Nuel et l'anniversaire de Pompon


par Claude JEGO

Ce jour-là, Nuel s'ennuyait si fort qu'il avait décidé d'aller rejoindre ses amis sur la Terre. Il s'était donc laissé tomber dans le vide spatial et avait atterri, comme d'habitude, sur le toit de la cabane de Capucine, Tom et Rémi. Nuel ne pouvait pas se faire de mal en chutant ainsi car c'était un pantin de chiffon.
Dès qu'elle l'avait aperçu, Capucine lui avait sauté au cou car elle adorait le pantin. Rémi l'avait salué amicalement et Tom, le plus taquin des trois, lui avait asséné une grande claque dans le dos.
Ensuite les enfants avaient sorti un jeu de l'oie et ils expliquaient les règles du jeu au pantin quand une soucoupe volante se posa dans leur jardin.
Kriiibooutonkraxshkkkrrr, un adorable petit martien en descendit ; il était rose parce que, sur Mars, seuls les martiens adultes sont verts. Nuel l'avait rencontré pour la première fois sur la Lune un jour où ses parents l'avaient oublié par mégarde. Il était devenu son ami et l'avait rebaptisé Pompon car c'était plus facile à prononcer que Kriiibout… etc
Les enfants et Nuel se précipitèrent pour l'accueillir :
- Bonjour, Pompon ! fit Capucine. Tu joues au jeu de l'oie avec nous ?
- Non, dit le petit martien. Je suis venu vous inviter à fêter mon anniversaire.
- Tu veux qu'on aille sur Mars ? s'écria Tom qui n'en croyait pas ses oreilles. C'est super méga cool ! On part tout de suite ?
- Quel âge as-tu ? demanda Rémi.
- Six cents vingt-cinq ans, répondit Pompon.
- Tu parais beaucoup plus vieux, dit Tom qui ajouta aussitôt : Mais non ! c'est pour rire. Alors tu as déjà eu six cents vingt-cinq fêtes et six cents vingt-cinq cadeaux ! Waouh !
- Non, dit Pompon en secouant sa jolie tête rose. On ne fête les anniversaires que tous les vingt-cinq ans.

Tom trouva que c'était regrettable même si cela laissait encore un certain nombre de gâteaux à dévorer.
- On ne peut pas y aller, dit soudain Capucine. Que pensera maman si elle vient jusqu'à notre cabane et qu'elle ne nous trouve pas ?
- Elle est partie chez sa coiffeuse, répondit Rémi qui était l'aîné et le plus raisonnable des trois enfants. Je le sais parce qu'elle m'a demandé de veiller à ce que vous ne fassiez pas de bêtises.
- C'est raté ! dit Tom. Et puis, ça lui prendra tout l'après-midi. A cause des bigoudis.
- C'est quoi des "bigoudis" ? demanda Nuel qui avait un peu de mal à suivre la conversation.

Tom, Capucine et Rémi jetèrent un regard sur les cheveux bleus tout ébouriffés du pantin.
- Laisse béton, Nuel, dit Tom. Tu ne peux pas piger.

