Nuel et la petite étoile

par Claude JEGO

Nuel s'amusait à faire la roue sur la Lune et, à chaque nouveau tour complet sur lui-même, il poussait un cri de joie. C'était ses amis de la Terre, Rémi, Tom et Capucine qui lui avaient appris ce jeu et Nuel, qui était un pantin de chiffon, s'arrêtait souvent pour rester la tête en bas et regarder ainsi son petit monde à l'envers.
Rémi, Tom et Capucine ne pouvaient pas en faire autant parce que sur la Terre, où ils vivaient, il y avait la pesanteur et qu'ils auraient eu mal à la tête s'ils avaient gardé cette position inconfortable pour un terrien.
Nuel aurait pu continuer à gambader, car sur la Lune, le temps n'existe pas, mais son attention fut attirée par quelque chose d'inhabituelle, une tache de couleur jaune qui contrastait avec la poussière argentée de l'astre.
Intrigué, le pantin s'approcha et il découvrit, avec surprise, qu'il s'agissait d'une petite étoile.
Le pantin leva aussitôt la tête vers la pouponnière stellaire et se mit à recompter les bébés. Quatorze, quinze, mais où donc avait disparu le seizième ? A sa place, on apercevait une trace sombre et cela faisait comme un trou dans la voûte étoilée.
Depuis qu'il vivait sur la Lune, c'est à dire depuis toujours, Nuel était responsable des petites étoiles et il assumait cette responsabilité avec sérieux.
- Tu ne devrais pas être là ! s'étonna-t-il en écarquillant tout grands ses yeux de verre. Il te faut vite retourner parmi les autres bébés dans la pouponnière.

Le pantin prit la décision de relever l'étoile mais, malgré tous ses efforts, ce fut peine perdue ; elle finit par glisser entre ses mains pour retomber sur le sol.
- Je me sens si fatiguée, gémit-elle. Je n'ai plus de forces.

Et, comme pour mieux convaincre le pantin, la petite étoile lança une dernière lueur avant de s'éteindre tristement.
Nuel n'avait jamais rencontré un cas aussi difficile et en y réfléchissant bien, il lui faudrait de l'aide pour parvenir à le résoudre. Alors, il n'hésita pas.
Le pantin prit la petite étoile dans ses bras et la serra tout contre lui ; puis il gagna le bord de la Lune et, d'un bond, il sauta dans le vide.

* * *

"Boum !"
Tom, Rémi et Capucine se précipitèrent hors de leur cabane et grimpèrent dans les branches pour atteindre le toit. Le bruit sourd qu'ils avaient entendu leur annonçait l'arrivée de leur ami de la Lune et ils avaient pris l'habitude de cette façon, pour le moins étrange, qu'il avait de leur rendre visite.
- Bonjour Nuel ! s'écria Capucine qui adorait le pantin. Nous sommes heureux de te revoir... Oh ! Tom, Rémi, regardez comme elle est jolie !
La petite fille désignait à ses frères l'étoile que le pantin tenait toujours avec précaution.
- Il vaut mieux se mettre à l'abri des regards, proposa Rémi. On ne sait jamais, si notre maman voulait nous rendre l'une de ses visites surprises dont elle a le secret.

Et très vite, ils se retrouvèrent à l'intérieur de la cabane.
Nuel chercha autour de lui où déposer l'étoile, puis il choisit le couffin où dormait déjà la poupée de Capucine.
- Pourquoi l'as-tu amenée avec toi, Nuel ? demanda Rémi qui était l'aîné des enfants et le plus sage des trois. Une étoile n'est pas faite pour vivre sur la Terre.
- Je n'ai pas eu le choix, dit le pantin. Elle est tombée de la pouponnière et je ne sais plus quoi faire d'elle.
- Un bébé étoile ! s'écria Capucine. C'est si joli. Mais elle ne brille pas beaucoup, pourquoi est-elle si pâle ?
- Elle est épuisée, expliqua Nuel. Elle semble avoir perdu toute son énergie.
- Je ne vois pas comment faire pour la lui rendre ? dit Rémi.
- On pourrait essayer la lampe à bronzer de madame Lecoinche, la voisine, proposa Tom avec un grand sourire malicieux. Elle s'en est tellement servie qu'elle ressemble à une biscotte carbonisée.
- Tom ! soupira Capucine. Tu n'es jamais sérieux.

