texte Claude Jego

illustrations Gueseuch


Connaissez-vous un lieu merveilleux qui s'appelle le Pays Bleu ? Non ! Alors venez avec moi mais il vous faut avancer à grands pas car c'est loin, très loin, caché entre des montagnes aux neiges éternelles et un océan si vaste qu'il semble repousser la ligne de l'horizon.
Suivez avec moi ce sentier qui nous mène au centre du village. Ouvrez grands vos yeux et regardez autour de vous. Que voyez-vous ?
Des champs remplis de lavande et de bleuets, des papillons aux ailes pervenche et des perroquets aux plumes turquoise.
Vous paraissez étonné, vous ne m'aviez pas cru ? Et pourtant je ne faisais que vous dire la vérité : ici tout est bleu. Le ciel et l'eau des rivières, le feuillage des arbres et la poussière des chemins, les ponts et les bancs de bois, les toits et les murs des maisonnettes.
Les gens ? Non, bien sûr, ils sont comme vous et moi et ils vivent heureux et sans soucis. Oh ! pardon : ils "vivaient" heureux et sans soucis. Oui, je suis désolée de devoir mettre ce verbe au passé mais une chose terrible vient d'arriver ! Laquelle ? Dois-je comprendre que vous ne savez pas ? Approchez donc que je vous conte cet événement incroyable...

* * * * *

Ce jour-là, le ciel était bleu - oui, comme d'habitude il est vrai, mais en même temps il paraissait plus lumineux, plus profond - et, voilà que, sur le coup de midi, alors que tintait l'horloge de la grand'place, un homme jaillit d'une maison et se mit à courir à travers tout le village en criant : "c'est un garçon, c'est un garçon !"
Et c'est ainsi, tout simplement, que Nalia vint au monde.
Les jours passèrent, puis les mois, et enfin les années. L'enfant grandissait vite et bien, et ses parents, de même que tous les gens du village, l'adoraient car Nalia montrait beaucoup de qualités. Serviable, il était toujours prêt à aider son entourage ; attentionné, il ne laissait personne autour de lui garder la mine triste ; gentil, il était l'ami des enfant mais aussi de tous les animaux. Un jour, il recueillit un perroquet dont une aile avait été brisée par les serres d'un vautour. Nalia le soigna si bien que l'oiseau, baptisé "Kako" put bientôt s'envoler à nouveau pour parcourir la Terre entière car c'était un grand voyageur.

Mais Nalia continuait à grandir. A six ans, il dépassait les autres enfants de son âge ; à douze, ses parents durent lever la tête pour pouvoir lui parler. Hélas, quand il arriva à l'âge adulte, il fallut bien se rendre à l'évidence : Nalia ne serait jamais un enfant comme les autres, il était devenu un géant.
La taille de Nalia se mit alors à poser de nombreux problèmes que ses parents ne pouvaient résoudre seuls, aussi tous les habitants du Pays bleu décidèrent de leur venir en aide. D'abord, pour lui construire une maison haute de trois étages, et ensuite la remplir de meubles taillés dans d'énormes troncs d'arbres. Coudre des vêtements nécessitait des kilomètres de fil, et les boutons avaient la largeur d'une assiette. Quant on voulait s'adresser à lui, on utilisait un porte-voix et pour lui couper les cheveux, le coiffeur prenait une échelle. Mais malgré tous ces petits tracas, tout le monde aimait Nalia à cause de son éternelle bonne humeur, et rien n'était plus agréable aux habitants du Pays bleu que d'entendre résonner son rire joyeux à travers les ruelles.
D'ailleurs, les choses auraient pu continuer ainsi indéfiniment si, par un bel après-midi…

Nalia aimait faire la sieste, couché dans l'herbe d'un pré à l'ombre de trois grands arbres. Les lapins bleus et les écureuils indigo en profitaient pour lui sauter sur le ventre et jouer à cache-cache derrière ses grands pieds ; c'était facile avec un géant. Le hasard voulut que, ce jour-là, les parents de Nalia passent à proximité ; ils marchaient sur un chemin bordé d'épais buissons et ne pouvaient pas voir leur fils, dissimulé par tant de verdure.
Tous deux se désolaient et pleuraient à grosses larmes :
– Quel malheur ! disaient-ils. Jamais notre fils ne pourra se marier parce qu'il est un géant. Il nous faut renoncer aux petits-enfants riant et courant dans nos jambes, qui auraient couvert nos joues ridées de leurs baisers.
Voilà ! Maintenant, vous savez pourquoi les habitants du village ne sont plus heureux.
Nalia eut le cœur brisé en découvrant leur chagrin. Il aimait tant ses parents qu'il aurait fait n'importe quoi pour les rendre heureux, aussi décida-t-il d'en parler à ses amis en espérant qu'ils pourraient trouver une solution.
Ceux-ci cherchèrent longtemps, firent mille propositions, mais aucune d'entre elles ne semblait réalisable. Comment peut-on marcher jusqu'à s'user les jambes et ainsi les raccourcir ? Ou encore sauter dans l'eau de la rivière en croyant rétrécir comme un vêtement dans la machine à laver ?
Vous ne me croirez pas et pourtant c'est Kako le perroquet, qui venait juste de rentrer d'un long voyage, qui eut une idée un peu singulière il est vrai.
Au cours de ses multiples tours du monde, il avait traversé de nombreux pays, parcouru des milliers de kilomètres et rencontré des êtres extraordinaires parmi lesquels un magicien.
– Les gens disaient qu'il était capable de réaliser les plus grands prodiges, expliqua le perroquet. Et qu'il pouvait transformer une grenouille en diva d'opéra ou changer une souris en chat.
" Oh ! je détesterais cela ", se dit une petite souris qui passait par là, et elle se dépêcha de regagner son trou.
– Si tu veux, je te conduirai jusqu'à lui, poursuivit Kako. Peut-être pourra-t-il t'apporter son aide ?
Nalia n'eut pas la moindre hésitation. Il embrassa ses parents – avec beaucoup de douceur pour ne pas leur faire de mal – puis il partit sur la route avec Kako.

