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Dans une charmante ville de province, vivait une petite fille prénommée Aglaé. Elle habitait avec ses parents et son chat Bopy, dans une grande et belle maison entourée d'un magnifique jardin fleuri. L'histoire, que je vais vous raconter, a débuté un vendredi, juste à la veille des vacances de printemps.
Aglaé et ses
trois amies, Prisca, Rosine et Bertille, venaient de sortir de l'école
après avoir embrassé leur institutrice, mademoiselle Fontaine. Dans
leur cartable, chacune des fillettes ramenait un carnet plein de bonnes
notes qui ferait la fierté de leurs parents.
Tout en marchant d'un pas alerte sur le trottoir,
les fillettes bavardaient joyeusement et se racontaient leurs projets
pour les semaines
à venir.
– Moi, dit Prisca en secouant joliment ses boucles blondes, je pars à
nouveau au bord de la mer dans la superbe villa de mes grands-parents.
L'année dernière,
j'ai gagné un prix au concours des châteaux de sable, il paraît que je
suis une enfant vraiment très douée pour la sculpture.
– Tu devrais essayer la montagne, lui suggéra Rosine dont les cheveux
noirs comme le jais étaient coupés courts. Il y a toutes sortes
d'animaux fabuleux à découvrir quand on se passionne pour la nature :
des chamois, des marmottes, des
aigles. On peut aussi, avec beaucoup de chance, cueillir une fleur
très rare qui porte le joli nom de "Edelweiss". D'ailleurs je n'en ai
qu'un seul exemplaire
dans mon herbier. Et toi, chère Bertille ? Où iras-tu cette fois-ci en
vacances ?
– A l'autre bout du monde : En Laponie ! répondit Bertille avant
d'ajouter en pouffant de rire :
Le père Noël m'a invitée personnellement.
– Le père Noël au mois d'avril ! s'exclamèrent les fillettes. Oh !
Décidément
Bertille, on ne peut jamais parler sérieusement avec toi.
La dénommée "Bertille", dont le visage était
couvert de taches de rousseur, haussa les épaules :
– D'accord, j'avoue : je pars en colonie de vacances comme l'année
précédente et
comme celle d'avant, une fois de plus.Mais au moins je pars, moi ! Tout
le monde
ne peut pas en dire autant.
Les mots "Je pars, moi" s'accompagnèrent d'un
regard dirigé vers
Aglaé.
– La mer, la montagne, la colo… Pfff ! se moqua Aglaé. Je possède un
chat qui parle, un jardin magique, et une maison hantée par un fantôme
très sympa. Je n'ai aucune envie de m'en aller ailleurs.
– Et bien tant mieux pour toi, lui répondit Prisca. Mais nous
t'enverrons une carte postale, au cas où tu t'ennuierais sans nous.
Tout en bavardant, les fillettes étaient
arrivées devant la maison d'Aglaé qui portait le nom pompeux de "Villa
des Camélias". Avant de quitter leur amie, Rosine, Prisca et Bertille
lui lancèrent un "Bonnes Vacances, quand même !" puis elles
poursuivirent leur chemin.
Aglaé franchit la barrière qui fermait l'entrée
de son jardin, et tout en marchant entre les pensées jaunes et bleues,
elle s'amusa à imiter ses amies :
– Mais voyons ma chère,Bertille, cette année je pars en Chine, comme
d'habitude.
Et vous, Prisca ? Au Pérou ! Oh ! Ce doit être un pays merveilleux.
Comment
s'appellent les habitants de cet endroit ? Des lamas ! Ah bon. Et ils
se mettent à
cracher quand vous les mettez en colère ? Quel peuple étrange, vous
ne trouvez pas ?
A cet instant, la fillette aperçut son chat,
Bopy en train de se rouler dans l'herbe. Son pelage tigré luisait sous
les
rayons du soleil et il ronronnait de bonheur. Elle s'accroupit à côté
de lui, et se mit à lui
gratouiller le ventre :
– Je suis en vacances, Bopy, lui dit-elle. On va bien s'amuser tous les
deux, je te le promets.
– Miaaou ! fit le chat qui était toujours d'accord avec elle.
– Mes amies ne veulent pas croire qu'il y a un fantôme dans la maison,
expliqua Aglaé au gros matou. Mais je ne leur en veux pas car elles
sont très gentilles avec moi. Prisca m'aide à résoudre les problèmes
quand ils sont trop difficiles, et Rosine m'apprend à chanter. Enfin,
elle essaie parce que je chante faux, mais elle dit que j'y arriverai
peut-être
un jour. Quant à Bertille, elle me donne la moitié de son goûter à
chaque récréation. C'est vraiment sympa de sa part.
La petite fille contempla sa
maison qu'elle aimait par-dessus tout avec sa façade rose qui lui
donnait un certain charme.
C'était l'une des plus anciennes demeures de la
ville avec
un joli perron en demi-cercle, et puis des petites fenêtres aux
contours blancs.
Cette maison avait eu de nombreux propriétaires
avant que
les parents d'Aglaé ne l'achètent. Le tout dernier étant
le célèbre pirate, Hutar le sanguinaire, dont le fantôme hantait
désormais les lieux.
Le papa d'Aglaé avait beau expliquer à sa fille,
qu'il s'agissait d'un simple marin, il n'arrivait pas à la convaincre.
Aglaé savait que le terrible flibustier avait disparu, mais il avait
d'abord creusé un trou dans le jardin pour y enterrer son trésor.
– Voyons, Aglaé, protestait à chaque fois son père, je t'ai répété cent
fois que ce brave homme est parti vivre en maison de retraite à cause
de son grand âge. Je t'assure qu'il n'y a aucun mystère là-dessous.
La petite fille acquiesçait pour lui faire
plaisir mais elle connaissait l'horrible vérité. Hutar, le sanguinaire,
avait été tué par des membres de son équipage qui voulaient s'emparer
de son trésor.
D'ailleurs, le père d'Aglaé avait déjà tenté
à plusieurs reprises de retrouver cet or en creusant des trous dans le
jardin.
– Non, non, et non, Aglaé ! avait protesté le papa. Je ne fais
que planter des salades et des pommes de terre.
La petite fille soupira. Pourquoi est-ce qu'on ne
peut jamais parler sérieusement avec les grandes personnes ? Aglaé
savait bien qu'il y avait des pirates qui écumaient les mers du sud, à
bord de galions battant pavillon noir à tête de mort. Ils attaquaient
les navires et s'emparaient de coffres remplis d'or. Aglaé l'avait lu
dans "L'île au Trésor", alors pourquoi le nier ?