Tom haussa les épaules et protesta :
- En tout cas, j'ai une idée, moi ! dit-il. Parce que vous avez, tous les trois, l'air d'être en panne d'inspiration.
- Tom a raison, reconnut Rémi. J'ai beau réfléchir, je ne vois pas comment résoudre ce problème. Cela semble si compliqué.
- Alors, c'est terrible ! dit Nuel. Elle ne peut pas demeurer ainsi, ce serait trop triste.

Et, comme pour lui donner raison, la petite étoile clignota deux fois avant de s'éteindre à nouveau.

* * *

Monsieur Lepont descendit du taxi après avoir réglé la course au chauffeur, puis il poussa la porte d'entrée de l'observatoire et chercha le bureau du responsable.
- Bonjour ! Je suis Dominique Lepont. On a dû vous avertir de mon arrivée ?
Robert Malinguaux, le directeur, ne put retenir un froncement de sourcils peu encourageant. Il est vrai qu'il avait insisté pour qu'un remplaçant lui soit envoyé dans les plus brefs délais et il avait précisé : un astrophysicien expérimenté. Mais celui-ci avait des cheveux grisonnants - qui lui tombaient sur le col ! - et une grosse moustache qui lui donnait l'allure d'un aimable retraité. Malinguaux retint un soupir. Tant pis, il faudrait faire avec !
Il s'avança vers le nouvel arrivant et lui tendit la main :
- Ici, on s'appelle par les prénoms. Moi, c'est Robert.
- Dominique.
- Bienvenue Dominique. Venez, je vais vous montrer où vous installer.

Tous deux traversèrent le couloir pour pénétrer dans une vaste salle où se trouvait un immense télescope.
Dominique jeta un regard admiratif sur l'appareil et s'extasia :
- Quelle merveille !
- Oui, il y a beaucoup d'observatoires qui nous l'envient, répondit Robert plutôt flatté. Vous verrez, vous apprendrez très vite à l'apprécier. Votre bureau est de l'autre côté.

Ils entrèrent dans une pièce où les quelques meubles, étagères et armoires croulaient sous d'épais dossiers.
- Je suis désolé pour ce désordre, dit Robert. Mais Julien, votre prédécesseur, avait un sens du rangement assez particulier.
- Je m'en occuperai quand j'aurai du temps libre, répondit Dominique. On m'a dit que ce malheureux garçon avait dû être hospitalisé d'urgence ? Rien de grave, j'espère ?
- Du surmenage, juste du surmenage, répondit Robert qui ne tenait visiblement pas à en dire plus. Il termine sa convalescence et devrait rentrer chez lui bientôt. Mais je vous rassure, il ne reviendra pas ici, il n'a pas les qualités nécessaires pour ce métier.

Robert laissa le nouvel arrivant pour se rendre au musée, situé à côté de l'observatoire, où se préparait une exposition sur les trous noirs. Resté seul, Dominique s'affala dans le fauteuil et, sans plus de façon, posa les pieds sur le bureau.
"Quel fouillis ! C'est impressionnant."

Il jeta un coup d'oeil autour de lui, puis ouvrit les tiroirs l'un après l'autre et c'est ainsi qu'il tomba sur un article de presse accompagné d'une photo de l'équipe de l'observatoire au grand complet.
L'identité de chacun d'entre eux était mentionnée et Dominique Lepont reconnut, au premier plan, le directeur, ainsi que David et Ludovic, les assistants, qu'il avait aperçus dans la salle du télescope en train de travailler. Ensuite, Daniel, Clément et Audrey, des stagiaires qui portaient le badge de leur école. Et là, c'était sans doute " le " Julien. Il avait l'air sympathique et paraissait plutôt en forme sur la photo.
Dominique bâilla sans la moindre retenue et sans mettre la main devant la bouche ; de toute façon, il n'y avait personne pour lui faire une réflexion sur son manque d'éducation.
"J'ai demandé ma mutation parce que je m'ennuyais à mourir, pensa-t-il en regardant à nouveau les énormes piles de dossiers. J'espère qu'ici, je ne vais pas mourir...d'ennui."

