète…

(encore une autre planète étrange...)

"Cette fois-ci, j'aurai peut-être plus de chance. Oh, j'aperçois quelques habitants devant ce village. Allons-y sans perdre une minute !"
Le père d'Anaë s'approcha et les salua d'un grand geste de la main :
– Bonjour à vous tous ! Mon nom est Tomix et je suis le roi de la planète des Fleurs. Je suis à la recherche de ma fille adorée et de son ...
Tout à coup, Tomix s'interrompit. Les habitants tenaient de grands mouchoirs humides dans leurs mains et, de leurs yeux rougis, coulaient de grosses larmes qui roulaient sur leurs joues et finissaient par s'écraser sur le sol.
– Oh, excusez-moi, dit-il aussitôt, j'ignorais que les habitants de cette planète étaient plongés dans un terrible malheur. Je vous présente toutes mes excuses pour vous avoir dérangés et je repars aussitôt.
Mais l'un des personnages lui fit signe de rester :
– Hélas, monsieur. Je vous informe que vous vous trouvez sur la planète du Désespoir !
Et trois ou quatre personnes éclatèrent en sanglots, pendant que d'autres se mouchaient bruyamment.
Tomix crut d'abord qu'il avait mal compris. Un endroit comme celui-ci ne pouvait pas réellement exister ?
– Vous ne cessez donc jamais de pleurer ? interrogea-t-il. Comment une chose aussi triste est-elle possible ?
Avant de répondre, le personnage tordit son mouchoir entre ses mains et une flaque d'eau inonda ses pieds :
– Hélas, mon bon monsieur. Depuis toujours, nous pleurons tous les jours de la semaine, tout au long de l'année. C'est ainsi que se déroulent toutes nos journées
– Oh ! fit Tomix qui n'en croyait pas ses oreilles. Je suis désolé pour vous.
– Mais, continua le personnage, vous êtes si aimable... peut-être pouvez-vous nous être utile ?
– J'en serais ravi, assura Tomix qui était un homme charmant. Que puis-je faire pour vous ?
– Connaissez-vous une histoire drôle ?
Tomix se dit que c'était bien la chose la plus extravagante qu'on lui avait jamais demandé, mais il eut pitié de ces pauvres gens et il chercha dans sa mémoire :
– Il me semble que ma fille m'a raconté quelque chose qui pourrait convenir à votre situation. Comment était-ce déjà...?
Voyant que les personnages attendaient, Tomix toussa légèrement pour s'éclaircir la voix puis il plaça son index bien droit devant son nez :
– Qu'est-ce que vous voyez ?
Le personnage hésita :
– Euh... Je vois un doigt ?
– Ah, s'exclama Tomix, alors je suis bien caché !
Puis il attendit la réaction des personnages qui se regardèrent, cessèrent de renifler, et soudain ils éclatèrent de rire en jetant leurs mouchoirs en l'air.
– "HO HO HO!" faisaient certains.
– "HA HA HA !" répondaient les autres.
– "HI HI HI !" s'esclaffaient les derniers.
Plusieurs se roulèrent sur le sol en riant à gorge déployée !
Tomix se dit qu'il était temps pour lui de repartir après avoir vécu une telle aventure, mais à l'instant où il remontait dans sa soucoupe, un personnage lui cria :
– Hi hi ! Désormais ce sera la planète Désopilante. Ho ho ! Votre fille n'est pas venue chez nous et nous en sommes désolés. Ha ha ! Adieu et merci pour tout !