Le perroquet se révéla être un excellent guide ainsi qu'un agréable compagnon de voyage. Ce curieux volatile parlait plusieurs langues et dialectes, mais il avait aussi côtoyé des rois et des princesses, des empereurs et des tyrans. Sa conversation émerveilla Nalia et lui ouvrit l'esprit, lui qui n'avait jamais quitté son modeste Pays bleu.
Et c'est ainsi que, l'un marchant à pas de géant, et l'autre bavardant perché sur son épaule, ils arrivèrent dans une contrée où tout était jaune.

Les arbres croulaient sous les poires et les pommes ; les prairies débordaient de boutons d'or et de jonquilles, et les mimosas embaumaient l'air de leur doux parfum. Partout des canaris chantaient à tue-tête et un énorme soleil remplissait le ciel. On l'appelait "le Pays jaune."
Nalia n'eut guère de temps pour se remettre de sa surprise ; un jeune garçon passait sur le chemin et Kako lui demanda où se trouvait la demeure de Lupin le magicien. L'enfant ouvrit de grands yeux devant ce perroquet bleu, et plus encore en voyant le géant, puis il désigna du doigt une étrange bâtisse à flanc de colline.
C'était un château biscornu, flanqué de deux tours surmontées de girouettes : un dragon pour l'une et une souris pour l'autre, ce qui donnait à l'ensemble un air plutôt étrange. Nalia était bien trop grand pour pouvoir entrer, aussi apercevant une fenêtre ouverte il regarda à l'intérieur et découvrit quelqu'un qui se lamentait.
Quelle triste chose que de voir cet homme à la chevelure blanche accablé par le plus profond désespoir ! Nalia comprit qu'il s'agissait du magicien à cause de son long manteau bleu nuit constellé d'étoiles jaunes et sans hésiter, il l'interpella. D'abord très étonné en découvrant ce géant devant sa porte (je veux dire : à sa fenêtre) le magicien finit par lui conter le malheur qui venait de le frapper :
– A quelques lieues d'ici vit une terrible sorcière du nom de Malfrosa. Depuis longtemps déjà, elle rêve d'accroître son pouvoir afin de répandre la terreur sur les terres et les océans mais jusqu'à ce jour, elle n'avait pu parvenir à ses fins. Hélas ! Pour m'obliger à lui révéler tous mes secrets, elle a enlevé ma fille et, comme je refusais de céder, elle a juré que jamais elle ne me la rendrait.
Nalia en resta tout ébahi : comment un magicien aussi renommé que Lupin pouvait-il baisser les bras devant une simple sorcière ?
– Mes pouvoirs ne me sont d'aucune utilité face à Malfrosa. Je peux la transformer en chenille ou en cactus, mais pas lui faire avouer où elle a caché ma pauvre enfant. Je suis un père si malheureux !
Nalia avait un cœur généreux et la peine du vieil homme l'avait touché ; il en oublia pourquoi il était venu et promit au magicien d'aller délivrer sa fille. Celui-ci voulut le mettre en garde contre les ruses de la sorcière, mais Nalia, toujours escorté du fidèle Kako, avait déjà quitté le château.
– Diminuer la taille d'un géant n'est pas chose facile, dit alors le perroquet, mais affronter une sorcière et délivrer une jeune fille me paraissent pire que de combattre une dizaine de dragons ! Je sens que nous allons y laisser des plumes.
Entre nous, je donne tout à fait raison à ce perroquet mais comme personne ne me demande mon avis, et encore moins celui d'un volatile bavard, je vais donc poursuivre mon récit.