* * *


- Et si on lui donnait des croquettes vitaminées pour chien ?
Capucine leva les yeux au plafond.
- Où vas-tu chercher des idées aussi bizarres, Tom ?
- J'essaie tout ce qui me passe par la tête, répondit son frère. Depuis plus d'une heure nous n'avons pas progressé d'un pouce.
- Tom a raison, reconnut Rémi. Nous n'y arriverons pas seuls. C'est un cas trop compliqué pour des enfants, il faut s'adresser à des gens expérimentés.

Nuel écoutait ses amis sans les interrompre car il avait confiance en eux et ils finiraient par trouver la solution. Il vérifia que l'étoile allait bien ; elle s'était endormie dans le couffin.
- Rémi, tu n'y songes pas ? s'écria Capucine. Tu veux qu'on aille dire à quelqu'un : " Bonjour ! Nuel est venu de la Lune avec une étoile raplapla. Vous pouvez faire quelque chose pour lui redonner des forces ? "
- Ah ouais ! s'écria Tom avant que son frère n'ait pu répondre. J'aimerais bien voir ça. Cool !
- C'est quoi "raplapla" ? demanda Nuel qui trouvait ce mot très joli.
- Ca signifie "fatigué, épuisé", expliqua Rémi qui poursuivit à l'adresse de sa soeur : Il suffit d'aller jusqu'au musée et de faire semblant de s'intéresser aux étoiles en prétextant un devoir pour un professeur.
- Tu as oublié notre dernière visite là-bas ? dit Capucine qui prit soudain un air taquin : Et Pompon, tu l'as oublié aussi ?

Rémi, Tom et Nuel échangèrent des regards ennuyés. Ils se souvenaient parfaitement d'être allés au musée avec le charmant martien rose - surnommé Pompon par Nuel parce que son nom était imprononçable. Le martien avait utilisé un étrange rayon vert qui avait propulsé le pauvre gardien jusqu'au plafond et les enfants n'avaient dû leur salut qu'à une fuite éperdue dans les rues de la ville.
- Le gardien a pris sa retraite, dit Rémi. Et le gardien-chef a déménagé le mois dernier, c'est notre professeur de sciences qui me l'a dit. Tous deux ont été remplacés, donc si nous allons au musée, personne ne nous reconnaîtra.

A cet instant précis, un cri bien connu des enfants retentit depuis le jardin :
- Ouhou ! Vous êtes là ?
- Maman ! s'écrièrent en choeur Tom, Rémi, Capucine et même Nuel qui prenait l'habitude de ces visites imprévues.

Capucine jeta son sac de couchage sur le couffin, tandis que Tom et Rémi cachaient les cheveux bleus de Nuel sous une casquette et ses yeux de verre derrière des lunettes noires. Le tout en moins de quatre secondes. Ouf !
Car déjà la porte de la cabane s'ouvrait.
- Mais c'est votre ami Nuel qui est de retour ? C'est gentil de sa part de venir passer un moment en votre compagnie.
- Bonjour. Comment allez-vous ? répondit le pantin à qui Capucine avait, depuis longtemps, appris les bonnes manières.
- J'espère que vous ne vous ennuyez pas ?
- Aucune chance, maman, répondit Tom. Nous avons un carton rempli de jeux pour nous distraire.
- Tant mieux. Je vais en profiter pour prendre un peu de repos, j'ai mal dormi et je me sens fatiguée.
- Vous êtes raplapla ? demanda Nuel qui avait bien retenu les explications de Capucine au sujet de ce mot très amusant à prononcer.

Capucine en resta muette de surprise et Tom fit une affreuse grimace pour ne pas éclater de rire.
- Tu peux faire la sieste, maman, dit précipitamment Rémi avant que sa mère n'ouvre à nouveau la bouche. On ne te dérangera pas, c'est promis.