Sur la grande table des Bidirlidibis, il ne restait plus que des assiettes vides et des miettes de gâteaux. Babs proposa à Bopy et Anaë de retourner à la clairière pour récupérer leur engin spatial et pouvoir, ainsi, rentrer chez eux.
– Mozor aura perdu patience, et il sera reparti. Je suis certain que vous ne risquez plus rien. Allons-y tous ensemble !
Hélas le Bidirlidibi se trompait ! Quand ils arrivèrent sur place, le vaisseau de Mozor était toujours là. En tendant l'oreille, on pouvait même entendre des coups de marteau qui provenaient de l'intérieur de son vaisseau.
– Tu crois qu'il est en train de confectionner des gâteaux ? demanda Timy à Smarf en ouvrant des yeux inquiets.
– Chuuut ! fit aussitôt Babs en voyant Smarf prêt à éclater de rire.
Le Bidirlidibi mal élevé se mit à glousser en plaquant ses deux mains devant la bouche ; ce n'était pas facile d'avoir un fou rire silencieux, surtout pour Smarf.
– Allons jusqu'à la soucoupe volante de Bopy et d'Anaé, décida Babs. Timy ! Tu dois monter la garde et, si Mozor montre le bout de son gros nez, tu siffles trois fois pour nous avertir.
Ils s'éloignèrent et dès qu'ils furent arrivés près de leur cacahuète volante, Bopy grimpa à l'intérieur et il poussa un cri de désespoir.
– Quoi ! Que se passe t-il ? demandèrent ensemble Anaë et les deux Bidirlidibis.
Bopy montra ses deux mains qui tenaient des morceaux de fil abîmés :
– Mozor a arraché les fils de contact, expliqua Bopy. On ne peut plus décoller !
– Qu'est-ce qu'on fait ? interrogea Smarf en grattant sa large tête en peluche.
Babs comprit, très vite, qu'il fallait absolument remettre la soucoupe en état de redécoller. C'était la seule solution.
– Il faut réparer les fils sans attendre une seconde de plus ! répondit le Bidirlidibi. On n'a pas le choix. Peux-tu y arriver, Bopy ?
Le robot regarda les fils en si mauvais état et répondit :
– Je ne sais pas, mais je peux essayer.
Et il plongea sous le tableau de bord, rattachant le fil rouge avec le fil rouge, le fil jaune avec le fil jaune, le fil vert...
Plusieurs minutes s'étaient déjà écoulées lorsque, soudain, Timy arriva vers eux, en courant de toute la vitesse de ses petites jambes.
– Timy ! s'exclama Babs en l'apercevant. Mais que fais-tu là ? Tu devais monter la garde pour nous avertir !
– Mozor revient ! s'écria le Bidirlidibi qui avoua : Désolé ! Je ne vous l'avais pas dit : Je ne sais pas siffler !
"Ohoooo ! s'écria Babs. Alors "Sauve-qui-peut tout le monde !
D'un bond, Bopy sauta en bas de la cacahuète volante, et tous nos petits amis s'enfuirent à toute vitesse.