La nuit, Hutar le sanguinaire, ou plutôt son
spectre, déambulait dans la maison. Le parquet craquait sous son poids,
les portes grinçaient, et puis il y avait surtout ces longs
gémissements qui n'en finissaient pas… Le vieux pirate s'ennuyait, à
force de solitude.
– Toutes les vieilles maisons craquent, ma chérie, expliquait
patiemment le papa d'Aglaé, et personne ne gémit : ce n'est que le vent
qui se faufile sous les portes. Oh ! Et puis j'abandonne. Tu as
vraiment trop d'imagination.
De toute façon, cela n'avait aucune importance ;
Aglaé n'avait pas du tout peur des fantômes.
Les parents d'Aglaé lui firent signe d'entrer.
Aglaé en profita pour faire la course avec Bopy jusqu'à la maison, mais
le gros chat tigré fut, encore une fois, le plus rapide des deux. La
fillette abandonna
son cartable dans le couloir, et se mit à faire des sauts de cabri en
chantant à tue-tête :
– Je suis en vacan- ceu ! je suis en vacan-ceu !
Aglaé aimait beaucoup son institutrice mais, à
choisir entre l'école et les vacances, son choix était vite fait ; elle
préférait les vacances. Elle savait déjà comment elle allait occuper
ses longues et belles journées sans devoirs à rédiger, ni leçons à
apprendre.
"Nous jouerons à la chasse au tigre, Bopy ! expliqua-t-elle à son chat.
Et j'essaierai de te
capturer avec mon filet à papillons, et puis nous aiderons papa à
chercher le trésor du pirate. Si tu es d'accord, bien sûr ?"
Justement, le père d'Aglaé venait de s'approcher d'elle, il avait l'air
ennuyé.
– Aglaé ? Il y a un petit problème, commença son père. C'est au sujet
de ta grand-mère…
La fillette réalisa soudain que ses parents
paraissaient contrariés.
– Il n'est rien arrivé à Grand-mère ? demanda-t-elle.
– Ce matin, en glissant dans la salle de bain, elle s'est blessé à la
cheville,
explique son papa. Le médecin a dit qu'il lui fallait du repos, et
qu'elle ne devait pas rester seule. Tu comprends ?
Non, Aglaé ne comprenait pas vraiment, sauf que
c'était une mauvaise nouvelle, elle en était persuadée.
– Ta mère et moi nous allons nous occuper d'elle pendant quelques
jours, continua le papa d'Aglaé. Mais tu ne peux pas nous accompagner.
– Tu es en vacances, Aglaé, intervint la maman. Tu as besoin de courir,
de t'amuser. Tu t'ennuierais chez ta grand-mère.
Aglaë regarda sa mère avec des grands yeux ronds.
Ses
parents voulaient partir sans elle, mais alors… Qu'allait-elle devenir ?
– Tu te souviens de tante Clotilde ? lui demanda sa maman. Nous lui
avions rendu visite, l'an dernier et tu avais adoré ses gâteaux…
Miam-miam ! Bien sûr qu'Aglaé se rappelait
d'elle. Petite, plutôt grassouillette, tante Clotilde était une
surdouée de la pâtisserie.
– Ton père et moi, nous lui avons demandé de venir veiller sur toi
pendant notre absence, reprit la maman. Elle arrivera tout à l'heure et
nous partirons ensuite chez ta grand-mère.
"Ouf ! J'ai échappé au pire, songea Aglaé. Quand je pense
qu'on aurait
pu m'envoyer chez la Tante Patricia ! Elle a huit enfants qui passent
leur temps à se tirer les cheveux, et à se mettre les doigts dans le
nez. Berk !"
Soulagée, Aglaé rassura ses parents :
– Je promets d'être très sage avec Tante Clotilde. Et Bopy aussi
sera sage. N'est-ce pas Bopy ?
Hélas, la maman fit une petite grimace et Aglaé
comprit qu'il y avait encore un autre problème :
– Tu sais, Aglaé, tante Clotilde a montré beaucoup de gentillesse en
acceptant de venir veiller sur toi.
La maman s'interrompit, et ses joues devinrent
cramoisies. Alors c'est le papa qui finit la phrase :
– Voilà, Aglaé… Tante Clotilde est allergique aux chats. Aussi, nous
allons devoir mettre Bopy dans une pension, mais seulement pour
quelques jours.
Cette annonce fut suivie d'un lourd silence.
Aglaé avait perdu son sourire et ses yeux s'étaient agrandis d'horreur.
– Tu veux abandonner mon Bopy dans un refuge ? lança-t-elle, à son père.
– Bien sûr que non, Aglaé, protesta vivement ce dernier. C'est un
endroit où l'on prend soin des chats et Bopy pourra se faire de
nouveaux
amis. Je suis certain qu'il s'amusera bien là-bas.
– Et puis ce n'est que pour peu de temps, Aglaé, ajouta la maman. Juste
quelques jours.
Aglaé ne pouvait en croire ses oreilles. Non
seulement, ses parents voulaient partir sans elle, mais en plus, il
allait la séparer de son Bopy adoré. Quelle horreur !
Bopy n'avait pas compris le drame dont il était
l'objet ; le gros matou tigré se frottait contre les jambes d'Aglaé en
ronronnant de bonheur.
La petite fille le prit dans ses bras, et le
serra très fort :
– Je refuse d'abandonner mon meilleur ami sous prétexte que tante
Clotilde déteste les chats, dit-elle ses parents. Vous pouvez partir
chez Grand-mère. Bopy et moi nous allons monter dans le grenier et nous
y resterons jusqu'à votre retour.
Prenant un air très digne, la tête haute, Aglaé
grimpa l'escalier sans se retourner, abandonnant derrière elle ses
pauvres parents. Arrivée au dernier étage, elle entra dans le grenier
et referma la porte. Puis, elle déposa Bopy sur le parquet et se hâta
d'allumer la lumière. Après tout, ne se trouvait-elle pas
désormais dans le repaire du fantôme ? Bien sûr, les spectres ne
sortent que la nuit, mais on ne sait jamais : Hutar le sanguinaire
aimait peut-être aussi la lumière du jour ?
En réalité, Aglaé avait beau être très
courageuse, c'est la première fois qu'elle pénétrait dans le grenier.