Et la maman repartit.
"Ouf ! Quelle histoire !"

* * *

Tom et Rémi décidèrent de se rendre tous les deux au musée de l'observatoire pour tenter d'obtenir les fameux renseignements. Capucine et Nuel attendraient leur retour dans la cabane tout en continuant à veiller sur la petite étoile.
Pédalant à toute vitesse sur leurs vélos, Tom et Rémi arrivèrent au musée où ils s'adressèrent au nouveau gardien-chef.
- Bonjour monsieur ! dit poliment Rémi. Nous devons faire un devoir sur les étoiles. C'est pour l'école.
- Oui, ajouta Tom. Et on aimerait rencontrer un spécialiste parce que nos questions sont compliquées.

Le gardien-chef prit un air désolé :
- Le directeur est trop occupé, les enfants, il n'aura pas le temps de répondre à vos questions. Mais allez donc jusqu'au bâtiment qui se trouve de l'autre côté et demandez monsieur Lepont, je suis sûr qu'il sera ravi de vous être utile.

Tom et Rémi contournèrent le musée pour rejoindre l'observatoire. Ils laissèrent leurs vélos devant l'entrée et, quant ils furent à l'intérieur, ils cherchèrent une porte portant le nom de Dominique Lepont.
L'astrophysicien fut heureux de rencontrer deux enfants qui éprouvaient la même passion que lui pour le monde céleste.
- Les étoiles sont de véritables merveilles ! s'exclama-t-il avec enthousiasme. Quand j'étais enfant, je passais des heures à les contempler durant la nuit.

Dominique eut un sourire rêveur ; l'espace de quelques secondes, il s'était retrouvé à l'âge de dix ans et c'était bien agréable.
- Mes parents ont fini par s'inquiéter de me voir me lever tous les matins avec les yeux cernés et j'ai dû tout leur avouer. C'est ainsi qu'ils m'ont offert mon premier télescope.

Dominique regarda les deux garçons qui l'écoutaient.
- Que voulez-vous savoir ?
- Pourquoi une étoile ne brille pas ? demanda Rémi.
- C'est facile, répondit Dominique. Sa durée de vie est limitée. Quand elle n'a plus de carburant pour fonctionner, elle s'éteint et elle meurt.

Il y eut un court silence durant lequel Tom et Rémi échangèrent un regard embarrassé.
- Non, on ne vous parle pas d'une vieille étoile, expliqua Tom. Dans notre cas, il s'agit d'un bébé qui ne diffuse pas de lumière.
- Un bébé... étoile ! s'étonna Dominique. C'est bien de cela dont vous parlez ?
- Exactement, dit Rémi. Et notre question est : que peut-on faire pour lui rendre son énergie ?
- Euh..., hésita Dominique. A vrai dire, je n'ai jamais rencontré ce type de situation.
- Oh ! firent en choeur les deux frères et la déception se lut sur leur visage.
- Je n'ai pas dit que je ne trouverais pas la réponse, reprit Dominique Lepont. Il me faut un peu de temps pour y réfléchir, c'est tout.
- Vous nous avez fait peur, dit Tom en retrouvant son sourire. On vous laisse tout le temps que vous voudrez.
- Tom a raison, dit Rémi. Ce soir, ça vous va ? On va vous laisser notre adresse.

Dominique Lepont faillit leur répondre qu'il avait un tas de choses plus importantes à faire, et c'était vrai, mais les deux enfants le fixaient avec une telle intensité qu'il en ressentit un pincement au coeur. A nouveau, il se souvint de ses dix ans.
- C'est promis, dit-il. A ce soir !

* * *

Après cette brève et agréable rencontre avec les deux jeunes garçons, Dominique se rendit en ville où il avait quelques courses à faire et il passa au bureau de poste pour y expédier du courrier de l'observatoire. L'une des enveloppes était adressée à un certain Julien, dont la maison se trouvait à quelques pas de là ; il s'agissait, sans doute, de ce collègue surmené dont le directeur lui avait parlé. Sans hésiter, Dominique décida de lui rendre une visite amicale.
Il sonna à la porte d'entrée et quand elle s'ouvrit, il reconnut le jeune homme qui était sur la photo du journal.
- Bonjour, je suis Dominique Lepont, votre remplaçant à l'Observatoire.
- Le directeur sait que vous êtes là ? demanda Julien en roulant des yeux inquiets.
- Non, pas du tout. Je passais par hasard et...