Ils ne cessèrent de courir que lorsqu'ils furent de retour au village des Bidirlidibis. Désormais ils étaient en sécurité.
Bopy se laissa tomber assis sur un banc ; il paraissait si désolé.
– Quel dommage ! dit Bopy. J'avais presque fini les branchements.
– Cela signifie que tout est perdu pour nous ! se lamenta la pauvre Anaë et deux larmes coulèrent sur ses joues. Nous ne retournerons plus jamais sur notre jolie planète des Fleurs et je ne reverrai plus mon père adoré.
Devant le chagrin de la fillette, Bopy choisit de prendre une décision très courageuse. 
– Tout ira bien, Anaé. Je vais me rendre à Mozor ! décida-t-il. Et tu repartiras vivre auprès de ton père.
– Ce n'est pas juste, Bopy ! s'écria Anaë en se jetant au cou de son robot. Par ma faute, tu vas perdre la vie.
Timy et Smarf étaient si émus qu'ils attrapaient déjà leurs mouchoirs à carreaux pour pleurer à leur tour, quand Babs poussa un cri de colère :
– Il n'est pas question de laisser gagner ce voleur de robots ! décida-t-il. Nous allons lui déclarer la guerre.
"Oohh !" firent les Bidirlidibis en ouvrant de grands yeux étonnés.
– Et comment va-t-on s'y prendre ? interrogea Smarf. Je serai curieux de connaître ton plan. Car tu as bien un plan ?
– Euh... Oui, enfin presque, bafouilla Babs.
Bopy se demanda comment tout cela allait finir. Il pensa, très fort, à sa planète des Fleurs, et il poussa un gros soupir.
– Je dois trouver le moyen d'éloigner Mozor quelques minutes, expliqua le Bidirlidibi. Je dois trouver le moyen, je dois trouver, je dois...
Et il se mit à marcher en tournant en rond, la tête penchée vers l'avant, les yeux fixés sur le sol, ses petites mains à trois doigts croisées dans son dos.
– Houla, gémit Timy en secouant sa grosse tête, la dernière fois qu'il a réfléchi, cela a duré longtemps.
– Oh oui, confirma Smarf, tellement longtemps... qu'on a failli manquer de gâteaux. Viens, Bopy ! Tu m'aideras pour les babas au rhum.
– Et toi, Anaë, dit Timy, tu veux bien faire les meringues avec moi ?
Pendant que Babs réfléchissait, réfléchissait... Smarf et Timy avaient emmené leurs amis dans leur maison pour se plonger dans le grand livre des pâtisseries. Ils sortirent des armoires des casseroles, deux poêles à frire, des cuillères en bois, des oeufs, de la farine, du sucre, de la levure, du beurre, du lait et rajoutèrent des pommes,  des fraises,  des cerises. Très  vite les gâteaux passèrent dans le grand four et cela sentait très bon dans tout le village.
L'après-midi était déjà bien avancé et la table était couverte de beaux gâteaux tous frais lorsque soudain Babs poussa un cri de victoire :
– Ça y est ! J'ai trouvé. Smarf va se déguiser en robot. Il entraînera Mozor sur une fausse piste, et pendant ce temps Bopy pourra faire décoller la cacahuète.
Smarf engloutit deux choux au chocolat avant de faire remarquer qu'il y avait un problème :
– Si le voleur ne voit pas Anaë, il soupçonnera quelque chose, et ton plan tombera à l'eau.
– Eh bien, répondit Babs, il suffit qu'un Bidirlidibi joue le rôle d'Anaë. Et le tour sera joué.
A la seconde même, tous les regards se portèrent sur Timy qui ouvrit de grands yeux effarés :
– Non-non, protesta t-il. Je n'aurai jamais le courage de faire une chose pareille.
– Mais si, affirma Babs en lui mettant des petites tapes d'encouragement dans le dos. Tu verras, c'est facile. Maintenant, il n'y a plus qu'à mettre au point les petits détails, et on passe à l'attaque !
"Hourra !" s'écrièrent en chœur les Bidirlidibis.

****

Mozor commençait à perdre patience. Non seulement, le robot n'était pas réapparu mais cette petite planète paraissait déserte.
"Ho ! C'est sûrement mieux ainsi, fit Mozor en se parlant à lui-même. Je me souviens avoir rencontré les habitants de la planète du Désespoir, ils étaient si tristes que j'ai failli me mettre à pleurer. Quel affreux souvenir !"
Soudain, il y eut un cliquetis métallique. Le voleur tourna la tête, et distingua dans les buissons, une petite silhouette vêtue de pétales de marguerite.
"Le robot et la fillette, pensa Mozor. Ils sont cachés dans les hautes herbes. Vite, je vais les attraper !"
Il fonça vers les buissons, mais pas assez vite et les deux ombres disparurent dans les feuillages. Bien décidé à les capturer, Mozor se lança à leur poursuite.
Dissimulé derrière un arbre, Babs avait observé toute la scène. Il se dépêcha de rejoindre Anaë et Bopy, et leur confirma que son plan avait bien fonctionné. Le robot  raccorda les derniers fils dans la cacahuète volante et il mit le contact.
"Vrouuuum ..." et les moteurs démarrèrent.
Avant de repartir Anaë déposa un gros baiser sur la joue du Bidirlidibi :
– Au revoir Babs ! Tu diras aux Bidirlidibis que je les aime !
– Un grand merci à tous ! cria le robot.
Lentement, le petit engin spatial s'éleva dans les airs, et il s'éloigna en prenant de la vitesse.