Et Capucine le gronda parce que leur maman n'aimait pas que Tom parle ainsi.
Les trois enfants, Nuel et Pompon montèrent donc à bord de la soucoupe et prirent place sur les sièges. Lorsqu'ils eurent bouclé leur ceinture - Pompon avait beaucoup insisté - l'engin décolla sans faire le moindre bruit et fonça en direction de l'espace.
Assis à côté de Pompon, Rémi regardait avec attention les voyants qui clignotaient sur le tableau de bord en faisant un tas de bip-bip amusants.
Capucine avait préféré mettre ses deux mains devant ses yeux car elle craignait qu'à tout moment la soucoupe ne percute une étoile, et il y en avait en si grand nombre que la petite fille gardait les yeux fermés en permanence.
Tom, qui était le plus casse-cou des trois enfants, s'extasiait en voyant Pompon conduire l'engin avec une telle facilité et il aurait donné n'importe quoi pour tenir les commandes quelques minutes.
- Tes parents sont chouettes d'avoir accepté de te prêter leur soucoupe, dit-il au martien avec un regret dans la voix.
- Elle m'appartient, répondit Pompon. Dès qu'un martien est en âge de marcher, il reçoit une soucoupe pour se déplacer.
- T'en as de la chance ! s'exclama Tom. Moi, j'ai dû avoir une bonne note à l'école pour qu'on m'offre un simple vélo.
- Tu étais l'avant-dernier de la classe, lança Capucine en écartant légèrement les mains de ses yeux pour s'adresser à son frère, mais elle les remit très vite car elle venait d'apercevoir une étoile filante qui fonçait à leur rencontre. Cependant, Pompon esquiva l'obstacle sans la moindre difficulté.
- Ah ! les filles ! soupira Tom. Tu as une sœur ?
- J'ai trente-huit frères et sœurs, dit Pompon.
- Mon pauvre vieux, dit Tom en lui tapotant gentiment l'épaule. Je te plains sincèrement.

Tandis que la soucoupe volante emportait nos jeunes amis vers Mars…

* * *


La sonnerie du téléphone retentit et son bruit strident réveilla brutalement Julien. Il jeta un coup d'œil à sa montre et réalisa que cela faisait trente minutes qu'il dormait, debout derrière le grand télescope de l'Observatoire.
Heureusement, personne ne l'avait surpris dans cette position pour le moins étonnante, mais il y avait peu de chances que cela arrive. En effet, ses collègues assistaient, depuis deux jours, à une importante réunion scientifique dont le thème était : " Y a-t-il une vie dans l'espace ? "
Julien ricana. Bien sûr qu'il existait d'autres formes de vie dans cette galaxie, comme par exemple cet extraterrestre aux cheveux bleus qui vivait sur la Lune et qui, parfois, descendait sur Terre pour rencontrer des terriens.
Julien les avait d'abord repérés grâce au télescope puis il les avait identifiés en interrogeant un malheureux gardien de musée, victime de ces êtres malfaisants. Julien possédait même un portrait-robot de l'habitant de la Lune - auquel il avait donné le nom de code de "Pierrot " - ainsi que d'une espèce de monstre rose, devenu "Toto". Quant aux terriens qui collaboraient avec l'ennemi, c'était "Riri" pour la fille, et "Fifi" et "Loulou" pour les deux garçons.
Julien suspectait un complot organisé par les extraterrestres pour prendre le contrôle de la Terre. Hélas, ses collègues n'avaient rien voulu savoir quand il avait tenté de les mettre en garde contre ce terrible danger venu de l'espace. Au contraire, ceux-ci s'étaient dépêchés de le faire enfermer dans une maison de repos en prétextant qu'il avait l'esprit dérangé.
"Ils sont jaloux ! gronda Julien qui se parlait souvent à voix haute. Quand je possèderai des preuves, je révélerai tout aux journalistes, et la gloire sera pour moi et pour moi seul."
Il n'avait aucune peine à imaginer les gros titres des journaux : "Un brillant astrophysicien révèle la vie dans l'espace" ou encore "Le célèbre astrophysicien Julien offre les corps des extraterrestres à la science."
Et il y aurait aussi la radio, les chaînes de télévision…
Julien avala d'un seul coup une dizaine de pilules - pour éviter le stress, avait dit son médecin - et il reprit sa position de guetteur. Depuis deux jours qu'il ne quittait pas son poste, la fatigue commençait à peser lourdement sur ses épaules mais il fallait être là quand l'occasion se présenterait.

