Pierriiiic ! Monstre de gosse, quand je t'aurai attrapé, tu regretteras d'être né. Pierriiic !
Réveillé en sursaut par les cris stridents, le grand-père se redressa et s'assit sur le bord du canapé. L'esprit un peu embrumé - sa sieste venait de s'interrompre de façon brutale - il tenta de recouvrer ses esprits. Apparemment il s'agissait de son petit-fils, Pierric. Qu'est-ce que ce gamin avait encore bien pu faire comme bêtise ? Le vieil homme se dit que la liste était déjà si longue...
A cet instant, une furie pénétra en trombe dans le petit salon et se campa devant lui, les poings sur les hanches, les joues cramoisies de colère.
– Papa ! Je cherche mon fils. Sais-tu où se cache ce voyou ?
Médusé, le grand-père dévisagea sa fille ; il ne l'avait encore jamais vue ainsi.
– Catherine ? Qu'est-ce qu'il a fait ?
– Je venais de partir pour le supermarché quand je me suis aperçue que j'avais oublié la liste des provisions. J'ai aussitôt fait demi-tour et dès que je suis entrée dans la cuisine, j'ai entendu la machine qui tournait. Oh ! papa, c'était affreux à voir. (Elle étouffe un sanglot) Ce monstre l'aurait tué, tu entends ? Dix minutes de plus et je le retrouvais mort.
– Mort ! répéta le grand-père. Si tu m'expliquais, Catherine, j'ignore de quoi tu parles ?
– Du chat ! s'emporta-t-elle submergée à nouveau par la colère. Il l'avait enfermé dans la machine à laver et il l'avait mise en marche. Quand j'ai ouvert le tambour, la pauvre bête était tellement affolée qu'elle s'est sauvée je ne sais où. Elle ne reviendra pas de sitôt. Je n'ai pas eu de mal à deviner qui était derrière cette horreur : Pierric, toujours lui !
Le grand-père secoua la tête d'un air navré. Huit jours plus tôt, le gamin avait enfourné le cochon d'Inde dans le micro-ondes ; l'animal n'avait pas survécu. Le mois précédent, les plantes vertes et les fleurs du jardin avaient été arrosées à l'eau de Javel. Inutile de chercher le coupable, un seul nom venait spontanément à l'esprit.
– Il a de qui tenir, tu ne crois pas, ma fille ? Je t'avais pourtant prévenue quand tu as épousé ton semeur d'embrouilles. Ça ne pouvait donner que de la mauvaise graine.
– Papa, tu as toujours détesté mon mari, lui répondit sa fille. Je n'ai pas oublié que tu as tout fait pour empêcher mon mariage.
– Et j'avais raison, grommela le vieil homme. Je regrette seulement que tu ne m'aies pas écouté. Tu méritais mieux que ce bon à rien. Quand il était vivant, si j'avais dit un mot de travers à ce sauvage, il m'aurait cassé le peu de dents qui me reste.
– Comment oses-tu dire du mal d'un mort ? protesta-t-elle sans beaucoup de conviction. Il n'est plus là pour se défendre.
– Eh bien, bon débarras et qu'il reste là où il se trouve : dans les flammes de l'enfer !
Accablée, Catherine laissa retomber ses bras le long de son corps. Son mari alcoolique s'était tué en percutant un arbre avec sa voiture, en pleine ligne droite. Elle était restée seule avec un fils insupportable et une petite fille, encore un bébé. C'est alors que son père était venu vivre avec eux. Il l'aidait autant qu'il le pouvait mais il se mettait parfois à radoter des histoires bizarres. Sans doute l'âge.
Le grand-père haussa les épaules. Il n'avait pas envie de se fâcher avec sa fille, elle avait suffisamment de soucis avec Pierric.
– Va donc faire tes courses, au lieu de rester plantée là. Si tu crois que ton vilain fils va sortir de sa cachette en entendant tes cris, tu te trompes. C'est un malin. De toute façon, il ressortira pour le souper. Ce n'est pas le genre à se laisser mourir de faim, ton môme.
Catherine poussa un soupir et suivit le conseil de son père ; celui-ci entendit bientôt la voiture qui s'éloignait.
Sa fille n'était pas d'une nature rancunière. Dans deux heures - le temps de faire l'aller et retour jusqu'au supermarché, et de remplir le coffre de provisions - sa colère serait retombée. Pierric le savait aussi.