Nalia refusa d'écouter Kako – je vous l'avais bien dit qu'il n'en faisait qu'à sa tête ! – et il lui demanda de survoler le Pays jaune afin de trouver la demeure de la sorcière. Le perroquet n'eut aucun mal à repérer des volutes de fumée noire qui s'élevaient dans le ciel et qui y dessinaient des têtes de mort avant de s'évaporer dans les airs.
Le géant et le perroquet suivirent donc cette direction et se retrouvèrent sur un sentier fait de trous et de bosses, et cerné d'épaisses barrières d'orties et de ronces entremêlées. Tandis qu'ils avançaient, le silence se faisait autour d'eux. Plus un bruit, aucun chant d'oiseaux. Juste le sifflement des serpents qui fuyaient devant eux ou le cri aigu de quelques rats qui se battaient.
Enfin, Nalia et Kako parvinrent aux abords d'une clairière encerclée d'arbres noirs entre lesquels des araignées velues avaient tissé d'immenses toiles. Une affreuse créature aux cheveux fillasse s'affairait autour d'un large chaudron à préparer une infâme mixture. Elle jeta une griffe de dragon, deux plumes de vautours et une fiole de bave de crapaud dans l'eau bouillonnante, et se mit à remuer avec un os de tibia ; quelques yeux remontèrent à la surface et une odeur nauséabonde se répandit dans l'air. Quand elle aperçut le géant, la sorcière cessa de tourner et elle eut un large sourire édenté :
– Qui es-tu et que viens-tu faire dans mon ravissant logis ?
– Mon nom est Nalia. Je suis venu libérer la fille de Lupin le magicien.
Les yeux de Malfrosa jetèrent des éclairs et des scolopendres jaillirent de sa chevelure :
– Sais-tu bien à qui tu parles, jeune étranger ?
– Tu es Malfrosa la sorcière. Mais je suis un géant et je n'ai pas peur de toi.
Nalia était vraiment un jeune homme très naïf car il aurait suffi d'un simple sortilège pour que Malfrosa le change en fourmi, en pot de fleurs, ou pourquoi pas, en limace.
Oh, quelle affreuse idée ! Non-non, surtout pas en limace.

Heureusement qu'à cet instant une autre idée traversa l'esprit de la vilaine sorcière. Alors qu'elle n'était encore qu'une petite fille - il faut remonter très, très loin en arrière car notre sorcière n'est plus toute jeune - un enchanteur du nom d'Osménarus était venu vivre au " Pays jaune ". C'était un homme d'une grande sagesse qui tirait sa puissance d'un anneau qu'il portait à son doigt. Quant il sentit venir sa fin, l'enchanteur songea que son pouvoir ne devait pas tomber entre de mauvaises mains. Il créa alors deux autres anneaux qu'il glissa avec le sien entre les pages de son grimoire puis il prononça un enchantement.
Comme il l'avait prédit, sa mort provoqua le déferlement de gnomes, faux magiciens et sorcières en tous genres, venus des quatre coins du monde pour s'emparer de l'anneau, mais les épreuves se révélèrent si redoutables que tous échouèrent. Pire encore, aucun d'entre eux ne réapparut jamais.
Brrrr ! c'est affreux, vous ne trouvez pas ? Malfrosa aussi aurait voulu tenter sa chance mais elle était si peureuse que la seule vue de son ombre la faisait trembler. Aussi quand elle découvrit le géant, elle comprit qu'une telle occasion ne se présenterait pas deux fois.
– J'aimerais pouvoir t'être agréable, jeune étranger, mais, hélas, j'ai enfermé la fille du magicien dans un cercle magique et j'ai oublié le sortilège qui peut la délivrer.
Malfrosa s'efforça de prendre un air désolé afin de convaincre le géant. Elle essaya même de pleurer en pensant à quelque chose de terrible, par exemple qu'elle n'arriverait jamais à transformer tous les êtres humains en chauve-souris.
– Je suis grand et fort, dit Nalia, je pourrai peut-être briser le cercle ?
– Non, c'est impossible, répondit la sorcière. Personne ne peut annuler un sortilège sauf... si j'avais les trois anneaux magiques que j'ai oubliés dans l'un des mes grimoires.

"Vous ai-je dit que cette sorcière était la pire de toutes les menteuses ?"

Nalia n'hésita pas une seconde :
– Dis-moi où les trouver, et je te les ramènerai.
– Quelle bonne idée ! s'exclama Malfrosa. Et dès ton retour, je tiendrai ma promesse, la fille du magicien sera libre. Alors suis cette route et bonne chance, mon jeune ami. Hi hi hi !
Hélas, il n'y avait personne pour expliquer à Nalia que la sorcière se moquait de lui et qu'elle l'envoyait se jeter dans un terrible piège !
Alors, Nalia suivit le chemin, Kako voletant toujours à ses côtés. Et soudain, alors qu'il parvenait à la lisière du Pays jaune, il se retrouva devant un livre trois fois plus haut que sa maison de géant.
Levant la tête, Nalia vit que sa couverture, en cuir marron, était ornée de superbes dorures et portait le mot "Grimoire" inscrit en lettres gothiques.
– Regarde ! s'écria le perroquet. Quel étrange phénomène.
En effet, une porte venait d'apparaître au bas du livre. Taillée dans un beau chêne massif, elle possédait une poignée en fer forgé que Nalia essaya d'abaisser mais sans y parvenir. Devant cette résistance, il tenta d'enfoncer la porte d'un coup d'épaule mais ne réussit qu'à se faire mal car elle était d'une belle épaisseur.
Alors que Nalia se demandait comment il allait s'y prendre pour parvenir à ses fins, la porte se mit à protester avec force :
– Sacripan, comment oses-tu me frapper ainsi ?