Sans perdre de temps, Babs courut jusqu'au vaisseau de Mozor ; il ouvrit une petite trappe placée sous le ventre de l'appareil, et se livra à un rapide bricolage. Ensuite il se cacha dans les hautes herbes et attendit… Pas longtemps. Mozor était en train de pourchasser les Bidirlidibis déguisés lorsqu'il avait entendu le bruit du décollage de la cacahuète volante.
"Si je poursuis le robot et la petite fille, alors qui fait décoller l'engin spatial ?" s'était demandé le voleur.
Mozor avait aussitôt cessé de courir et il était revenu sur ses pas. En voyant la cacahuète volante s'éloigner, il poussa un cri de colère, se précipita dans son vaisseau et décolla dans un nuage de poussière.
Timy et Smarf s'arrêtèrent en voyant que Mozor ne les poursuivait plus !
– Il a compris que c'était un piège, s'écria Timy. Il va rattraper nos amis. Retournons à la clairière !
Ils arrivèrent juste à temps pour apercevoir le vaisseau de Mozor qui filait à la poursuite du petit engin spatial.
– Ton plan n'a pas fonctionné, Babs ! crièrent-t-ils en chœur en retrouvant le Bidirlidibi. Mozor risque d'attraper Bopy !
– Il faudrait d'abord qu'il y parvienne, répondit Babs avec un sourire malicieux.
Il ouvrit sa main à trois doigts, et montra une poignée de vis et de clous :
– Il n'y a pas que le robot qui soit doué pour le bricolage. Regardez là-haut !
Soudain, dans le ciel, on vit le vaisseau de Mozor se mettre à zigzaguer, un coup à droite, un coup à gauche, et encore à droite… Puis, brusquement, le vaisseau se retourna à l'envers et Mozor se retrouva la tête en bas au volant de son vaisseau qui poursuivit ainsi sa route.
– Ho ho ho ! s'esclaffèrent Smarf et Babs. Mozor aura mal au cœur. Hi hi hi !
Mais à côté d'eux, Timy ne riait pas. Le Bidirlidibi contemplait le ciel vide et deux grosses larmes coulaient sur ses joues
– Au revoir, jolie Anaë ! Au revoir, Bopy ! Revenez vite nous voir ! Vous allez tellement nous manquer.

A force d'errer de planète en planète, le roi Tomix commençait à perdre courage :
– Ces endroits sont si étranges, soupira-t-il. Jamais je ne retrouverai ma fille adorée.
Il posa, une nouvelle fois, sa soucoupe, et jeta un regard inquiet autour de lui. Au premier abord, tout paraissait normal. Les rues étaient bordées de jolies maisons avec des rideaux de dentelle aux fenêtres, et les habitants allaient et venaient tranquillement.
Après une courte hésitation, Tomix décida de s'adresser à l'un d'eux.
Il salua un monsieur vêtu d'un élégant costume bleu :
– Bonjour. Mon nom est Tomix, je viens de la planète des Fleurs.
Très poliment, le monsieur en bleu lui rendit son salut :
– Bonjour, cher monsieur !
Pendant ce temps, un autre personnage vêtu de gris s'était approché.
– Bonjour, cher monsieur ! dit-il à son tour.
Un troisième, en habit beige, les rejoignit.
– Bonjour, cher monsieur.

Encouragé par un accueil aussi chaleureux, Tomix poursuivit :
– Ma fille Anaë et son robot se sont égarés dans l'espace. Peut-être les avez-vous vus atterrir sur votre planète ?
– Non, répondit l'homme en bleu en secouant la tête. J'en suis vraiment désolé.
– Non, fit à son tour celui en gris en secouant la tête. J'en suis vraiment désolé.
– Non, dit enfin celui en beige en secouant la tête. J'en suis vraiment désolé.

Un peu surpris par leurs réponses, Tomix insista :
– Alors, vous avez sans doute aperçu leur engin spatial ? Il a la forme d'une amusante cacahuète…
– Une cacahuète ? Quelle chose bizarre ! répondit l'homme en bleu. Je n'ai rien vu de tel.
– Une cacahuète ? Quelle chose bizarre ! fit l'homme en gris. Je n'ai rien vu de tel.
– Une cacahuète ? Quelle chose bizarre ! dit l'homme en beige. Je n'ai rien vu de tel.