La lumière du plafonnier éclairait assez bien la
pièce, et il y avait deux lucarnes percées dans la toiture. La
fillette remarqua aussitôt la poussière, et quelques grosses toiles
d'araignée. Peut-être y avait-il aussi des souris ? Non. Aucune
certainement, sinon Bopy se serait lancé sur leur piste, et le gros
chat était occupé à fouiner un peu partout.
– Ne sois pas si trouillarde, Aglaé, dit la petite fille en se parlant
à voix haute. Imagine qu'il s'agit d'une grotte merveilleuse remplie de
trésors.
Elle s'avança timidement, et découvrit un grand
poste de radio - tout en bois - qui datait sans doute de l'époque du
grand-père, puis tout à côté, une machine à coudre noire portant la
marque en lettres dorées.
Soudain, elle se cogna contre un vieux mannequin
de couturière et poussa un petit cri de frayeur.
"Que je suis sotte ! J'ai bien cru qu'il s'agissait du fantôme sans
tête de ce vilain pirate. Décidément, c'est vrai que j'ai beaucoup
d'imagination."
Aglaé s'enhardit et souleva le couvercle d'une
vieille malle en osier. Pêle-mêle elle y dénicha un affreux patchwork,
un éléphant vert et marron à mettre au
musée des horreurs, une boule en plastique avec le mont Saint-Michel et
de la neige mais plus une goutte d'eau à l'intérieur. Tout au fond de
la malle,
dans une grande boîte en carton blanc, était soigneusement rangée la
robe de mariée de sa maman, avec le voile de tulle et le bouquet de
fleurs complètement desséché. Un peu plus loin, sur une commode, on
avait oublié de vieux
chapeaux : un canotier, un feutre blanc, une toque en fourrure à demi
dévorée par les mites, un béret beige.
Aglaé les essaya tour à tour en se regardant
dans un vieux miroir ; le
feutre lui allait plutôt bien.
"Grui-grui-grui !" fit soudain son estomac.
"J'oubliais mon goûter", pensa Aglaé qui fouilla aussitôt dans
ses
poches.
Elle en ressortit une barre chocolatée, un
chewing-gum et deux biscuits. "Merci Bertille ! Tu es la meilleure des
amies."
Apercevant un large
fauteuil de velours carmin usé jusqu'à la trame, la petite fille s'y
installa.
Tout en grignotant, elle eut une
pensée pour ses trois amies, Prisca, Rosine et Bertille, qui
partiraient bientôt en voyage.
"Et moi, je vais passer mes journées seule avec mon chat, enfermée
dans
ce grenier poussiéreux jusqu'à ce que la harpie soit repartie,
soupira
Aglaé. Eh bien ! Tant pis pour mes vacances, mais je ne quitterai
pas
mon chat. Bopy et moi, c'est à la vie, à la mort."
Alors que le chat tigré recommençait sa toilette
pour la douzième fois de la journée, Aglaé ne put retenir un
bâillement. La journée qu'elle venait de vivre avait été éprouvante. La
petite fille se nicha au creux du grand fauteuil ; elle posa sa tête
sur un accoudoir et ferma les yeux.
"Si Tante Clotilde met les pieds dans cette maison, pensa-t-elle,
je
lâcherai un lézard dans la cuisine, je mettrai un criquet dans
sa chambre, et un scarabée dans son lit…"
Tandis qu'elle échafaudait un plan de bataille
anti-Tante Clotilde, Aglaé s'endormit. La petite fille était si
contrariée qu'elle se mit à rêver, et ce fut un rêve bien étrange !
L'aéronef fonçait à vive allure dans l'espace galactique. Dans sa
fuite éperdue, il frôlait les étoiles, slalomait entre les comètes.
C'était un engin spatial de poche, conçu pour le transport de deux
personnes. A travers les vitres-bulles, on pouvait apercevoir le
pilote, un robot, et son passager, une petite fille.
Assise à l'arrière, celle-ci surveillait le ciel
avec inquiétude.
– Mozor n'est sûrement pas loin, gémit-elle. Il va réussir à nous
rattraper, son vaisseau est plus rapide que le nôtre.
– Ne t'inquiète pas, Anaë, répondit le robot. J'aperçois une planète où
nous allons pouvoir atterrir.
– Pourquoi ne pas retourner chez nous ? demanda la petite fille.
– Nous sommes trop loin de la planète des Fleurs, objecta le robot.
Mozor n'aurait pas de mal à nous rattraper.
Soudain, Anaë aperçut, dans le lointain, une
gerbe d'étincelles.
– Le voilà ! s'écria-t-elle. Il vient de heurter une étoile filante.
Dépêche-toi, Bopy !
– Attention Anaë ! J'amorce la descente.
Bopy fit plonger le petit engin spatial vers la
planète inconnue ; il posa l'appareil tout en douceur sur l'herbe d'une
clairière. D'un geste vif, le robot ouvrit la bulle, et sauta à terre ;
puis il aida sa petite amie à faire de même. Avec un peu de chance,
Mozor poursuivrait son chemin et disparaîtrait dans l'espace.
– Vite, Anaë ! s'écria Bopy en prenant la petite fille par la main.
Allons nous cacher!
Et tous les deux partirent en courant.
Trois petits personnages, qui se trouvaient
derrière des hautes
herbes, avaient suivi la scène de l'atterrissage avec curiosité. Il
s'agissait de trois habitants de la planète : Babs, Timy et Smarf. Ils
regardèrent s'enfuir les deux inconnus et se mirent à discuter entre
eux.
– Il y a un robot et une petite fille, dit Babs.
– Elle est très jolie, ajouta Timy en rougissant. Je crois qu'elle
s'appelle Anaë.
– Vous avez vu leur engin spatial ? pouffa Smarf en secouant sa grosse
tête en forme de champignon. On dirait une cacahuète volante. Ho ho ho
! Quelle drôle de…
Mais avant qu'il ait pu finir sa phrase, on
entendit un bourdonnement qui se rapprochait ; puis, tout à coup, un
autre vaisseau apparut dans le ciel.
– Hi hi hi ! s'esclaffa Smarf. Ça ressemble à une poubelle volante ! Ho
ho ho ! Le moteur fait Truiik ! Bronk ! Tchak !
– Chuuut ! grondèrent ses amis. Tu vas nous faire repérer.
Une fois l'engin posé, le bruit du moteur
s'arrêta, et quelqu'un descendit.