D'abord interloqué, Nalia répondit qu'il était désolé, qu'il ne savait pas qu'une porte pouvait être vivante.
– Et pour qui me prends-tu donc ? Pour un vulgaire tas de bois ! Apprends, jeune homme, que j'ai été taillée dans un chêne plusieurs fois centenaire dont les frondaisons avaient abrité des rois. Qu'en dis-tu ?
– Que j'ignorais qu'une porte pouvait parler. S'il te plait, laisse-moi passer !
La porte se radoucit car Nalia lui avait parlé très gentiment. Elle lui expliqua qu'elle ne pouvait pas accéder à sa demande :
– Seule la formule magique peut te permettre d'entrer. La connais-tu ?
Non, malheureusement Nalia l'ignorait.
– Alors, je le regrette pour toi mais tu ne franchiras pas mon seuil !
Nalia ne savait plus quoi faire lorsque Kako vint lui chuchoter à l'oreille que Malfrosa possédait une ravissante perruche pourvue d'un plumage vert tendre ainsi que d'une langue fort longue.
– Je lui ai fait la cour, avoua le perroquet, car je me sens parfois très seul. Et je dois avouer qu'elle n'a pu résister à mon charme. Elle a même fini par me révéler certains secrets et je me souviens d'une sorte d'incantation qui disait :

Ouvrons les vieux grimoires et parcourons d'étranges histoires,
Compte jusqu'à deux, compte jusqu'à trois, Que les lutins sortent des bois,
Compte jusqu'à sept, compte jusqu'à huit, Crapaud et monstre prennent la fuite.
Par les chemins de l'imaginaire, disparaissons de cette terre
Et pénétrons dans les mondes extraordinaires.

- - -

Kako avait à peine fini de prononcer ces mots que la porte et le livre s'effacèrent, et un paysage apparut.
C'était une belle forêt remplie du chant des oiseaux et de la caresse du vent sur les feuilles. Dans le ciel azuré, de jolis nuages blancs bien dodus faisaient une ronde autour du soleil.
Nalia fut d'abord émerveillé devant tant de couleurs si différentes mais il ne se laissa pas distraire, il lui fallait trouver les anneaux. A condition de savoir où les chercher. Il regarda autour de lui mais il n'y avait aucun village, ni même un sentier, encore moins de panneaux indicateurs. Il ne lui restait plus qu'à partir au hasard en espérant que la chance serait avec lui.
C'est ainsi que le géant s'enfonça dans la forêt. Lui et Kako marchaient depuis deux bonnes heures lorsque le perroquet poussa un cri de dépit : juste devant eux, le sol portait les traces des pas d'un géant.
– Nous sommes revenus au point de départ, gronda le perroquet. Nous n'avons pas cessé de tourner en rond.
– C'est impossible ! dit Nalia. Je suis bien certain d'avoir suivi la direction du soleil.
– Oui, mais cette forêt est un labyrinthe, gémit le perroquet. Et nous sommes ses prisonniers. Maudite soit Malfrosa !
Ne sachant plus que faire, Nalia s'était arrêté et c'est alors qu'il remarqua des feuillages qui remuaient. Quelqu'un les observait, mais qui ? Nalia fit semblant de reprendre sa route puis, après quelques enjambées, il fit brusquement volte-face. Un petit personnage se retrouva seul face au géant tandis que, derrière lui, un buisson s'agitait furieusement.
Nalia s'accroupit pour observer de plus près cet être qui n'était pas plus haut que trois pommes.
– Je m'appelle Nalia. Et toi, qui es-tu, petit garçon ?
– Crrrraaaa ! fit le perroquet. Tu n'as donc jamais vu un lutin ? Et je suis persuadé que sa ribambelle d'amis ne doit pas être bien loin.
Le lutin lança un coup d'œil inquiet au buisson qui resta immobile puis il se mit à raconter :
– Mon nom est Piou. Ce matin, j'ai préparé le déjeuner et j'ai fait la vaisselle et puis j'ai aussi…
– Parle-lui de la clé ! souffla soudain une petite voix tout droit sortie des feuillages.
– De quelle clé s'agit-il ? demanda Nalia.
– Celle dont nous avons besoin pour ouvrir la porte de notre maison. Je l'ai oublié à l'intérieuuuur, dit Piou qui finit sa phrase en larmes.
Nalia sortit son mouchoir et le tendit au lutin ; entre ses mains minuscules, le mouchoir du géant ressemblait à une grande nappe.
Une tête coiffée d'un bonnet rouge émergea d'un buisson, puis une autre et une autre encore, et ainsi de suite jusqu'à ce que Piou soit entouré par une dizaine de lutins. Ils étaient amusants avec leur collerette en pétales de pâquerettes et leur habit vert.
L'un d'entre eux prit la parole :
– Nous habitons une jolie maison au milieu des coquelicots mais ce matin, Piou était si pressé d'aller jouer avec les coccinelles qu'il a claqué la porte sans plus penser à la clé.
– Et vous n'en avez aucune autre ? demanda Nalia.
Tous les lutins firent " non " de la tête.
– Bientôt il fera nuit, dit l'un d'entre eux. Si nous ne pouvons pas regagner notre logis, nous mourrons de faim et de froid, et je ne parle pas des bêtes sauvages qui vivent dans ces bois.