Dominique n'eut pas le loisir de finir sa phrase. Julien l'attrapa par le bras et le tira, sans ménagement, à l'intérieur de la maison avant de refermer la porte brutalement.
- Chut ! fit Julien en plaquant l'index devant ses lèvres. Ne parlez pas, surtout pas un mot ! Suivez-moi !

Julien l'emmena jusqu'à une pièce sans fenêtre dont les murs et le plafond étaient tapissés de papier aluminium. Il poussa Dominique dans un fauteuil et s'assit en face de lui.
- Ici nous sommes à l'abri, dit-il et son visage se détendit. Grâce à mon système, ILS ne peuvent pas capter nos conversations.
- Co comment... ? fit Dominique.
- Vous l'avez vu ? demanda Julien qui pointa un doigt vers le plafond. Le Pierrot sur la Lune ?
- Nnn... non, pas encore, avoua Dominique qui regrettait déjà d'être venu. Je viens d'arriver et je n'ai pas encore pris mes fonctions. Vous avez dit : le Pierrot ?
- En réalité, je ne connais pas son nom, expliqua Julien. Et puis je préfère utiliser un code, par sécurité. Et les autres, vous les avez rencontrés ?
- Je ne vois pas de qui..., commença Dominique.
- C'est encore trop tôt, l'interrompit Julien. Puisque vous êtes nouveau dans cette ville.
- Oui, c'est exactement ce que je...
- Attendez ! l'interrompit Julien qui se leva pour prendre un dossier rangé dans une armoire. Il l'ouvrit sur les genoux de Dominique et lui dit avec le ton d'un conspirateur :
- Ainsi vous pourrez les reconnaître au premier coup d'oeil. Il ne faudrait pas que vous tombiez entre leurs mains, comme cela m'est arrivé. Ils sont dangereux vous savez.

Dominique se pencha sur les pages et découvrit des gribouillages, semblables à des dessins d'enfant, réalisés au crayon de couleur. Chacun d'entre eux portait un nom écrit en majuscules.
- Riri, Fifi, Loulou, se mit à lire le physicien.
- Et voici Pierrot, expliqua Julien. Il vit sur la Lune mais parfois il descend sur Terre pour communiquer avec les trois autres. Il dissimule ses cheveux bleus sous une casquette et ses yeux de verre derrière des lunettes noires. Peut-être a-t-il un rayon laser dans les yeux ? Ce n'est encore qu'une théorie, bien entendu.

Dominique dévisagea Julien et il éprouva de la peine pour ce malheureux garçon.
- Pourquoi Pierrot viendrait-il sur Terre ? demanda-t-il presque malgré lui. C'est très risqué pour lui, il pourrait être découvert ?
- "JE" l'ai découvert, s'écria Julien en éclatant d'un rire nerveux. Mais je n'ai pas réussi à l'enfermer dans une cage. Les autres, ses complices, sont intervenus pour l'aider.

Il se leva à nouveau et sortit quelque chose de l'armoire qu'il montra à Dominique :
- Vous savez ce que c'est ?

Dominique vit un objet en plastique blanc, de la taille d'une boîte à chaussures. Il y avait plusieurs touches sur l'une des faces et également une très courte antenne
- Un vieux poste de radio ?
- Un détecteur d'extraterrestres, répondit Julien. J'ai d'abord réalisé les plans dans ma tête pendant que j'étais à l'hôpital. Quand je suis rentré chez moi, j'ai travaillé jour et nuit pour le mettre au point. Vous voulez l'essayer ?
- Désolé, il faut que je parte, on m'attend à l'observatoire.