* * *

Tom commençait à comprendre le fonctionnement de la soucoupe - c'était plutôt facile car tout était automatique - quand ils atterrirent sur Mars.
La découverte de la planète rouge fut une énorme surprise pour les enfants et le pantin qui croyaient que ce n'était qu'une vaste étendue vide et déserte. C'est du moins ce qu'ils avaient vu quand ils s'étaient rendus dans un musée qui faisait une exposition sur Mars ; les photos en noir et blanc prises par les sondes ne montraient que cailloux et poussière.
Et voilà que les enfants découvraient une multitude de charmantes habitations. Chacune était surmontée d'un toit plat qui servait de parking pour garer les soucoupes de chaque famille et, sur le côté, il y avait un toboggan qui permettait aux habitants de glisser pour rejoindre rapidement la rue. Entre les maisons, beaucoup de martiens (verts) se promenaient avec leurs enfants (roses) et tout ce petit monde s'agitait bruyamment.
Nuel et les trois enfants furent accueillis très gentiment par les parents de Pompon, Schuuupriijjzzbww, la maman, et Mmmkkrrripokk, le papa qui ne connaissaient que le pantin ; ils l'avaient rencontré sur la Lune quand ils avaient oublié leur fils, au cours d'un voyage vers Upsilon 35.
- Pompon tenait à vous inviter pour son anniversaire, expliqua le papa. Et j'espère que vous allez bien vous amuser. Mais j'ai assez bavardé, il est temps de déclencher le sablier et de vous souhaiter bonne chasse.
- Quelle chasse ? s'étonna Capucine.
- Oui, c'est vrai, dit Rémi. De quoi s'agit-il ?

Le petit martien écarta ses grands bras, si grands qu'ils touchaient le sol, afin de montrer qu'il était désolé :
- J'ai oublié de vous dire que mes parents ont caché mon cadeau et que je dois le retrouver avant que le Zrzxbvt n'ait fini de faire mon gâteau. Sinon, il me faudra attendre le prochain anniversaire pour l'avoir.
- Houlà ! Ils sont graves, ces martiens, dit Tom qui n'en croyait pas ses oreilles.

Capucine et Rémi, non plus, n'avaient jamais entendu une chose si surprenante. Quant à Nuel qui ignorait ce que signifiait le mot " anniversaire ", il ne quittait pas des yeux un énorme sablier à l'intérieur duquel un petit être s'agitait dans tous les sens. Il avait trois gros yeux répartis de chaque côté de la tête et six longs bras.
- C'est le Zrzxbvt, expliqua Pompon en montrant du doigt le petit être. Il ne sait faire que des gâteaux mais ce sont les meilleurs de toute la voie Lactée, vous pouvez me croire.
- Il a l'air très vif, fit remarquer Capucine.

Et dans le sablier, au milieu d'un nuage de farine, on apercevait de temps en temps un bras qui agitait une cuillère ou qui jonglait avec des œufs.
- On ne devrait pas traîner ici, conseilla Tom. Le " bidule " a l'air de beaucoup gigoter.
- Tom a raison, dit Rémi. On va se mettre en chasse sans attendre.
- Mais où va-t-on trouver le cadeau ? demanda Capucine.

Les trois enfants et le pantin se tournèrent vers Pompon qui leur fit un grand sourire :
- Dans la vallée des cadeaux, dit le petit martien.

Il déplia une grande carte et posa le doigt sur un point précis.
- C'est ici, dit-il.

Et entre un lieu appelé "Ville" et un autre dénommé "Atterrissage des soucoupes", les enfants lurent : "Vallée des cadeaux".
Il leur fallut reprendre la soucoupe pour se poser, dix minutes plus tard, dans un endroit où il y avait un nombre incalculable de cubes bleus, de boules rouges et de longues boîtes jaunes. On aurait cru une salle de jeux mais elle était de la taille d'un terrain de football.
- C'est CA une vallée ? demanda aussitôt Nuel qui ne connaissait de la Terre que le jardin, l'arbre et la cabane des trois enfants.

Quant à la Lune sur laquelle il vivait, elle n'était que blancheur et scintillement.
- Une vallée "martienne", Nuel ! précisa Tom en faisant un clin d'œil appuyé au pantin.
- Ca ressemble à… à… , commença Rémi, si surpris qu'il n'en trouvait plus ses mots. Ou bien à la…
- Oui, c'est tout à fait ça, vieux frère, se moqua Tom. Bon, on y va maintenant parce que j'ai une petite faim et j'aimerais bien goûter les gâteaux du bidule.