Comme pour lui donner raison, le soleil descendit lentement à l'horizon tandis que l'air se rafraîchissait. Les lutins se mirent à grelotter et ils se serrèrent les uns contre les autres pour se réchauffer. Nalia comprit qu'il fallait agir vite.
Il ouvrit l'une de ses larges mains et proposa aux lutins d'y grimper. Puis, guidé par Piou, il marcha jusqu'au champ de coquelicots où se trouvait une charmante maisonnette aux murs jaunes et aux volets bleus.
Attrapant le bord du toit entre le pouce et l'index, Nalia le souleva délicatement ; puis, de l'autre main, il déposa les lutins à l'intérieur de la maison avant de reposer le toit. Quelques instants plus tard, Piou réapparaissait sur le pas de la porte ; il montrait fièrement une clé qu'il tenait à bout de bras. Ses amis le rejoignirent et ils acclamèrent le géant.
– Tu nous as sauvé la vie, dirent-ils tous en choeur. Que pouvons-nous faire pour te remercier ?
– Je suis à la recherche des trois Anneaux, répondit Nalia.
– Retourne dans les bois ! Au pied de l'arbre blanc se cache le premier. Au revoir, Nalia, au revoir !
Tandis que le géant et le perroquet repartaient vers la forêt, Piou demanda à ses amis :
– Que serait-il arrivé à Nalia s'il avait refusé de nous secourir ?
– Il aurait erré dans les bois sans plus jamais en ressortir, répondit l'un des lutins.
– Comme tous ceux qui ont tenté leur chance avant lui et qui n'ont pas voulu nous aider ?
– Oui, Piou. Il aurait subi le même sort.
Kako et Nalia venaient à peine de regagner la forêt qu'ils aperçurent un grand arbre blanc. Entre ses racines brillait un anneau d'argent portant le mot " sagesse " gravé dans le métal. Nalia l'avait à peine rangé dans sa poche que la porte réapparut.
A l'instant où le géant s'approchait d'elle, elle le mit en garde :
– Gare à toi si tu me malmènes encore cette fois !
Mais le géant promit de faire attention et, la porte à peine franchie, il se retrouva dans une nouvelle page du grimoire.

- - -

– Quel endroit lugubre ! dit le perroquet. Crrrraaa ! Je crois que je préférais la forêt.
Et il n'avait pas tort.
Devant eux s'étendait un large marécage sur lequel des écharpes de brume verdâtre dessinaient d'étranges spectres flottants au-dessus de l'eau. Il faisait chaud et humide, et la vase stagnante dégageait une odeur qui empuantissait l'air.
Un crapaud, à l'aspect repoussant, bondit hors de l'eau et s'adressa à Nalia :
– Coa-coa, que veux-tu, géant ?
– Savoir où trouver les trois anneaux, répondit Nalia qui n'avait encore jamais entendu parler un crapaud.
– Je " coa " que tu devrais repartir d'où tu viens, coassa le batracien. Si tu tiens à conserver ta pauvre vie.
– C'est une excellente idée, approuva Kako qui n'était pas rassuré. Désolé de vous avoir dérangé, monsieur le crapaud, et le bonjour à votre épouse. Nous repassons la porte, Nalia ?
– Non, je ne peux pas renoncer et abandonner la fille du magicien à son triste sort.
Kako savait bien que le géant avait raison mais il aurait donné n'importe quoi pour sortir du grimoire d'Osménarus et ne plus jamais en entendre parler.
– Tu peux m'attendre ici, lui dit Nalia. Je me débrouillerai seul.
Le perroquet regarda s'éloigner le géant et il eut des remords.
– Craaaa ! Il ne me reste plus qu'à guetter son retour en espérant qu'il réussisse cette deuxième épreuve.