Dominique se leva vivement et se dirigea vers la sortie, Julien marchant sur ses talons.
- Aucun enfant n'est venu vous voir pour vous poser des questions bizarres ?

L'espace d'une seconde, Dominique repensa aux deux garçons et à leurs propos au sujet d'un bébé étoile mais ce n'était qu'une simple coïncidence.
- Non, je n'ai vu personne, dit-il en retrouvant la rue et l'air libre avec soulagement.
- Méfiez-vous. Ils sont dangereux, l'avertit Julien. Ne tombez pas entre leurs mains, je ne pourrai pas vous venir en aide, mon médecin me l'a interdit.

La porte claqua et Dominique resta seul sur le trottoir, médusé. Cette visite chez ce malheureux l'avait retourné et il comprenait maintenant pourquoi le directeur, monsieur Malinguaux, avait préféré parler de surmenage.
Tandis qu'il s'éloignait de la maison, le rideau d'une fenêtre bougea et Julien apparut, l'air sombre.
"ILS vont s'attaquer à lui, songea-t-il en suivant des yeux son remplaçant. C'est absolument certain puisqu'ILS ont décidé de tous nous éliminer. Je dois le protéger et, pour cela, il me faut agir vite !"

* * *

Pendant l'absence de Tom et Rémi, Capucine et Nuel avaient laissé dormir la petite étoile dans le couffin et ils étaient sortis de la cabane.
Ils jouèrent d'abord à la marelle dans le jardin puis ils parlèrent de la vie sur la Lune ; c'était un sujet qui passionnait Capucine et elle posait toute sorte de questions au pantin qui y répondait gentiment.
Soudain, une ombre, qui s'était approchée en silence et s'était cachée derrière les buissons, jaillit de sa cachette et se jeta sur le pantin.
- Enfin, je te tiens, monstre bleu ! Inutile de te débattre, tu es mon prisonnier.

En réalité, Nuel était bien incapable d'esquisser le moindre mouvement ; un pantin de chiffon n'a pas assez de forces pour se battre contre un être humain.
En un tour de main, Julien, car c'est bien de lui qu'il s'agissait, ficela le pantin de la tête aux pieds.
Capucine protesta mais cela ne servit à rien.
- Lâchez-le, vous n'avez pas le droit de faire ça.
- Si tu ne te tiens pas tranquille, j'en ferai autant avec toi, sale gamine !

La fillette choisit d'abord de lui obéir mais quand elle vit que l'homme emmenait le pantin jusqu'à sa voiture et le jetait dans le coffre, elle fonça sur lui et lui donna de grands coups de pieds dans les chevilles.
Trente secondes plus tard, la pauvre Capucine rejoignait Nuel dans son inconfortable prison. Et la voiture démarra.

En sortant de l'Observatoire, Tom et Rémi s'arrêtèrent dans différentes boutiques pour acheter des brioches et du chocolat ainsi qu'une casquette qu'ils avaient décidé d'offrir au pantin. Ce qui lui ferait certainement plaisir.
Quand ils grimpèrent dans la cabane, ils furent surpris de ne pas retrouver leur soeur et Nuel, tandis que la petite étoile dormait toujours paisiblement. Surpris, les deux garçons les cherchèrent dans le jardin mais ils ne trouvèrent qu'une boîte assez étrange au pied d'un buisson.
- Je m'inquiète vraiment, dit Rémi. Leur absence n'est pas normale.
- Je suis d'accord avec toi, dit Tom. De plus, j'aimerais savoir comment ce bidule est arrivé là ?

Les deux frères réfléchissaient sur la conduite à tenir lorsqu'ils virent Dominique Lepont apparaître dans l'allée.
- J'ai trouvé ça dans mes cartons, dit l'astrophysicien en leur tendant une cassette. Ca pourrait vous être utile pour votre bébé étoile. C'est sympathique votre repaire, je l'ai aperçu en descendant de voiture et pour ne pas déranger vos parents, j'ai préféré passer par votre jardin. Hé ! J'ai déjà vu un machin semblable à celui-ci et pas plus tard que tout à l'heure.