Smarf dut faire un gros effort pour ne pas
éclater de rire à nouveau. Qu'il était laid, cet étranger, avec ses
sourcils en broussailles et son gros nez ! Et, chose bizarre, il
parlait tout seul, à voix haute.
Les trois petits personnages tendirent
l'oreille, et parvinrent à entendre quelques mots : "je dois capturer
le robot, abandonner la fillette sur cette planète, je gagnerai
beaucoup d'argent…"
Ho ! Tout cela n'était guère réjouissant.
– Que fait-on ? chuchota Timy. Je ne l'aime pas du tout.
Babs gratta le fin toupet de cheveux qu'il avait
sur la tête avant de répondre :
– D'abord, on efface les traces de la petite fille et du robot, ainsi
il ne pourra pas les retrouver. Ensuite, on va leur demander s'ils
aiment les gâteaux ?
Smarf et Timy trouvèrent que c'était une bonne
idée, et les trois petits amis s'éloignèrent.
Pendant ce temps, Anaë et Bopy avaient couru à
perdre haleine, à travers la forêt. Bientôt, épuisés par leur course
folle, ils s'écroulèrent dans un champ de coquelicots.
– Je...n'en...peux...plus..., réussit à dire Bopy.
– Moi...non...plus, répondit Anaë.
Autour d'eux, les hautes herbes se mirent à
bouger, et trois grosses têtes apparurent. Mais Anaë était trop occupée
à remettre de l'ordre dans sa robe faite de pétales de marguerites pour
remarquer les nouveaux venus.
Anaë était une charmante petite princesse qui
vivait sur la planète des Fleurs, avec ses parents : le roi et la
reine, et tous ses amis. D'habitude, c'était une petite fille très sage
qui n'allait jamais se promener dans l'espace sans son père. Mais ce
jour-là, elle avait désobéi, et elle avait emmené son robot avec elle.
Hélas ! Leur petit engin spatial avait croisé la
route du vilain Mozor qui s'était aussitôt lancé à leur poursuite. Car
Mozor était un voleur de la pire espèce… C'était un voleur de robots !
Et malgré sa tête et son corps triangulaires, ses bras en accordéon, et
son joli petit nœud qui lui donnaient une drôle d'allure, Bopy était un
robot surdoué de la dernière génération qui valait beaucoup d'argent.
"Je pourrai, enfin, m'acheter un nouveau
vaisseau," avait songé le vilain voleur en se frottant les mains.
Et c'est ainsi que la course-poursuite avait
débuté jusqu'à ce qu'ils se retrouvent, tous, sur cette planète
inconnue.
– Comme je regrette d'avoir désobéi, dit Anaë en se mettant à pleurer.
Je promets de ne plus faire de bêtise.
– Tu veux mon mouchoir ?, demanda soudain une jolie voix cristalline.
Anaë et Bopy sursautèrent en découvrant trois
étranges petits bonhommes. Imaginez des êtres en peluche pas plus haut
que trois pommes, avec une tête en forme de champignon surmontée d'un
toupet de cheveux, un long cou, et de grands pieds plats. Ils portaient
des habits de toutes les couleurs.
Celui qui avait parlé s'avança vers la fillette
et lui tendit son mouchoir à larges carreaux.
– Je m'appelle Timy, dit-il en rougissant. Tu aimes les gâteaux ?
– Je suis Babs, fit un autre, et lui, c'est…
– Ho ! La tête du robot, hi hi, elle est rigolote !
– C'est Smarf. Il est très mal élevé, expliqua Babs. Nous sommes des
Bidirlidibis.
– Les Brilibis ? tenta de répéter Bopy mais c'était un nom très
compliqué.
– Hi hi hi ! s'esclaffa Smarf. Le robot bafouille. Ho ho ho ! Il est
trop drôle.
– Vous n'avez rien à craindre de ce vilain personnage qui vous
poursuit, reprit Babs. Il ne pourra pas vous retrouver. Mais qui
êtes-vous ?
Bopy et Anaë racontèrent leur mésaventure. La
petite princesse avoua qu'elle avait désobéi et que, par sa faute, son
robot risquait de finir en pièces détachées.
– Mozor ne vous trouvera pas, alors il se
lassera et repartira, dit Babs. En
attendant, venez visiter notre village !
– Je ferai pour vous mes plus beaux gâteaux, dit Smarf. Et Timy vous
prêtera sa maison pour que vous puissiez vous reposer.
– Oui, fit Timy en agitant sa grosse tête.
C'est ainsi que Bopy et Anaë découvrirent la
planète et le petit peuple des Bidirlidibis.
Pendant qu'Anaë et Bopy liaient connaissance avec leurs nouveaux
amis, le roi Tomix se mourait d'inquiétude en guettant le retour de sa
fille adorée. Quand il avait appris la désobéissance d'Anaë, il s'était
d'abord promis de la punir, puis il avait fini par craindre le pire. A
la fin, n'y tenant plus, il décida de partir à sa recherche.
"Anaë n'a pas pu aller bien loin avec ce petit
engin spatial, songea Tomix. Je vais sillonner la galaxie, et
je
finirai bien par la retrouver."
Le roi monta dans sa soucoupe volante et fonça
dans l'espace. Dès qu'il aperçut une planète, il s'y posa.
L'endroit était étrange. Imaginez un
paysage entièrement bleu : les arbres, les pierres et même les
ruisseaux. Mais il n'y avait personne : pas un seul habitant, pas une
seule maison
pas même un seul bruit.
Tomix tenta de lancer un appel :
– Est-ce que quelqu'un m'entend ?
Une voix très agréable lui répondit :
– Bien sûr que oui. Moi, je vous entends !
Tomix tourna la tête de tous côtés,
ouvrit grands les yeux, sans rien découvrir. Il n'y avait que les
arbres, les
pierres et les ruisseaux bleus.
– Je suis désolé, dit Tomix, mais je ne vous vois pas. Où êtes-vous
donc ?
– Me voici, répéta la voix. Suis-je assez visible ?
Et soudain, juste devant lui, Tomix vit
apparaître un bonhomme tout rond et tout vert, les vêtements, son
visage, ses cheveux.
– Mais vous êtes vert ! s'exclama le père d'Anaë.
L'homme tout vert lui fit un grand sourire.
– Oui, et c'est pourquoi vous pouvez me voir. Tout à l'heure c'était
impossible puisque j'étais bleu,
bleu comme le
paysage.