Tout à coup, on entendit un son bizarre, une sorte de zonzonzon….
Pompon jeta des regards inquiets autour de lui.
- C'est quoi ce bruit ? demanda Tom.
- Un Zoncoucou, dit Pompon en se jetant derrière un cube. Et quand il pousse son cri, c'est qu'il va frapper. Vite ! A l'abri.

Alors que Nuel, Capucine et Rémi obéissaient sagement, Tom tendit le bras pour désigner une ombre qui s'agitait à une dizaine de mètres de là.
- C'est ça un Zoncouc…

Mais avant qu'il n'ait pu finir sa phrase, une grosse tache jaune s'écrasa sur son pull.
- Hé ! Dis donc toi, tu veux que je m'occupes de ton cas ? cria Tom, rouge de colère.

Mais une autre tache, verte cette fois-ci, s'étala sur son pantalon ce qui obligea le jeune garçon à s'abriter.
- Si tu nous expliquais ce qui se passe ? demanda Rémi à Pompon.
- Il faut que j'attrape le Zoncoucou pour qu'il me donne mon cadeau, expliqua le petit martien.
- Tu veux dire que c'est lui qui l'a ? s'étonna Rémi.
- Oui, bien sûr, dit Pompon. C'est une habitude qui remonte à l'origine de notre planète. Les parents ont trouvé que ce serait plus amusant que de nous donner tout simplement nos cadeaux.

Tom fulminait en voyant ses vêtements tâchés.
- Tradition ou pas, si je lui mets la main dessus, je lui fais avaler ses pots de peinture !

Pompon lui jeta un regard inquiet :
- Oh ! Il est tout à fait inoffensif mais il adore jouer avec les couleurs. Et si vous le bousculez, il refusera de me donner mon cadeau.

Rémi tenta de repérer le Zoncoucou mais à l'instant où il apercevait le facétieux petit monstre, il reçut de la peinture jaune en pleine figure.
Capucine et Pompon éclatèrent de rire et ils riaient d'autant plus fort que Nuel les regardait avec effarement. Le pantin ne semblait rien comprendre à ce jeu étrange.
- On ne peut pas rester là, fit remarquer Rémi tout en s'essuyant le visage avec son mouchoir. Sinon on n'a aucune chance de mettre la main sur ce Zon...
- On pourrait peut-être repartir, proposa Nuel qui regrettait son joli monde blanc si tranquille.
- Sans le cadeau ? gronda Tom. Jamais ! On va s'organiser et coincer le Zoncoucou.
- Il est très rapide, fit remarquer Pompon. D'ailleurs, cela fait cent vingt-cinq ans que je n'ai pas eu de cadeau d'anniversaire.
- Et bien, cette fois-ci, tu l'auras, dit Rémi. Tom a raison. Il n'est pas question de se laisser ridiculiser par ce Zonzou.
- Zoncoucou ! rectifia Capucine qui restait bien sagement cachée derrière un cube.

Tom eut un haussement d'épaules méprisant :
- Il suffit d'être plus malin que lui, dit-il.

Puis il risqua un coup d'œil et une large tâche violette s'étala sur son front.
Capucine et Pompon pouffèrent à nouveau.
- J'ai une idée, dit soudain Rémi. Pompon, Nuel et Capucine, vous allez le distraire pendant que Tom et moi nous allons le prendre à revers. Tom, à gauche et moi, à droite.

Capucine et Pompon se mirent à agiter les bras et à pousser des cris, ce qui intrigua beaucoup Nuel qui trouvait le comportement de ses amis de plus en plus bizarres.
Tom et Rémi en profitèrent pour sortir de leur cachette et se faufiler en direction du Zoncoucou, mais alors qu'ils allaient se saisir de lui, le Zoncoucou les bombarda de peinture avant de prendre la fuite.
- Il est rapide, dit Tom qui était couvert de couleurs de la tête aux pieds.