La voiture tournait à peine le coin de la rue qu'une tête apparut dans l'entrebâillement de la porte d'entrée ; un visage ingrat avec des yeux sournois, une bouche de menteur, un menton fuyant : la tête d'un futur délinquant. Le grand-père le répétait, sans cesse, à sa fille.
– Ah, te voilà ! Pourquoi as-tu essayé de tuer le chat ? demanda le vieil homme à son petit-fils. Il ne t'avait rien fait.
– Il était sale, ce tas de poils. Il puait si fort que je me suis dit qu'un bon bain lui enlèverait son odeur, répliqua le morveux en fronçant le nez avec dégoût à cette simple évocation.
– Il puait ? Et que sentait-il de si mauvais ?
Pierric haussa les épaules. Ce vieux était fatigant avec sa manie de poser des questions.
– Il puait le chat, lança sottement le gamin avant de se diriger vers la cuisine.
Le vieil homme le suivit. Sa présence empêcherait le vaurien de mijoter un autre mauvais coup dans les dix prochaines minutes ; ce serait toujours ça de gagné !
Ignorant manifestement son grand-père, Pierric se coupa deux larges tartines de pain sur lesquelles il se mit à étaler une épaisse couche de beurre, puis il prit dans un tiroir une plaque de chocolat qu'il enfourna dans sa poche.
– Pierric, tu ne peux pas faire un effort ? Tu sais que ta mère a déjà tellement à faire avec son travail, la maison, toi, et ta petite sœur.
La réponse, cinglante, ne se fit pas attendre :
– Elle n'avait qu'à pas pondre cette pisseuse. C'est le bébé que j'aurais dû balancer dans la machine à laver, pas le chat. La nuit, elle m'empêche de dormir avec ses braillements !
Le grand-père pâlit.
– Il ne faut pas dire cela, Pierric, protesta-t-il. Tu sais ce qui arrive aux enfants méchants, je te l'ai dit et répété cent fois. Tu iras...
– Sur la Lune ! termina le morveux en imitant la voix éraillée du vieil homme. Tu n'arrêtes pas de me le répéter. Et toi, tu sais où tu vas te retrouver un beau jour ? A l'hospice, avec les autres vieux gâteux qui radotent des âneries à longueur de journées. Maman aurait dû t'y laisser depuis longtemps, elle ne serait plus obligée de te nourrir !
Le vieil homme sentit les larmes lui monter aux yeux. Pourtant il tenta encore une fois de raisonner la petite brute.
– Un jour viendra où ta mère n'en pourra plus de supporter ta méchanceté. Elle criera qu'elle ne veut plus de toi, et ceux qui sont là-haut l'entendront. Alors, une nuit, pendant que nous serons endormis, Catherine, Alicia et moi, ILS viendront te chercher et ILS t'emporteront avec eux.
– Arrête, grand-père ! s'écria Pierric en faisant mine de se boucher les oreille avec les deux mains.
– J'avais le même âge que toi quand l'un de mes camarades de classe, qui habitait au bout de ma rue, a fait une très grosse bêtise et...
– La barbe, grand-père ! coupa Pierric avec insolence. Tu me l'as rabâchée des dizaines de fois ton histoire idiote. Et il y a aussi ce bon père fouettard qui apporte des martinets aux "vilains petits enfants". Vous devriez avoir honte, vous les vieux, de nous terroriser avec vos trucs bidon.
Devant l'air interloqué de son grand-père, le sale gosse éclata de rire. Il ramassa son goûter et se glissa vivement hors de la maison. Avant de claquer la porte, il lança une dernière méchanceté :
– Il paraît que les vieux ont le cerveau tellement ramolli qu'un jour ils oublient de se réveiller. Ne te fais pas de soucis, grand-père, il y a une place pour toi dans le caveau, à côté de mon père adoré. Bonne sieste, grand-père !
La petite peste s'esquiva dans le jardin et le silence retomba sur la maison.