Le crapaud avait entraîné Nalia sur un ponton de bois qui serpentait entre les marais et s'enfonçait au milieu de la brume et des nuages de moustiques. Ils marchèrent ainsi un long moment jusqu'à ce qu'ils parviennent de l'autre côté du marécage aux abords d'une grotte si sombre qu'on ne distinguait pas grand-chose à l'intérieur.
– Coa-coa, tant pis pour toi, géant ! Je t'aurai prévenu, coassa le crapaud et, en trois bonds, il s'éclipsa.
Nalia était courageux mais il n'était pas stupide. L'épreuve qui l'attendait serait difficile, le crapaud le lui avait fait comprendre ; pourtant, le souvenir du magicien pleurant de désespoir lui donna la force de faire quelques pas en avant... Et il entra.
Il lui fallut attendre que ses yeux s'habituent à la pénombre pour découvrir que toute la caverne était tapissée d'une épaisse couche de mousse, ce qui donnait la désagréable sensation que le sol s'enfonçait sous les pieds au moindre pas. L'endroit était vaste et rempli de recoins qui pouvaient dissimuler de nombreux pièges. Il valait mieux rester sur ses gardes.
Il y eut, soudain, un bruit désagréable, semblable à un long grincement. Nalia tendit l'oreille... Le bruit se répéta, plus proche. Et puis une fois encore. C'est alors que Nalia réalisa qu'il s'agissait d'une respiration ; il n'était plus seul dans la grotte.
– Il y a quelqu'un ? demanda-t-il. Répondez-moi !
Une ombre entra en mouvement, et commença à se déplacer.
– Qui es-tu pour oser ainsi venir troubler ma quiétude ?
– Mon nom est Nalia et je... euh, je cherche les trois anneaux, répondit le géant tout en faisant deux pas en arrière.
Car Nalia venait de comprendre que si l'ombre s'agrandissait de seconde en seconde, c'est qu'elle se rapprochait de lui. D'ailleurs, il voyait nettement deux yeux injectés de sang qui le fixaient avec cruauté.
– Aaah ! vraiment. Et tu crois que je vais obéir à ton souhait, petit homme ?
– Vous avez raison, je n'aurais pas dû vous déranger, dit le géant que personne n'avait encore appelé "petit homme". Je suis désol…
Mais il était trop tard. Nalia sentit des tentacules s'enrouler autour de ses bras, de ses jambes, l'empêchant de fuir.
– Tu tombes bien, c'est l'heure de mon repas. Et quand j'en aurai fini avec toi, tes os iront pourrir au fond du marécage avec ceux des autres.
Nalia tourna la tête de tous côtés en espérant trouver de l'aide. Il vit s'ouvrir une gueule dégoulinante de bave avec des dents comme des lames de couteaux.
S'il voulait rester en vie, c'était le moment ou jamais de faire preuve d'initiative.
– J'ai faim, tellement faim, gronda le monstre. Je vais te...
– Relâcher ! lança Nalia en espérant de toutes ses forces que son stratagème fonctionne.
Les yeux du monstre exprimèrent une certaine perplexité.
– … tu crois ?
– Bien entendu, affirma Nalia en y mettant beaucoup de conviction.
Les tentacules desserrèrent leur étreinte.
– Je ne devais pas faire autre chose ? s'inquiéta le monstre qui n'était pas très malin.
– Bien sûr que si. Me donner l'un des trois anneaux.
– Le voici, dit le monstre en plaquant une énorme griffe sous le nez du géant.
Un anneau de vermeil portant le mot "Pouvoir" y était accroché.
Nalia s'en empara d'un geste vif et se mit à marcher à reculons.
– Je ne devrais pas te laisser repartir ainsi mais je ne sais plus pourquoi ? dit le monstre qui cherchait à retrouver le fil de ses idées.
– Parce que tu dois d'abord me souhaiter de réussir, souffla encore Nalia qui avait enfin rejoint l'entrée de la caverne.
– Cela m'étonne, mais puisque tu le dis. Que la chance t'accompagne, petit homme !
– Merci ! s'écria Nalia et il s'enfuit en courant de toute la vitesse de ses jambes.
Il disposait de peu de temps avant que le monstre ne réalise qu'il avait été berné et qu'il ne se lance à sa poursuite.
En quelques enjambées, Nalia avait rejoint le ponton qu'il entreprit de parcourir en sens inverse mais celui-ci lui parut deux fois plus long au retour qu'à l'aller. Quand Nalia aperçut, enfin, Kako qui l'attendait devant la porte, il était à bout de souffle et sentait ses forces l'abandonner.
– Hâte-toi ! lui cria le perroquet. Un monstre horrible te poursuit et il ne tardera plus à te rattraper !
Nalia jeta toutes ses forces dans les derniers mètres. Il n'avait pas besoin de se retourner pour savoir que le monstre gagnait du terrain, il entendait de plus en plus nettement l'affreux craquement du ponton lacéré par les griffes.
La dernière chose que Nalia aperçut avant de claquer la porte fut une gueule béante puis plus rien. Il n'entendit pas le cri du monstre quand il s'écrasa contre le robuste obstacle en chêne.
Le géant était, enfin, en sécurité à l'intérieur du grimoire.

- - -

Nalia resta ainsi durant quelques minutes, le front appuyé contre la porte, afin de retrouver son souffle.
Puis, il se retourna.
Le décor s'était métamorphosé. Nalia avait échappé à l'enfer, il découvrait maintenant ce qu'était le paradis.
Vous ignorez à quoi cela peut ressembler ? D'accord, je veux bien vous aider mais faites un petit effort d'imagination, et les images apparaîtront toutes seules devant vos yeux.
Prenez un jardin, immense, où s'épanouissent des roses par milliers, embaumant l'air de leur délicat parfum. Il y a aussi des bassins décorés de gracieuses statues et des fontaines qui déversent une eau fraîche et limpide.
Ca y est ! Vous y êtes ? Alors je continue
Sous les frondaisons des saules pleureurs se cachaient des balancelles aux coussins tendus de soie et, dans le sous-bois, on pouvait admirer des paons qui faisaient la roue et des biches qui promenaient leurs faons.
Quelques notes de musique s'échappèrent dans l'air, délicates, légères. Une brise malicieuse les captura et les changea en une douce mélodie qui charma tant et si bien Nalia qu'il se laissa envoûter et se mit à la suivre, le regard trouble, le nez au vent.
C'est ainsi qu'il la vit pour la première fois.
Imaginez un sofa de satin ivoire sur lequel serait allongée la plus délicieuse créature qu'un peintre puisse dessiner ! Elle a un teint de pêche, des yeux d'émeraude, un nez fin, des lèvres semblables aux cerises sous la rosée du matin.
Nalia tomba à ses genoux et il resta ainsi, un long moment, à la contempler en silence.
Enfin, la jeune fille parut s'apercevoir de sa présence.
– Quel est ton nom, bel étranger ? lui demanda-t-elle, et sa voix était le chant d'un rossignol.
– Nalia. Je veux… je cherche… je…
– Si tu le désires, tu resteras à mes côtés pour l'éternité. Acceptes-tu, bel étranger ? lui murmura-t-elle, et son regard d'émeraude plongea dans celui de Nalia qui sentit une douce torpeur l'envahir.
– Oui, pour l'éternité, répéta-t-il et il ne reconnut pas sa propre voix.
– Prends et glisse-le à ton doigt, dit la belle en tendant à Nalia un anneau d'or.