Rémi acquiesça de la tête.
- J'ai peur que ce ne soit plus difficile que prévu, répondit-il à son frère. Allez ! On y retourne.

Pendant que les deux frères reprenaient leurs tentatives, Nuel décida de quitter, lui aussi, la cachette. Le pantin ne comprenait pas grand-chose à tout ce chahut sauf qu'il fallait à tout prix mettre la main sur le Zoncoucou.
Le pantin se faufila sans faire de bruit et prenant, dans sa poche, une poignée de poussière d'étoile, il la jeta sur le Zoncoucou qui se mit aussitôt à scintiller si fort qu'il ne lui était plus possible de se cacher.
Tom et Rémi réussirent sans peine à le capturer et à lui faire avouer où était dissimulé le cadeau de Pompon. Et, derrière une énorme boule rouge, les cinq amis découvrirent un autre Zrzxbvt, enroulé d'un gros ruban mauve.
- Tu ne veux pas nous faire croire que c'est " CA " ton cadeau ? s'exclama Tom, médusé.

Mais Pompon faisait des bonds en l'air pour manifester sa joie.
- Youpiiie ! Je vais avoir deux fois plus de gâteaux qu'avant, criait-il en poussant des cris de bonheur.
- Vraiment ! Ils sont fous ces martiens, s'exclama Rémi.
- Tu m'enlèves les mots de la bouche, dit Tom. Puis il regarda ses vêtements tachés : Tout ça pour un morceau de gâteau ! Pouah !

Capucine qui écoutait ses frères soupira :
- J'imagine la tête de maman quand elle vous verra ainsi. Qu'allez-vous lui dire ?
- Houlà ! firent en chœur les deux frères qui sentirent leurs cheveux se hérisser sur leur crâne à cette idée. Nuel ? Tu n'as pas une autre idée de génie pour nous sortir de là ?

Mais, pour l'instant du moins, le pantin n'en avait pas, alors ils remontèrent dans la soucoupe, quittèrent la Vallée des cadeaux et regagnèrent la maison de Pompon.
Il était temps ! Le sablier était arrivé à son terme, ou plutôt le Zrzxbvt avait pratiquement terminé un magnifique gâteau que les enfants croquèrent à pleines dents. Puis, pendant que les deux Zrzxbvt confectionnaient ensemble des friandises délicieuses, les enfants apprirent à jouer à de nombreux jeux martiens.
Les heures passaient trop vite, hélas, il fallut bientôt s'en aller.
"Au revoir !" dirent les enfants et le pantin avant de remonter dans la soucoupe avec Pompon.

Et vivement le prochain anniversaire !

* * * * *

Julien n'en croyait pas ses yeux : la soucoupe allait se poser sur Terre !
Il nota les coordonnées sur un bout de papier et se lança aussitôt dans des calculs qui lui indiquèrent que l'atterrissage aurait lieu dans quelques minutes à peine. Vite ! Il n'y avait pas une seconde à perdre.
Julien empoigna son dossier, prit un appareil photo au fond d'un tiroir et gagna la sortie en courant. Dès qu'il fut à bord de sa voiture, il quitta le parking en trombe et roula à vive allure vers l'Est de la ville. Un fois son véhicule garé devant la maison de Capucine, Tom et Rémi, l'astrophysicien enjamba un muret, longea les haies et se glissa au fond du jardin. Là il se cacha derrière un épais buisson, prépara son appareil photo, puis il attendit que la soucoupe volante apparaisse.

* * * * *

Pour la plus grande joie de ses amis, Pompon s'était amusé à slalomer entre les comètes et les météorites avant de leur laisser, chacun leur tour, les commandes de la soucoupe ; ce qui avait provoqué de vives protestations de la part de Capucine. Enfin, ils se posèrent dans le jardin car il fallait être rentrés à la maison avant que leur maman ne découvre leur absence.
A la seconde où Tom, Rémi, Capucine et Nuel sautèrent en bas de la soucoupe une lumière vive les aveugla. C'était le flash de l'appareil photo que venait de déclencher Julien.
- Enfin, je vous tiens ! hurla l'astrophysicien en jaillissant de son buisson. Et toi, le monstre aux poils bleus, inutile d'essayer de t'échapper ! Tu es mon prisonnier.