Tomix trouva, décidément, ce lieu très bizarre. Il essaya d'en savoir
un peu plus sur l'endroit :
– Pouvez-vous me dire quel est le nom de cette incroyable planète ?
demanda-t-il.
– Bien sûr. C'est la planète Changeante, répondit poliment le bonhomme
vert.
– Oh, je comprends, dit Tomix. Bien sûr, c'est tellement évident.
Enfin, je crois.
Le père d'Anaé avait à peine fini sa phrase que
le bonhomme vert
disparut à nouveau mais cette fois-ci, dans un paysage qui était devenu
entièrement vert : les arbres, les pierres et les ruisseaux.
– Je suis désolé, s'excusa Tomix, mais je ne vous vois plus, malgré
tous mes
efforts, je vous assure.
– Me voilà, ne vous inquiètez pas ! dit la voix, et un bonhomme tout
jaune réapparut
devant Tomix.
Tomix en profita pour lui expliquer la chose inquiètante qui venait de
lui arriver.
– Je cherche ma fille et son robot, expliqua-t-il au bonhomme jaune.
Peut-être les avez vous aperçus quelque part sur votre étrange planète
?
– Non, je ne crois pas, répondit le bonhomme après avoir réfléchi.
Sont-ils comme vous ? Je veux dire : sont-ils de toutes les couleurs ?
– Euh... oui, répondit Tomix, surpris d'apprendre qu'il était de toutes
les couleurs.
– Alors je ne les ai pas rencontrés, et je le regrette, dit le
bonhomme jaune. Car, hélas, je rencontre si peu de monde. Mes amis et
moi n'arrivons
jamais à nous voir, vous comprenez mon problème ?
"Non, pas vraiment", songea Tomix mais il
préféra ne pas le dire au bonhomme qui avait l'air si gentil.
– Excusez-moi, dit le roi Tomix, je dois poursuivre mes recherches
pour retrouver ma fille.
– Oui, c'est tout à fait normal. Mais, puis-je vous demander une faveur
?
Et le bonhomme disparut dans le paysage
qui venait de devenir entièrement jaune.
– Lorsque vous aurez retrouvé votre fille et son robot, pourrez-vous
venir bavarder un moment avec moi ? Ainsi je verrai enfin les gens à
qui je parle.
Et il se transforma en un bonhomme tout rouge, ses vêtements, son
visage, ses cheveux.
Le père d'Anaë promit, puis il remonta dans sa
soucoupe et quitta la planète
Changeante.
Mozor était lancé à la poursuite du petit engin spatial lorsque son
vieux vaisseau avait subitement heurté une étoile filante. L'un des
moteurs était aussitôt tombé en panne, et la fillette et le robot en
avaient profité pour prendre la fuite.
– Ce maudit robot risque de m'échapper ! gronda Mozor, furieux. Avec
l'argent qu'il me rapportera, je pourrai m'acheter un nouveau vaisseau.
Je ne dois pas le laisser filer. Mais où sont-ils donc cachés tous les
deux ?
Mozor scruta l'espace tout autour de lui ; tout
était vide, mis à part une petite planète à courte distance.
"Ils n'ont pas pu aller bien loin, pensa Mozor. Je vais
essayer
là-bas."
La chance était avec le vilain Mozor. A peine
avait-il atterri sur la planète des Bidirlidibis, qu'il découvrit le
petit engin spatial posé dans la clairière. Il était vide.
"Le robot finira bien par sortir de sa cachette, se dit Mozor. Alors
je
me saisirai de lui, et je le mettrai en pièces détachées pour
l'empêcher de fuir à nouveau. En attendant qu'il réapparaisse, je vais
faire une petite sieste."
Le voleur s'allongea dans l'herbe, à l'ombre
d'un arbre, et s'endormit.
Après bien des détours, Bopy et Anaë étaient enfin parvenus jusqu'au
village des Bidirlidibis. Ils découvrirent une multitude de jolies
maisonnettes blanches en forme de dôme, avec des fenêtres toutes
rondes, et des jardins débordants de fleurs.
– J'espère que vous aimez les gâteaux ? demanda Timy à ses nouveaux
amis. De toute façon, nous ne savons pas
cuisiner autre chose.
Il y avait une grande table dressée au centre du
village ; les Bidirlidibis la firent disparaître sous les tartes au
citron, les biscuits à la cannelle, les brioches au sucre, et les
tartelettes aux fruits. Les gobelets se remplirent de citronnade, et
Smarf fit le pitre pour amuser ses amis. Il décrivit le vilain Mozor.
– Il a de gros sourcils, de grandes oreilles, et
un nez tellement long qu'il doit parfois marcher dessus.
Pendant qu'Anaë et Bopy oubliaient, un court
instant, leurs ennuis, le roi Tomix arrivait en vue d'une nouvelle
planète…
"Cette fois-ci, j'aurai peut-être plus de chance. Oh, j'aperçois
quelques
habitants devant ce village. Allons-y sans perdre une minute !"
Le père d'Anaë s'approcha et les salua d'un grand
geste de la main :
– Bonjour à vous tous ! Mon nom est Tomix et je suis le roi de la
planète des Fleurs. Je suis à la recherche
de ma fille adorée et de son ...
Tout à coup, Tomix s'interrompit. Les habitants
tenaient de
grands mouchoirs humides dans leurs mains et, de leurs yeux rougis,
coulaient de grosses larmes qui roulaient sur leurs joues et
finissaient par s'écraser
sur le sol.
– Oh, excusez-moi, dit-il aussitôt, j'ignorais que les habitants de
cette planète étaient plongés dans un terrible malheur. Je vous
présente
toutes mes excuses pour vous avoir dérangés et je repars aussitôt.
Mais l'un des personnages lui fit signe de
rester :
– Hélas, monsieur. Je vous informe que vous vous trouvez sur la planète
du Désespoir !
Et trois ou quatre personnes éclatèrent en
sanglots, pendant que d'autres se mouchaient bruyamment.
Tomix crut d'abord qu'il avait mal compris. Un
endroit comme celui-ci ne pouvait pas réellement exister ?
– Vous ne cessez donc jamais de pleurer ? interrogea-t-il.
Comment une chose aussi triste est-elle possible ?
Avant de répondre, le personnage tordit son
mouchoir entre ses mains et une flaque d'eau inonda ses
pieds :
– Hélas, mon bon monsieur. Depuis toujours, nous pleurons tous les
jours de la semaine, tout au
long de l'année. C'est ainsi que se déroulent toutes nos journées
– Oh ! fit Tomix qui n'en croyait pas ses oreilles. Je suis désolé pour
vous.