Encore tout tremblant d'émotion, le grand-père sortit de la cuisine pour se rendre dans la chambre de sa fille où la vue du berceau, recouvert de dentelle, le réconforta. Il s'approcha doucement et se pencha sur la petite Alicia ; elle dormait du sommeil d'un ange.
Quel bonheur ! pensa le grand-père en contemplant béatement sa petite-fille de trois mois. Cette enfant est un rayon de soleil dans ma vie. Pourvu qu'elle ne ressemble pas à son frère en grandissant !
Le vieil homme sentit la lassitude l'envahir. Ces dernières semaines, il n'avait cessé de mettre le gamin en garde. En vain.
Le grand-père n'était encore qu'un gamin d'une douzaine d'années lorsque le drame était survenu. Deux enfants de son école, à peine plus âgés que lui, s'étaient sauvagement battus. L'un des deux, aveuglé par la colère, avait grièvement blessé son camarade. Le vieil homme se souvenait encore du désespoir des parents de l'agresseur qui maudissaient leur propre enfant. Leurs paroles étaient restées gravées dans sa mémoire :
– Nous n'aurions jamais dû te mettre au monde ! Si ton camarade meurt, tu finiras tes jours en prison. Tu n'es plus notre fils, disparais ! Nous ne voulons plus te voir !
Ils ne l'avaient plus revu, jamais, et personne n'avait su ce qu'il était advenu de lui.
C'est un étranger de passage dans la ville, qui avait expliqué aux enfants que lorsque les parents ne voulaient plus d'un enfant trop méchant, ceux de la Lune venaient le récupérer.
– Savez-vous mes petits pourquoi, quand la Lune brille toute blanche dans la nuit, on peut voir à sa surface des traînées grisâtres ? avait demandé l'étranger sur un ton mystérieux.
– Non ! avaient répondu en chœur les enfants intrigués.
– Ce sont les ombres des enfants méchants abandonnés sur la Lune. Ils s'ennuient alors, pour passer le temps, ils se tiennent par la main et font une ronde. Si vous êtes trop turbulents, le même malheur vous arrivera. ILS s'empareront de vous et vous emporteront loin de vos parents, loin de vos amis. ILS vous effaceront de leur mémoire, à tout jamais.
Le vieil homme se rappelait la réaction des enfants après cet étrange récit.
Certains s'étaient moqués de l'étranger en lui disant que ce n'était qu'un pauvre conte à faire peur inventé par les parents, mais d'autres avaient paru mal à l'aise, troublés. Quant à lui, il avait éprouvé une frayeur qui faisait transpirer les mains et nouait le ventre. Peut-être à cause du regard glacial de l'étranger.
Le grand-père tendit l'oreille : quelqu'un chantonnait dans le jardin. Le vieil homme délaissa le berceau pour s'approcher de la fenêtre et l'entrouvrir.
"Au clair de la Lune, mon ami Pierrot", chantait une voix de crécelle au milieu des buissons, l'une des cachettes préférées de Pierric.
Sale gosse, pensa le grand-père. Mais rira bien, qui rira le dernier, un jour ou l'autre, tu le regretteras.

* * *

A l'heure du souper ils se retrouvèrent assis, tous les trois, autour de la table. Comme le grand-père l'avait prédit, Catherine avait déjà oublié l'épisode malheureux du chat ; ce qui ne l'empêchait pas de lancer, de temps à autre, un regard courroucé à son terrible rejeton. Conscient qu'il valait mieux éviter de déclencher les foudres de sa mère, Pierric observa donc un silence prudent. Il engloutit le contenu de son assiette, but son verre de limonade jusqu'à la dernière goutte, puis monta dans sa chambre où l'attendaient ses jeux vidéo. Mais il avait autre chose en tête.
Demain, la mégère sera calmée sinon, je trouverai quelque chose pour détourner son attention, histoire qu'elle m'oublie un peu. Par exemple, je pourrais lui faire croire que le vieux fait pipi au lit ? Un verre d'eau dans les draps et le tour sera joué. Quant au chat...
Décidément, cette sale bête avait eu beaucoup de chance. Pierric regarda sa main couverte de longues traces de griffures. Avant d'être jeté dans la machine à laver, le malheureux animal avait tenté de lui échapper.
Cette sale bête ne perd rien pour attendre. Je pourrais l'attraper, lui lier les pattes et le glisser sous les roues de la voiture. Et quand ma mère enclenchera la marche arrière... Adieu, le chat !
Cela pouvait fonctionner, sauf que le chat était maintenant sur ses gardes ; le ligoter ne serait pas chose aisée.
Donc pas de machine à laver, ni de micro-ondes, j'ai déjà essayé, quoi d'autre encore...
Pierric se mit à dresser une liste sur un bout de papier ; il lui faudrait se montrer astucieux pour éliminer la sale bête.
Bientôt les autres membres de la maisonnée allèrent se coucher et, une à une, les lumières s'éteignirent. Pendant ce temps, allongé sur son lit, tout habillé, Pierric ruminait toujours sa vengeance.
Si je pouvais endormir sa méfiance, il ne sortirait pas ses griffes. Voyons, je sais qu'il adore les croquettes et aussi le lait... J'AI TROUVÉ !
Pierric se retint de pousser un cri de victoire. Comment n'y avait-il pas songé plus tôt ? Ce serait un jeu d'enfant.
Le garçon tendit l'oreille : il n'y avait plus le moindre bruit. Il décida de mettre son plan à exécution sans perdre une minute.