A l'instant où Nalia allait s'en saisir, le perroquet laissa tomber un caillou sur la tête du géant.
– Aïe !! s'écria Nalia en se frottant le crâne. Que t'arrive-t-il, Kako, serais-tu devenu fou ?
– C'est à toi qu'il faut poser cette question, répondit Kako. Regarde le vrai visage de ta belle maintenant que le charme est rompu.
Kako avait raison.
La pierre avait rendu tous ses esprits au géant et Nalia ouvrit des yeux effarés en découvrant que la belle, sur le sofa, avait disparu. A sa place se trouvait un petit asticot jaune et bleu qui gigotait, un anneau d'or passé autour du corps.
– Euh… salut ! dit l'asticot qui semblait mal à l'aise. Belle journée ! Pas vrai ?
– Craaaaa ! fit le perroquet. Je crois que j'ai faim et j'aperçois un ver qui remplirait bien mon estomac.
– Non, pitié ! implora l'asticot. Prenez l'anneau mais laissez-moi la vie !
Nalia s'empara de l'anneau d'or et la porte apparut à nouveau, mais le géant hésita :
– Qu'attends-tu pour ressortir du grimoire ? s'étonna la porte en chêne. Je ne peux rester ouverte entre deux mondes indéfiniment, il faut te décider.
Le visage de Nalia reflétait une grande déception :
– Comment ai-je pu confondre une jeune fille avec un vermisseau ? demanda-t-il au perroquet. Quel dommage ! Elle paraissait si réelle et si belle à la fois.
– Ce lieu est victime d'un terrible sortilège, expliqua Kako. Si j'ai pu y échapper c'est parce que je suis un perroquet. Heureusement pour toi.
Nalia découvrit que le mot inscrit sur l'anneau était "Amour". La simple idée qu'il aurait pu tomber amoureux fou d'un asticot, même jaune et bleu, le glaça d'effroi.
– Je n'oublierai pas ce que tu as fait pour moi, Kako, dit Nalia avec reconnaissance. Et je promets de veiller sur toi aussi longtemps que tu vivras.
– Oooh ! méfie-toi, Nalia. L'un de mes amis a fini centenaire.
Et ils franchirent, pour la dernière fois, la porte de chêne qui se montra très émue à l'idée de ne plus revoir le géant.
- Fais bon usage de ces anneaux, Nalia, et que la vie te soit longue et heureuse. Adieu, géant ! Adieu, perroquet !
Et soudain les bords du grimoire commencèrent à s'effacer petit à petit jusqu'à ce qu'il ait totalement disparu.

- - -

– Bon débarras ! s'écria Kako. Allons donc retrouver cette vilaine sorcière et quittons vite ce pays.
Ils reprirent le chemin poussiéreux et caillouteux qui devait les ramener chez Malfrosa mais ils n'avaient pas fait dix pas qu'un chant mélodieux caressa leurs oreilles.
Oubliant ce qui lui était déjà arrivé, Nalia se laissa guider par la voix. Bientôt, il disparut derrière un bouquet d'arbres.
– Allons bon, soupira le perroquet. Je croyais pourtant que s'en était fini avec tous ces maléfices. Il vaut mieux que je le suive pour lui éviter d'autres bêtises.
En trois coups d'aile, Kako rattrapa son ami et il s'attacha à lui jusqu'à ce qu'ils parviennent devant une jeune fille prisonnière d'un cercle magique.
Nalia fut ébloui ; elle était belle ! Belle comme un rêve.