– Mais, continua le personnage, vous êtes si aimable... peut-être
pouvez-vous nous être utile ?
– J'en serais ravi, assura Tomix qui était un homme charmant. Que
puis-je faire pour vous ?
– Connaissez-vous une histoire drôle ?
Tomix se dit que c'était bien la chose la plus
extravagante qu'on lui avait jamais demandé, mais il eut pitié de ces
pauvres gens et il chercha dans sa mémoire :
– Il me semble que ma fille m'a raconté quelque chose qui pourrait
convenir à votre situation. Comment
était-ce déjà...?
Voyant que les personnages attendaient, Tomix
toussa légèrement pour s'éclaircir la voix puis il plaça son index bien
droit devant son nez :
– Qu'est-ce que vous voyez ?
Le personnage hésita :
– Euh... Je vois un doigt ?
– Ah, s'exclama Tomix, alors je suis bien caché !
Puis il attendit la réaction des personnages qui
se regardèrent, cessèrent de renifler, et soudain ils éclatèrent de
rire en
jetant leurs mouchoirs en l'air.
– "HO HO HO!" faisaient certains.
– "HA HA HA !" répondaient les autres.
– "HI HI HI !" s'esclaffaient les derniers.
Plusieurs se roulèrent sur le sol en riant à
gorge déployée !
Tomix se dit qu'il était temps pour lui de
repartir après avoir vécu une telle aventure, mais à l'instant où il
remontait dans sa soucoupe, un
personnage lui cria :
– Hi hi ! Désormais ce sera la planète Désopilante. Ho ho ! Votre fille
n'est pas venue chez nous et nous en sommes désolés. Ha ha ! Adieu et
merci pour tout !
Sur la grande table des Bidirlidibis, il ne restait plus que des
assiettes vides et des miettes de gâteaux. Babs proposa à Bopy et Anaë
de retourner à la clairière pour récupérer leur engin spatial et
pouvoir, ainsi,
rentrer chez eux.
– Mozor aura perdu patience, et il sera reparti. Je suis certain que
vous ne risquez plus rien. Allons-y tous ensemble !
Hélas le Bidirlidibi se trompait ! Quand ils
arrivèrent sur place, le vaisseau de Mozor était toujours là. En
tendant l'oreille, on pouvait même entendre
des coups de marteau qui provenaient de l'intérieur de son vaisseau.
– Tu crois qu'il est en train de confectionner des gâteaux ? demanda
Timy à Smarf en ouvrant des
yeux inquiets.
– Chuuut ! fit aussitôt Babs en voyant Smarf prêt à éclater de rire.
Le Bidirlidibi mal élevé se mit à glousser en
plaquant ses deux mains devant la bouche ; ce n'était pas facile
d'avoir un fou rire silencieux, surtout pour Smarf.
– Allons jusqu'à la soucoupe volante de Bopy et d'Anaé, décida Babs.
Timy ! Tu dois monter la
garde et, si Mozor montre le bout de son gros nez, tu siffles trois
fois
pour nous avertir.
Ils s'éloignèrent et dès qu'ils furent arrivés
près de leur cacahuète
volante, Bopy grimpa à l'intérieur et il poussa un cri de
désespoir.
– Quoi ! Que se passe t-il ? demandèrent ensemble Anaë et les deux
Bidirlidibis.
Bopy montra ses deux mains qui tenaient des morceaux de fil abîmés :
– Mozor a arraché les fils de contact, expliqua Bopy. On ne peut plus
décoller !
– Qu'est-ce qu'on fait ? interrogea Smarf en grattant sa large tête en
peluche.
Babs comprit, très vite, qu'il fallait absolument remettre la soucoupe
en état de
redécoller. C'était la seule solution.
– Il faut réparer les fils sans attendre une seconde de plus ! répondit
le
Bidirlidibi. On n'a pas le
choix. Peux-tu y arriver, Bopy ?
Le robot regarda les fils en si mauvais état et répondit :
– Je ne sais pas, mais je peux essayer.
Et il plongea sous le tableau de bord,
rattachant le fil rouge avec le fil rouge, le fil jaune avec le fil
jaune, le fil vert...
Plusieurs minutes s'étaient déjà écoulées
lorsque, soudain,
Timy arriva vers eux, en courant de toute la vitesse de ses petites
jambes.
– Timy ! s'exclama Babs en l'apercevant. Mais que fais-tu là ? Tu
devais monter la garde pour nous avertir !
– Mozor revient ! s'écria le Bidirlidibi qui avoua : Désolé ! Je ne
vous l'avais pas dit : Je ne sais pas
siffler !
"Ohoooo ! s'écria Babs. Alors "Sauve-qui-peut
tout le monde !
D'un bond, Bopy sauta en bas de la cacahuète
volante, et tous nos petits amis s'enfuirent à toute vitesse.
Ils ne cessèrent de
courir que lorsqu'ils furent de retour au village des Bidirlidibis.
Désormais ils étaient en sécurité.
Bopy se laissa tomber assis sur un banc ; il paraissait si désolé.
– Quel dommage ! dit Bopy. J'avais presque fini les branchements.
– Cela signifie que tout est perdu pour nous ! se lamenta la pauvre
Anaë et deux larmes coulèrent sur ses joues. Nous ne
retournerons plus jamais sur notre jolie planète des Fleurs et je ne
reverrai
plus mon père adoré.
Devant le chagrin de la fillette, Bopy choisit de
prendre une
décision très courageuse.
– Tout ira bien, Anaé. Je vais me rendre à Mozor ! décida-t-il. Et tu
repartiras
vivre auprès de ton père.
– Ce n'est pas juste, Bopy ! s'écria Anaë en se jetant au cou de son
robot. Par ma faute, tu vas perdre la vie.
Timy et Smarf étaient si émus qu'ils attrapaient
déjà leurs mouchoirs à carreaux pour pleurer à leur tour, quand Babs
poussa un cri de colère :
– Il n'est pas question de laisser gagner ce voleur de robots !
décida-t-il. Nous allons lui déclarer la guerre.
"Oohh !" firent les Bidirlidibis en ouvrant de
grands yeux étonnés.
– Et comment va-t-on s'y prendre ? interrogea Smarf. Je serai curieux
de connaître ton plan. Car tu as bien un plan ?
– Euh... Oui, enfin presque, bafouilla Babs.