Pierric enfila ses chaussons et se glissa, à pas feutrés, hors de sa chambre ; les ronflements sonores du grand-père lui parvinrent à travers la mince cloison de la chambre voisine. Tant mieux ! Il avait donc le champ libre.
Il se rendit à la cuisine et s'empara d'un grand couteau à viande rangé dans un tiroir. Ce maudit chat ! Il allait lui couper la queue. Cette sale bête aurait l'air ridicule après cette petite opération. D'abord, il fallait l'attirer au fond du jardin pour éviter que ses cris n'alertent Catherine : le lait servirait d'appât.
Pierric ouvrit le réfrigérateur et sortit la bouteille entamée pour remplir une soucoupe quand il réalisa qu'il risquait d'en renverser le contenu. C'est alors qu'il aperçut le biberon en train de sécher dans l'égouttoir. Parfait ! Maintenant le piège était fin prêt, il ne manquait plus que la victime.
Le garnement ressortit de la cuisine, le biberon dans une main, le couteau dans l'autre. Où était donc passé ce chat ? D'habitude, il adorait le canapé ou bien le panier en osier rempli de linge sale... Pourtant, il ne se trouvait ni dans le salon, ni dans la buanderie.
Pierric réfléchit rapidement...
La chambre de sa mère ! Depuis qu'Alicia avait manqué s'étouffer avec un renvoi de lait, Catherine prenait la petite avec elle dans son lit, la nuit. Ce qui faisait les délices du chat qui se roulait en boule sous la couverture de laine au fond du berceau.
Pierric entrouvrit la porte avec précaution afin d'éviter qu'elle ne grince. La lumière de la pleine Lune se faufilait entre les lamelles du store et dessinait des ombres sur les murs.
Le garçon attendit que ses yeux s'habituent à cette semi-pénombre puis il s'approcha du berceau sur la pointe des pieds. Une petite forme gigota sous la couverture rose.
Viens sale bête, pensa le garçon en tendant le biberon. Que je t'attrape...

Brusquement, la lumière jaillit du plafonnier et éclaira la chambre. A côté de l'interrupteur se tenait le grand-père, pieds nus dans son pyjama rayé.
Réveillée brutalement, Catherine s'assit dans son lit et écarquilla les yeux. Son fils se tenait devant le berceau, un couteau à la main. D'un bond, elle fut debout.
– J'avais soif, se mit à raconter le grand-père d'une voix émue. J'ai eu envie d'aller boire un peu d'eau dans la cuisine, et j'ai aperçu Pierric qui se dirigeait vers ta chambre. Je t'avais pourtant avertie quand tu as épousé son bon à rien de père mais tu n'as rien voulu entendre. Pauvre Alicia ! Après le cochon d'Inde et le chat, c'était le tour de cette pisseuse comme il l'appelle.
Pierric ouvrit et referma plusieurs la bouche, comme un poisson hors de l'eau.
– Non... euh, balbutia-t-il enfin. Le chat... C'était pour lui... le couteau.
– Et le biberon, ironisa le grand-père, c'était aussi pour le chat ?
– Oui, bien sûr, affirma le garçon, qui avait du mal à soutenir le regard horrifié de sa mère.
Dérangée dans son sommeil, la forme s'agita dans le berceau et se mit à pleurer. Les yeux de Pierric s'abaissèrent : Alicia ! Ce n'était pas le chat.
– Maman... , implora-t-il sans parvenir à trouver les mots pour se justifier.
Livide, sa mère regardait tour à tour le biberon et le couteau qu'il tenait encore dans ses mains ; le grand-père les lui ôta et le poussa fermement vers la porte.
– Retourne te coucher, Pierric. Nous reparlerons de tout cela demain, dit tristement le vieil homme.
– Non ! protesta farouchement Catherine. On va en parler maintenant !
– Catherine, attends ! protesta le grand-père. Je crois que tu devrais prendre le temps de réfléchir.
Mais Catherine refusa de l'écouter. Posant sur son fils un regard dur, elle l'avertit :
– Demain, je ferai ta valise et je t'emmènerai dans une pension, d'où tu ne ressortiras qu'à ta majorité, tu m'entends ? Tu ne remettras plus jamais les pieds ici, je ne veux plus de toi dans cette maison. Va-t-en !
Pierric n'avait jamais vu sa mère dans une telle colère. La tête basse, il regagna sa chambre et se recoucha.
En pension ! Pfff ! C'est bien une idée de bonne femme. Et le vieux ! Ce faux jeton qui dénonçait son petit-fils, il saurait lui faire payer chèrement sa trahison.
Pierric les entendit discuter encore quelques minutes, puis les portes des chambres se refermèrent. Le silence revint. Il finit par s'endormir.