Les enfants et le pantin restèrent pétrifiés. Cet homme avait découvert leur secret et il menaçait le pantin. Qu'allait donc devenir Nuel ? Allait-on le jeter dans une cage ?
Quant à Julien, il avait un large sourire sur les lèvres. La gloire ! C'était la gloire qui lui tendait les bras. Enfin !
Soudain, Julien sentit quelqu'un qui lui tapotait l'épaule. A l'instant où il se retournait et déclenchait, par réflexe, son appareil photo, Pompon appuyait à la même seconde sur son paralyseur. La lumière blanche du flash et le rayon vert se mélangèrent puis Julien s'écroula sur le sol, incapable de faire le moindre geste.
- Qui est-ce ? dit Tom en se penchant sur l'étranger.
- Je n'en ai aucune idée, répondit Rémi. Fais-lui les poches pendant que je m'occupe de l'appareil photo. Il a l'air de savoir beaucoup de choses sur Nuel.

Tom trouva une carte plastifiée dans la veste de l'homme et la montra à la ronde :
- Regardez ! Il se prénomme Julien et travaille à l'Observatoire.
- C'est une catastrophe ! s'exclama Capucine, horrifiée. S'il nous dénonce, Nuel et Pompon finiront leurs jours enfermés dans un laboratoire.
- Il ne racontera rien, dit Rémi qui ne perdait jamais son calme. Nuel, Pompon ! Vous allez mettre ce vilain personnage dans la soucoupe et vous le déposerez loin d'ici, quelque part en ville. Quant à cet appareil photo, il suffit d'enlever la pellicule et le tour est joué.
- Et quand il se réveillera ? demanda Tom à son frère.
- Il n'aura plus la moindre preuve, répondit Rémi. Et personne ne croira à son histoire d'extraterrestres.

Julien fut embarqué à bord de la soucoupe, et Nuel et Pompon l'abandonnèrent dans un parc de la ville avant de repartir pour la Lune où le martien déposa le pantin avant de reprendre la direction de Mars.
Tom, Rémi et Capucine attendirent qu'un nuage de poussière d'étoiles fasse scintiller leur arbre puis, rassurés de savoir Nuel et Pompon en sécurité, ils décidèrent de rentrer à la maison.
- Tout va bien, dit Rémi. Allons-y avant que maman ne nous cherche dans le jardin.
- Il me semble que, tous les deux, vous oubliez quelque chose ? fit Capucine en les regardant d'un air taquin.

Rémi parut surpris. Il réfléchit, se creusa la tête…
- Non, je ne vois pas. Et toi, Tom ?
- Bof !
- Vraiment ! fit Capucine. Je suppose que vous avez une bonne explication pour vos vêtements ?
" Houlà ! "

* * * * *

Mais qu'est devenu Julien, l'astrophysicien qui rêvait de gloire et d'honneur ?
- Excusez-moi, monsieur !
- Oui ? dit Robert en levant la tête du gros livre qu'il consultait.
Un officier de police en uniforme triturait sa casquette dans ses mains et il semblait très mal à l'aise. Robert le regarda avec étonnement ; que pouvait faire ce policier dans l'Observatoire, à une heure aussi avancée ?
- On a trouvé quelqu'un dans le parc de la ville et il prétend qu'il est astrophysicien.

Robert prit la carte d'identité qu'on lui tendait.
- Julien ! Mais… que lui est-il arrivé ?
- Il va vous le raconter lui-même, si vous le voulez bien, dit le policier qui fit un signe à son collègue.

Celui-ci s'approcha en compagnie d'un homme d'une trentaine d'années qui paraissait très agité.
- Robert ! Ca y est, j'ai toutes les preuves. Regardez ! Tout est dans mon dossier.