Tomix poussa un gros soupir et leur demanda :
– Pouvez-vous me dire comment se nomme cette jolie planète ?
– Bien sûr, c'est la planète des échos ! répondit l'homme en bleu dans un grand sourire.
– Bien sûr, c'est la planète des échos ! fit l'homme en gris dans un grand sourire.
– Bien sûr, c'est la planète des échos ! dit l'homme en beige dans un grand sourire.
Mais Tomix n'écoutait plus, il se hâtait vers sa soucoupe.
Avant de repartir, il cria quand même " Au revoir " aux habitants, mais il était déjà loin lorsque ceux-ci lui répondirent :
– Au revoir, cher monsieur !
– Au revoir, cher monsieur !
– Au revoir, cher monsieur !
Tomix quitta la planète des Echos, le cœur serré par l'angoisse.

Le père d'Anaé désespérait de jamais revoir sa fille lorsque soudain une cacahuète volante surgit du fin fond de l'espace et se rapprocha de lui. C'est avec un grand bonheur que le roi reconnut sa fille adorée et son robot Bopy. Après leur avoir fait de grands signes de joie, il les escorta jusqu'à la planète des Fleurs.
Anaë demanda mille fois pardon à son père et promit de ne plus jamais lui désobéir. Quand à Bopy, il fut très heureux d'être revenu chez lui sans avoir perdu ses boulons et ses vis.
Et les Bidirlidibis ? Anaë et Bopy ne les oublient pas. Ils retourneront leur rendre une petite visite un jour prochain et Tomix les accompagnera. Le roi adore les gâteaux !

* * *

– Aglaë ! Tu veux bien sortir du grenier ? Tante Clotilde est arrivée !
Aglaë ouvrit les yeux et réalisa que l'aventure qu'elle et Bopy venaient de vivre n'avait été qu'un rêve ! Elle eut beau chercher autour d'elle, il n'y avait ni voleur de robot, ni Bidirlidibis, ni village rempli de gâteaux.
Suivie par son chat, Aglaë sortit du grenier poussiéreux et redescendit l'escalier.
Tante Clotilde les attendait au bas des marches et, "Quelle grande surprise !" elle tenait dans ses bras un gros chat roux à longs poils.
La maman d'Aglaë se hâta d'expliquer à sa fille qu'elle avait fait une grosse erreur dans un moment de distraction.
– Tante Clotilde n'est pas allergique aux chats, ma chérie, s'empressa-t-elle de lui dire. Je suis désolée mais j'ai confondu avec Tante Amélie.
– Ma petite Aglaë ! fit la tante avec un sourire. Il y a si longtemps que l'on ne s'était pas vu. Je suis sûre que nous allons passer, toutes les deux, de bonnes vacances.
– Oui, moi aussi, répondit Aglaë, puis désignant le gros matou, elle demanda :
– C'est un chat persan, n'est-ce pas ?
– Oui et tu verras, c'est un amour de chat. Je suis certaine qu'il s'entendra à merveille avec ton Bopy. Ils vont s'amuser comme des petits fous tous les deux.
Sans vraiment savoir pour quelle raison, Aglaë se sentait un peu inquiète.
– Dis-moi, tante Clotilde, je peux savoir comment il s'appelle ?
– Il porte le très joli nom de Mozor ! Qu'en dis-tu ?
Aglaë se sentit devenir toute blanche et, incapable de se retenir en voyant le gros chat roux prêt à sauter sur le sol, elle se rua dans l'escalier en hurlant :
– Viens vite, Bopy, sauvons-nous ! Le voleur de robots est de retour. On remonte dans la cacahuète volante et on repart chez les Bidirlidibis ! Vite !

Et tandis que Bopy et Aglaë grimpaient, à toute vitesse, les marches pour rejoindre le grenier, la maman d'Aglaë et le papa échangèrent un regard résigné.
Puis ils se tournèrent vers la tante Clotilde et la rassurèrent :
– Ne vous inquiétez pas, Clotilde ! Aglaé a beaucoup d'imagination mais c'est une enfant vraiment, oui, vraiment adorable. Vous verrez !

Pauvre Tante Clotilde ! Entourée de robot, de Bidirlidibis et de soucoupe volante, elle va passer de drôles de vacances, vous ne croyez pas ?

F I N

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version revue et corrigée par l'auteur (mai 2020)