Les aiguilles lumineuses du réveil affichaient deux heures quand Pierric fut réveillé par une sensation de fraîcheur. Il chercha à tâtons sa couverture mais elle avait dû glisser durant son sommeil et ses doigts ne la trouvèrent pas.
L'esprit encore endormi, le garçon ouvrit les yeux et découvrit, éberlué, le magnifique spectacle de la voûte étoilée. Tournant la tête de côté, il réalisa qu'il flottait dans le vide et reconnut, en dessous de lui, sa maison qui s'éloignait. Ou plutôt non, c'était lui qui montait de plus en plus vite vers les étoiles.
Pierric frissonna, il avait froid.
Quel rêve idiot, pensa l'enfant. A force d'entendre radoter le vieux, il a fini par me bourrer le crâne avec ses histoires de gâteux.
L'enfant sentit le mouvement s'accélérer et des mains glacées lui serrèrent les bras, les jambes, de crainte qu'il ne s'échappe. Alors, Pierric la vit apparaître devant ses yeux ; énorme, blanchâtre, lumineuse : la Lune. Ce rêve avait l'air tellement vrai.
Non, je vais me réveiller bien au chaud dans mon lit, tenta de se persuader l'enfant, mais le doute s'insinuait en lui, peu à peu.
Il se pinça la cuisse si fort que les larmes lui montèrent aux yeux. "Aie !" Il ne dormait pas.
Subitement, son courage l'abandonna, Pierric se mit à crier, à hurler, appelant sa mère à son secours tandis que les paroles du grand-père lui revenaient en mémoire : ILS viendront te chercher durant notre sommeil. Nous ne pourrons plus rien pour toi, il sera trop tard pour les regrets.
La Lune était si proche désormais que les traces grisâtres apparaissaient de plus en plus nettes. Cela ressemblait à des points ou plutôt non, à des enfants, des dizaines, des centaines d'enfants qui se tenaient par la main et sautillaient, caracolaient dans une sarabande infernale.
Ils arrêtèrent leur jeu en voyant Pierric se rapprocher d'eux. Un sourire mauvais sur leurs lèvres, ils tendirent les bras vers lui et se mirent à scander :
– Pierric ! Pierric ! Pierric !

* * *

Une nouvelle journée venait de commencer, absolument radieuse avec un soleil éclatant et un ciel azûré ; un temps idéal pour une belle promenade.
Catherine fit un signe affectueux de la main à son père avant de s'éloigner de la maison en poussant devant elle le landau d'Alicia ; la petite dormait sagement sous sa couverture rose.
Le grand-père aurait aimé les accompagner mais, à son âge, ses vieilles jambes ne lui obéissaient plus comme avant. Il les suivit des yeux aussi longtemps qu'il le put puis il regagna le petit salon et s'allongea sur le canapé.
Rien de tel qu'une bonne sieste pour retrouver ses forces !
Et comme le sommeil tardait à venir, le vieil homme se mit à fredonner une comptine : "Au clair de la lune, mon ami Pierric..."


FIN


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version revue et corrigée par l'auteur (juin 2017)