Tom et Rémi virent l'astrophysicien s'emparer du boîtier qu'ils avaient trouvé.
- Il paraît que c'est un détecteur d'extraterrestres et son inventeur s'appelle Julien. Mais vous ne pouvez pas le connaître.

Tom et Rémi ne tenaient pas à mettre Dominique Lepont au courant de la disparition de leur soeur et du pantin. Rémi réagit avec vivacité.
- Bien sûr que si. Vous oubliez que nous sommes passionnés par tout ce qui touche à l'espace et Julien discute parfois avec nous. C'est vrai qu'il est un peu bizarre mais on s'entend bien avec lui.

Dominique parut étonné.
- Je l'ignorais.
- On aime étudier ses théories sur les Martiens. Il a dû vous mettre au courant et vous montrer ses dessins ?
- Oui, et vous dites que vous partagez son point de vue ?
- Disons que c'est intéressant, reprit Rémi tandis que Tom se demandait où son frère aîné voulait en venir. Vous l'avez rencontré à l'observatoire ou bien chez lui rue de... Oh, j'ai encore oublié le nom.
- Rue de la Blanche. Il m'a fait entrer dans sa pièce couverte de papier aluminium. C'était impressionnant, je vous assure.
- Du papier alum..., commença Tom avant de prendre un coup de coude de la part de son frère.
- Il faut qu'on aille lui rendre son détecteur, reprit Rémi. Merci d'être passé nous voir. Nous vous rapporterons votre cassette dès que nous l'aurons visionnée.

Dominique Lepont laissa donc aux deux garçons la cassette qu'il était venu leur apporter et il s'empressa de regagner l'observatoire.
- Depuis quand est-ce qu'on est copains avec ce fêlé de Julien ? s'étonna Tom. Tu m'expliques ?
- Grâce à moi, on a l'adresse de Julien. Et je suis prêt à parier que c'est là-bas qu'on va récupérer Capucine et Nuel.
- C'est génial ! s'exclama Tom en se frappant le front.

Les deux frères reprirent leurs vélos et foncèrent à travers la ville jusqu'à la rue de la Blanche où ils n'eurent guère de mal à repérer la maison de Julien.
- Il n'est peut-être pas chez lui, dit Rémi. On va faire le tour par le jardin pour essayer d'entrer.

Profitant que la rue et les environs étaient déserts, les deux frères contournèrent la maison et, soudain, ils aperçurent le visage de Nuel derrière une fenêtre. Celui-ci fit pivoter la vitre pour les interpeller.
- Julien nous avait enlevés Capucine et moi, et il nous avait attachés mais je n'ai eu aucun mal à défaire les cordes. Venez voir comme sa maison est amusante !

Nuel avait raison. Le rez-de-chaussée était encombré de maquettes de vaisseaux et de fusées plus incroyables les unes que les autres ; la plupart avait été construite par Julien lui-même avec des boîtes de conserve et des vieux bidons. Il y avait aussi un scaphandre d'astronaute réalisé avec des sacs plastiques et puis d'innombrables cartes de l'espace qui s'entassaient dans les meubles ou s'étalaient sur tous les murs disponibles.
Nuel les emmena ensuite dans la salle, tapissée d'aluminium, dont avait parlé Dominique. Capucine les avait rejoints ; elle tenait dans ses bras un affreux bonhomme dont la tête était un ballon portant une perruque de laine bleue et le corps une silhouette en carton.
- Il ne ressemble pas du tout à Nuel, dit la petite fille en pouffant de rire. Je préfère l'original.

A cet instant, il y eut un grand bruit : quelqu'un venait de refermer la porte d'entrée.
- C'est Julien ! dit Rémi. Il faut nous cacher.
- Non, protesta Capucine, Nuel dit qu'il faut lui révéler la vérité.
- Nous pouvons être amis avec Julien, affirma Nuel. Ce serait mieux pour nous tous.
- Je suis d'accord pour essayer, dit Rémi, mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Le voilà !

Lorsque Julien vit les quatre enfants réunis dans sa maison, il n'hésita pas une seule seconde ; il se rua vers l'armoire pour en sortir une chose biscornue qu'il pointa en direction des enfants.
- C'est une arme mortelle, s'écria-t-il. Ne m'approchez pas !