Bopy se demanda comment tout cela allait finir.
Il pensa, très fort, à sa planète des Fleurs, et il poussa un gros
soupir.
– Je dois trouver le moyen d'éloigner Mozor quelques minutes, expliqua
le Bidirlidibi. Je dois trouver le moyen, je dois trouver, je dois...
Et il se mit à marcher en tournant en rond, la
tête penchée vers
l'avant, les yeux fixés sur le sol, ses petites mains à trois doigts
croisées dans son dos.
– Houla, gémit Timy en secouant sa grosse tête, la dernière fois qu'il
a réfléchi, cela a duré longtemps.
– Oh oui, confirma Smarf, tellement longtemps... qu'on a failli manquer
de gâteaux. Viens, Bopy ! Tu m'aideras pour les babas au rhum.
– Et toi, Anaë, dit Timy, tu veux bien faire les meringues avec moi ?
Pendant que Babs réfléchissait, réfléchissait...
Smarf et Timy
avaient emmené leurs
amis dans leur maison pour se plonger dans le grand livre des
pâtisseries. Ils sortirent des armoires des casseroles, deux poêles à
frire,
des cuillères en bois, des oeufs, de la farine, du sucre, de la levure,
du beurre, du lait et rajoutèrent des pommes, des fraises,
des
cerises. Très vite les gâteaux passèrent dans le grand four et
cela sentait très bon dans tout le village.
L'après-midi était déjà bien avancé et la table
était couverte de beaux gâteaux tous frais lorsque
soudain Babs poussa un cri de victoire :
– Ça y est ! J'ai trouvé. Smarf va se déguiser en robot. Il entraînera
Mozor sur une fausse piste, et pendant ce temps Bopy pourra faire
décoller la cacahuète.
Smarf engloutit deux choux au chocolat avant de
faire remarquer qu'il y avait un problème :
– Si le voleur ne voit pas Anaë, il soupçonnera quelque chose,
et ton plan tombera à l'eau.
– Eh bien, répondit Babs, il suffit qu'un Bidirlidibi joue le rôle
d'Anaë. Et le tour sera joué.
A la seconde même, tous les regards se portèrent
sur Timy qui ouvrit de grands yeux effarés :
– Non-non, protesta t-il. Je n'aurai jamais le courage de faire une
chose pareille.
– Mais si, affirma Babs en lui mettant des petites tapes
d'encouragement dans le dos. Tu verras, c'est facile. Maintenant, il
n'y a plus qu'à mettre au point les petits
détails, et on passe à l'attaque !
"Hourra !" s'écrièrent en chœur les Bidirlidibis.
Mozor commençait à perdre patience. Non seulement, le robot n'était
pas réapparu mais cette petite planète paraissait déserte.
"Ho ! C'est sûrement mieux ainsi, fit
Mozor en se parlant à lui-même. Je me souviens avoir rencontré les
habitants de la planète du Désespoir, ils étaient si tristes que j'ai
failli me mettre à pleurer. Quel affreux souvenir !"
Soudain, il y eut un cliquetis métallique. Le
voleur tourna la tête, et distingua dans les buissons, une petite
silhouette vêtue de pétales de marguerite.
"Le robot et la fillette, pensa Mozor.
Ils sont
cachés dans les hautes herbes. Vite, je vais les attraper !"
Il fonça vers les buissons, mais pas assez vite
et les deux ombres
disparurent dans les feuillages. Bien décidé à les capturer, Mozor se
lança à leur poursuite.
Dissimulé derrière un arbre, Babs avait observé
toute la scène. Il se dépêcha de rejoindre Anaë et Bopy, et leur
confirma que son plan avait bien fonctionné. Le robot
raccorda les derniers fils dans la cacahuète volante et il mit le
contact.
"Vrouuuum ..." et les moteurs démarrèrent.
Avant de repartir Anaë déposa un gros baiser sur
la joue du Bidirlidibi :
– Au revoir Babs ! Tu diras aux Bidirlidibis que je les aime !
– Un grand merci à tous ! cria le robot.
Lentement, le petit engin spatial s'éleva dans les airs, et il
s'éloigna en prenant de la vitesse.
Sans perdre de temps, Babs courut jusqu'au
vaisseau de Mozor ; il ouvrit une petite trappe placée sous le ventre
de l'appareil, et se livra à un rapide bricolage. Ensuite il se cacha
dans les hautes herbes et attendit… Pas longtemps. Mozor était en train
de pourchasser les Bidirlidibis déguisés lorsqu'il avait entendu le
bruit du décollage de la cacahuète volante.
"Si je poursuis le robot et la petite fille,
alors qui fait décoller l'engin spatial ?" s'était demandé le
voleur.
Mozor avait aussitôt cessé de courir et il était
revenu sur ses pas. En voyant la cacahuète volante s'éloigner, il
poussa un cri de colère, se précipita dans son vaisseau et décolla dans
un nuage de poussière.
Timy et Smarf s'arrêtèrent en voyant que Mozor
ne les poursuivait plus !
– Il a compris que c'était un piège, s'écria Timy. Il va rattraper nos
amis. Retournons à la clairière !
Ils arrivèrent juste à temps pour apercevoir le
vaisseau de Mozor qui filait à la poursuite du petit engin spatial.
– Ton plan n'a pas fonctionné, Babs ! crièrent-t-ils en chœur en
retrouvant le Bidirlidibi. Mozor risque d'attraper Bopy !
– Il faudrait d'abord qu'il y parvienne, répondit Babs avec un
sourire malicieux.
Il ouvrit sa main à trois doigts, et
montra une poignée de vis et de clous :
– Il n'y a pas que le robot qui soit doué pour le bricolage. Regardez
là-haut !
Soudain, dans le ciel, on vit le vaisseau de
Mozor se mettre à zigzaguer, un coup à droite, un coup à gauche, et
encore à droite…
Puis, brusquement, le vaisseau se retourna à l'envers et Mozor se
retrouva la tête en bas
au volant de son vaisseau qui poursuivit ainsi sa
route.
– Ho ho ho ! s'esclaffèrent Smarf et Babs. Mozor aura mal au cœur. Hi
hi hi !
Mais à côté d'eux, Timy ne riait pas. Le
Bidirlidibi contemplait le ciel vide et deux grosses larmes coulaient
sur ses joues
– Au revoir, jolie Anaë ! Au revoir, Bopy ! Revenez vite nous voir !
Vous allez tellement nous manquer.