L'officier de police tendit un gros dossier cartonné au directeur de l'Observatoire en lui glissant discrètement à l'oreille :
- Il n'y a rien là-dedans. En tout cas, pas d'extraterrestres.
- J'ai perdu la photo du monstre de la Lune, celui qui a les cheveux bleus, expliqua Julien. Mais j'ai toujours les portraits-robots que j'ai fait des enfants. Les voilà !

Julien exhiba des dessins qu'il avait crayonnés rapidement et les glissa sous le nez de son directeur.
- La fille et les deux garçons. Vous voyez ?

Robert jeta un regard ébahi aux croquis. Chacun portait un nom inscrit sous son euh… portrait.
- Riri…
- Oui ! c'est la fille. Et voilà ses deux complices.
- Fifi, Loulou. Et alors, qui est ce Pierrot ?
- C'est celui qui vit sur la Lune, bien sûr.
- Oh ! évidemment, dit Robert qui fit un petit sourire plein de gentillesse à Julien, tandis que l'officier de police secouait la tête d'un air navré.
- Et j'ai la photo du martien, s'écria Julien. Lui et ses complices ont essayé de détruire la pellicule qui était dans mon appareil mais ils ont oublié CA !

Et Julien montrait un cliché sur lequel on distinguait nettement une affreuse poupée rose qui tirait la langue.
Robert poussa un gros soupir, tandis que l'officier jetait un coup d'œil par-dessus son épaule pour voir la "chose".
- A Noël, mon fils a demandé une panoplie de monstre de l'espace, dit le policier au directeur de l'Observatoire. Le pistolet-laser, la combinaison spatiale, et aussi un masque de martien en caoutchouc qui est, à peine, plus laid que ça !

Julien avait les yeux brillants, le teint écarlate sous l'effet de la nervosité.
- C'est Toto le martien. Il est arrivé avec sa soucoupe volante sur la Terre pour rendre visite à Rifi, Fifi et Loulou.
- Et celui qui vient de la Lune ? demanda le policier.
- Il se laisse tomber dans l'espace pour rejoindre la Terre, expliqua Julien.
- Ca doit faire une sacrée chute, non ? reprit le policier. Et il est toujours vivant après une pareille descente ?

La porte s'ouvrit et deux infirmiers en blouse blanche entrèrent.
- Il ne peut pas se faire mal, protesta Julien, parce que c'est un pantin. Vous savez, ces sortes de poupées rembourrées avec de la laine.
- Mais oui, Julien, dit un infirmier en le prenant gentiment par le bras. Et il s'appelle Toto, c'est bien ça ?
- Non, Pierrot, rectifia Julien tandis que les infirmiers l'emmenaient vers la sortie. Toto, c'est le martien rose.
- Oui, celui de la photo, dit encore un infirmier avant que la porte ne se referme.

Après leur départ, l'officier de police sortit son mouchoir et s'essuya le front.
- Vous avez un boulot pas facile, dit le policier au directeur de l'Observatoire. Désolé de vous avoir dérangé. Bonsoir, monsieur.

Resté seul, Robert songea que sa femme avait raison quand elle lui disait de prendre des vacances un peu plus souvent. Il faisait un métier si stressant !
Machinalement, Robert jeta un coup d'œil au grand télescope.
La nuit était belle, la voûte céleste merveilleusement étoilée, et puis il y avait un petit bonhomme qui faisait de la balançoire sous la pointe du croissant de Lune. QUOI ! COMMENT ?
Robert s'écarta du télescope, tremblant sous le coup de l'émotion. Il faillit regarder à nouveau et puis renonça. Il valait mieux éviter que...on ne sait jamais.
Il changea le réglage de l'immense lunette puis courut dans son bureau téléphoner à sa femme. Dès demain, il passerait à l'agence de voyage acheter deux billets pour un long voyage de détente dans les îles. C'était devenu urgent et absolument indispensable.

F I N


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version revue et corrigée par l'auteur (mars 2006)