Assis sur un glacier, Grol l’ours blanc se
désolait de la fonte de ses icebergs quand,
Icha, un aigle du Kamtchatka vint se poser à ses
côtés.
– Pourquoi arbores-tu cet air ombrageux, Grol ?
– J’aime ma banquise et je me refuse à
aller vivre ailleurs, gronda
l’ours. Que font les humains ? Où
fuiront-ils quand ils auront souillé la
Terre ?
L’aigle étira
ses longues ailes blanches et noires et déclama
d’une voix
théâtrale.
« L’homme se perd dans l’espace,
sur la Lune ou sur Mars, de là-haut il
vénère, un si
beau clair de terre, qu’il oublie, peu
à peu, notre douce planète
bleue. »
Grol releva la tête et
admira le ciel limpide tandis que l’aigle
s’envolait.
Un manchot s’approcha à son tour en se
dandinant joliment mais Grol poursuivait sa réflexion.
– Depuis plus d’un siècle leur charbon
réchauffe notre air, leur pétrole salit nos
mers et leur plastique défigure nos paysages !
– Je réfute vos allégations, protesta
Tchouss le manchot qui énuméra : Ils
érigent
des éoliennes, multiplient les capteurs
solaires et instituent le tri
sélectif.
– Et voilà, conclut Grol, l’homme oppose
une réponse à chacune de mes questions.
– Co...comment, s’offusqua le manchot qui
écarta ses nageoires pour découvrir son ventre
rebondi et ses pattes palmées. Mais je ne suis pas un h...
Grol s’inclina vers le
manchot et lui murmura :
– Tu sais, Tchouss, les forêts
dévastées, les rivières
polluées, les animaux décimés,
c’est une situation pérenne
dont l’homme est le seul responsable.
Le manchot
s’apprêtait à répondre mais
un poisson frétillant dans un trou d’eau
glacée attira son attention.
– Mille regrets, mon ami, mais
j’aperçois mon dîner qui se languit.
Et le manchot plongea, soulevant
une gerbe d’eau cristalline.
Grol parcourut du regard son immensité
nacrée. Et, tandis qu’il soliloquait,
derrière lui s’avança une grande
ombre montée sur quatre pattes.
– Transformer la planète en
paradis ? Mais comment y parvenir ? Ah, si
l’on
pouvait, d’un simple clic changer
l’homme et l’assagir...
Barthélémus,
le renne, l’interrompit :
– Tu oublies l’accroissement naturel de la
population « petit a »,
entraînant une augmentation de la demande
énergétique « petit
b » et
la pollution engendrée « petit
c ». L’inconnue – nous
la
nommerons
« x » –
étant : est-ce compatible avec
une
Terre propre ? Donc...
– Tu es certain de ton équation ?
s’inquiéta Grol.
– Tout à fait. Bien entendu si nos génomes
étaient identiques, tout irait
pour le mieux pour chacun d’entre nous. Du moins, je le pense.
L’ours balança
sa superbe tête blanche.
– Quel sera notre futur,
Barthélémus ? Peux-tu me le
décrire ?
– Oui, mon ami. J’ai la vision
d’un bel avenir pour notre monde. Peut-être
suffit-il de le désirer de toutes nos
forces afin que les hommes, pour
eux et pour nous, le réalisent.
"Pensées polaires" a été publié dans l'Aède n°18, supplément de l'Union des Poètes francophones pour la semaine de la Langue française 2009.
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