– Hélas, c'est sans doute un autre charme, s'exclama Nalia en se frottant les yeux pour se réveiller. L'asticot est donc sorti du grimoire ?
– Non, répondit Kako. Cette jeune fille est bien réelle. Mais qui est-elle ?
Surprise de découvrir, devant elle, le géant et le perroquet, la prisonnière répondit :
– Je suis Illyss, la fille du magicien. Malfrosa a jeté sur moi un terrible sortilège et personne ne pourra me libérer.
– Mon nom est Nalia, dit le géant. J'ai affronté le grimoire pour pouvoir te sauver. Regarde ! Voici les trois anneaux, bientôt tu seras libre.
– Tu te trompes, Nalia, répondit Illyss. Dès que Malfrosa tiendra entre ses mains l'anneau de vermeil, celui qui donne le Pouvoir, plus rien ne pourra l'empêcher de réduire le monde en esclavage.
Le visage de Nalia s'assombrit.
Il ne fallait pas laisser la sorcière parvenir à ses fins mais comment déjouer son affreux projet ? Soudain, une idée jaillit dans l'esprit du géant.
– Il faut me faire confiance, Illyss. Je reviendrai te chercher.
Nalia repartit avec Kako à qui il expliqua son plan en chemin, et ils se rendirent chez la sorcière.
Quand Malfrosa vit que le géant était de retour, elle ouvrit des yeux médusés. Persuadée qu'il périrait comme tous les autres avant lui, elle l'avait très vite rangé dans une oubliette de sa mémoire.
– Tu as vaincu le grimoire ! s'écria-t-elle. J'avoue que je ne te croyais pas capable de réussir les épreuves.
Elle lui fit son plus beau sourire et Kako se cacha vivement derrière un arbre. Brrr ! Elle était laide à faire peur.
– Tu possèdes les trois anneaux, mon jeune ami ?
– Oui, je les ai tous, répondit Nalia en ouvrant la main pour les lui montrer.
Le géant dut faire un effort pour ne pas éclater de rire en voyant le regard de la sorcière briller de convoitise.
– Oh ! Quelle merveille, s'extasia Malfrosa.
– Voici l'anneau de la Sagesse, dit Nalia. Celui de l'Amour et le dernier est celui du Pouvoir.
Tout en disant ces mots, il tendit à Malfrosa l'anneau d'argent. D'un geste plus vif que l'éclair, la sorcière s'empara de l'anneau et le glissa à son doigt.
– Je détiens le Pouvoir !!! hurla-t-elle si fort que les araignées en tombèrent de leur toile.
– Je suis la reine des Sorcières ! cria-t-elle et les chauve-souris se bouchèrent les oreilles.
– Je suis très-très sage, murmura-t-elle.
Et les scorpions, et les scolopendres s'approchèrent car ils ne pouvaient en croire leurs oreilles : Malfrosa chantonnait une berceuse pour enfants.
– Craaaa ! fit Kako en venant se poser sur la tête de la sorcière. Ton stratagème a fonctionné. La voilà plus docile qu'un mouton.
– Comment libérer Illyss ? demanda Nalia à Malfrosa.
– Avec une pincée de cette poudre, dit-elle en tendant au géant un petit pot de verre. Je regrette d'avoir enfermé une si gentille personne, j'ai honte de m'être montrée si méchante et je promets de ne plus jamais recommencer.
Et une grosse larme coula sur la joue de la sorcière.

Tandis que Malfrosa attrapait son balai et son chiffon à poussière, et se lançait dans un grand nettoyage de printemps, Nalia partit délivrer Illyss et la ramena à son père.
Lupin remercia cent fois Nalia de lui avoir rendu sa fille et il lui demanda comment il pouvait lui prouver sa reconnaissance.
– Mes parents sont malheureux car je suis un géant, répondit celui-ci. Ne puis-je être simplement un homme comme les autres ?
Lupin mit la bague du Pouvoir à son annulaire puis il prononça une formule magique. Aussitôt Nalia sentit sa taille diminuer et bientôt il ne fut pas plus grand qu'Illyss qui posa sur lui un regard plein de tendresse.
Alors Nalia laissa l'anneau d'or sur la table car il n'en avait pas besoin pour se faire aimer de la fille du magicien et ils repartirent tous ensemble vers le Pays bleu où Nalia et Illyss décidèrent de se marier.
Ce fut la plus belle fête qu'on ait jamais vue au village où toutes les maisons avaient été décorées de rubans bleus. Les cloches sonnaient à toute volée et les habitants entouraient les mariés pour les féliciter lorsque Kako le perroquet apparut dans le ciel, tout essoufflé.
Il vint se poser sur l'épaule de Nalia et implora sa protection.
– Que t'arrive-t-il, mon ami ? lui demanda Nalia. Toi qui m'as aidé à vaincre les maléfices du grimoire devant quoi pourrais-tu trembler de peur désormais ?
– Je dois avouer que j'ai volé l'anneau d'or, dit le perroquet un peu embarrassé, et que je m'en suis servi pour plaire aux perruches. Je crois que je n'aurai pas dû.
A cet instant, une nuée de perruches de toutes les couleurs apparut dans le ciel. Heureusement, elles ne purent apercevoir Kako que Nalia avait caché sous sa chemise et elles poursuivirent leur chemin sans s'arrêter. Le perroquet jeta au fond d'un puit l'anneau d'or ensorcelé, et il vécut longtemps et très heureux aux côtés d'Illyss et de Nalia.

* * * * *

Vous voulez savoir ce qu'est devenu Malfrosa ?
La clairière où elle vit est devenue un modèle de propreté que l'on cite en exemple dans tout le pays. Quant à la sorcière, elle vient de fonder un club de broderie et même ses amies les araignées décorent leurs toiles au point de croix. Comment ! Vous ne me croyez pas ?

F I N


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