A force d'errer de planète en planète, le roi Tomix commençait à
perdre courage :
– Ces endroits sont si étranges, soupira-t-il. Jamais je ne retrouverai
ma fille adorée.
Il posa, une nouvelle fois, sa soucoupe, et jeta
un regard inquiet autour de lui. Au premier abord, tout paraissait
normal. Les rues étaient bordées de jolies maisons avec des rideaux de
dentelle aux fenêtres, et les habitants allaient et venaient
tranquillement.
Après une courte hésitation, Tomix décida de
s'adresser à l'un d'eux.
Il salua un monsieur vêtu d'un élégant costume
bleu :
– Bonjour. Mon nom est Tomix, je viens de la planète des Fleurs.
Très poliment, le monsieur en bleu lui rendit son
salut :
– Bonjour, cher monsieur !
Pendant ce temps, un autre personnage vêtu de
gris s'était approché.
– Bonjour, cher monsieur ! dit-il à son tour.
Un troisième, en habit beige, les rejoignit.
– Bonjour, cher monsieur.
Encouragé par un accueil aussi chaleureux, Tomix
poursuivit :
– Ma fille Anaë et son robot se sont égarés dans l'espace. Peut-être
les avez-vous vus atterrir sur votre planète ?
– Non, répondit l'homme en bleu en secouant la tête. J'en suis vraiment
désolé.
– Non, fit à son tour celui en gris en secouant la tête. J'en suis
vraiment désolé.
– Non, dit enfin celui en beige en secouant la tête. J'en suis vraiment
désolé.
Un peu surpris par leurs réponses, Tomix insista :
– Alors, vous avez sans doute aperçu leur engin spatial ? Il a la forme
d'une
amusante cacahuète…
– Une cacahuète ? Quelle chose bizarre ! répondit l'homme en bleu. Je
n'ai rien vu de tel.
– Une cacahuète ? Quelle chose bizarre ! fit l'homme en gris. Je n'ai
rien vu de tel.
– Une cacahuète ? Quelle chose bizarre ! dit l'homme en beige. Je n'ai
rien vu de tel.
Tomix poussa un gros soupir et leur demanda :
– Pouvez-vous me dire comment se nomme cette jolie planète ?
– Bien sûr, c'est la planète des échos ! répondit l'homme en bleu dans
un grand sourire.
– Bien sûr, c'est la planète des échos ! fit l'homme en gris dans un
grand sourire.
– Bien sûr, c'est la planète des échos ! dit l'homme en beige dans un
grand sourire.
Mais Tomix n'écoutait plus, il se hâtait vers sa
soucoupe.
Avant de repartir, il cria quand même " Au revoir
" aux habitants, mais il était déjà loin lorsque ceux-ci lui
répondirent :
– Au revoir, cher monsieur !
– Au revoir, cher monsieur !
– Au revoir, cher monsieur !
Tomix quitta la planète des Echos, le cœur serré
par l'angoisse.
Le père d'Anaé désespérait de jamais revoir sa fille lorsque
soudain une cacahuète volante surgit du fin fond de l'espace et se
rapprocha de lui. C'est
avec un grand bonheur que le roi reconnut sa fille adorée et son robot
Bopy.
Après leur avoir fait de grands signes de joie, il les escorta jusqu'à
la planète des Fleurs.
Anaë demanda mille fois pardon à son père et
promit de ne plus jamais lui désobéir. Quand à Bopy, il fut très
heureux d'être revenu chez lui sans avoir perdu ses boulons et ses vis.
Et les Bidirlidibis ? Anaë et Bopy ne les
oublient pas. Ils retourneront leur rendre une petite visite un jour
prochain et Tomix les accompagnera. Le roi adore les gâteaux !
– Aglaë ! Tu veux bien sortir du grenier ? Tante Clotilde est
arrivée !
Aglaë ouvrit les yeux et réalisa que l'aventure
qu'elle
et Bopy venaient de vivre n'avait été qu'un rêve ! Elle eut beau
chercher autour d'elle, il n'y
avait ni voleur de robot, ni Bidirlidibis, ni village rempli de gâteaux.
Suivie par son
chat, Aglaë sortit du grenier poussiéreux et redescendit l'escalier.
Tante Clotilde les attendait au bas
des marches et, "Quelle grande surprise !" elle tenait dans ses bras
un gros
chat roux à longs poils.
La maman d'Aglaë se hâta d'expliquer à sa fille qu'elle avait fait
une grosse erreur dans un moment de distraction.
– Tante Clotilde n'est pas allergique aux chats, ma chérie,
s'empressa-t-elle
de lui dire. Je suis désolée mais j'ai confondu
avec Tante Amélie.
– Ma petite Aglaë ! fit la tante avec un sourire. Il y a si longtemps
que l'on ne s'était pas vu. Je suis sûre
que nous allons passer, toutes les deux, de bonnes vacances.
– Oui, moi aussi, répondit Aglaë, puis désignant le gros matou, elle
demanda :
– C'est un chat persan, n'est-ce pas ?
– Oui et tu verras, c'est un amour de chat. Je suis certaine qu'il
s'entendra à merveille avec ton Bopy. Ils vont s'amuser comme des
petits fous
tous les deux.
Sans vraiment savoir pour quelle raison, Aglaë se sentait un peu
inquiète.
– Dis-moi, tante Clotilde, je peux savoir comment il s'appelle ?
– Il porte le très joli nom de Mozor ! Qu'en dis-tu ?
Aglaë se sentit devenir toute blanche et,
incapable de
se retenir en voyant le gros chat roux prêt à sauter sur le sol, elle
se rua dans l'escalier en
hurlant :
– Viens vite, Bopy, sauvons-nous ! Le voleur de robots est de retour.
On remonte dans
la cacahuète volante et on repart chez les Bidirlidibis ! Vite !
Et tandis que Bopy et Aglaë grimpaient, à toute
vitesse, les marches pour
rejoindre le grenier, la maman d'Aglaë et le papa échangèrent un regard
résigné.
Puis ils se tournèrent vers la tante Clotilde et la rassurèrent :
– Ne vous inquiétez pas, Clotilde ! Aglaé a beaucoup d'imagination mais
c'est une
enfant vraiment, oui, vraiment adorable. Vous verrez !
Pauvre Tante Clotilde ! Entourée de robot, de Bidirlidibis et de soucoupe volante, elle va passer de drôles de vacances, vous ne croyez pas ?
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version revue et corrigée par l'auteur (mai 2020)