Mais les enfants restèrent bien sagement à leur place et Nuel retira sa casquette.
- C'est toi le Martien ! s'exclama Julien en voyant les cheveux bleus du pantin. Je le savais que tu existais vraiment, j'en étais certain.
- Vous vous trompez, dit Nuel. Je vis sur la Lune où je suis responsable des étoiles.

Julien parut désarçonné par la réponse du pantin.
- Je sais que tu es venu me détruire, gronda-t-il. Ainsi que tous les autres terriens !
- Certainement pas, protesta Tom. Nuel est très gentil et il ne ferait de mal à personne.
- Tom a raison, acquiesça le pantin. D'ailleurs, Tom, Rémi, Capucine et moi sommes les meilleurs amis du monde.

Julien baissa son arme. Lui, qui croyait devoir défendre sa vie, se retrouvait en train de bavarder avec un martie... pardon, un Lunien.
- Tu n'as pas de rayon laser dans les yeux ?
- Pas du tout, dit le pantin en ôtant ses lunettes noires.
- Je ne comprends pas, dit Julien. Je me serais trompé ?
- Regardez ! dit Rémi. Nuel est fait de chiffon, c'est un simple pantin.

Julien s'avança vers le pantin et le tâta du bout des doigts.
- Voilà pourquoi tu peux te laisser tomber sur Terre aussi facilement ! dit-il et un sourire apparut enfin sur son visage.
- Nous sommes désolés de vous avoir causé tous ces ennuis, dit Capucine. Mais nous pouvons devenir vos amis ?

Les yeux de Julien s'embuèrent à cette idée.
- C'est vrai ? demanda-t-il d'une voix étranglée par l'émotion. Vous me raconterez la Lune et je pourrai vous rendre visite à la cabane aussi souvent que je le souhaiterai ?
- C'est promis, dit Nuel et les enfants acquiescèrent.

Quand les enfants et Nuel quittèrent Julien, la nuit était en train de tomber. Tous les quatre étaient un peu inquiets d'avoir laissé la petite étoile si longtemps seule. Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé en leur absence !
Quand ils arrivèrent dans leur jardin, ils découvrirent, avec surprise, qu'une lumière vive sortait par la fenêtre de la cabane.
- Vite ! s'écrièrent les enfants et ils montèrent, à toute vitesse, les marches de l'échelle.

Mais tout allait bien et la petite étoile, qui s'était réveillée, avait enfin retrouvé sa jolie couleur dorée et tout son éclat.
- Comment est-ce possible ? s'étonna Capucine.
- Elle avait dû prendre froid là-haut et elle se sera réchauffée sous la couette, dit Rémi qui réfléchissait toujours très vite.
- Il vaut mieux que Nuel et le bébé repartent avant que maman n'arrive, dit Tom. Sinon, on va avoir du mal à lui expliquer pourquoi notre lampe de poche éclaire autant qu'un projecteur.

Aussitôt, les enfants mirent en place le trampoline, et Nuel et l'étoile remontèrent dans le ciel étoilé.

* * *

Dominique Lepont s'était installé derrière le télescope et il s'ennuyait un peu, par cette belle nuit si calme, lorsqu'il vit une étoile filante qui quittait la Terre pour foncer en direction de la Lune.
- Ca alors ! s'exclama Dominique. Je n'avais encore jamais vu une chose pareille.
Sous l'effet du choc, Dominique eut beaucoup de mal à s'endormir après avoir assisté à un tel événement.
Contrairement à Julien qui dormit avec un sourire radieux sur les lèvres. D'abord, parce qu'il s'était fait plein de nouveaux amis et pas n'importe lesquels. Ensuite, parce qu'il avait décidé de créer un club pour accueillir les extraterrestres. Cela s'appellerait : le Club des Extras, tout simplement.
Il ne restait plus maintenant qu'à créer un site Internet afin d'entrer en contact avec d'autres fans et d'échanger des informations. Décidément, l'Espace était un endroit merveilleux.


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