– Maman, je ne veux pas dormir ! J'ai peur ! Le monstre va encore me poursuivre !
La maman de Lola rouvrit la porte de la chambre qu'elle venait à peine de fermer et ralluma la lumière. Elle découvrit sa fille Lola, assise sur son lit, les bras croisés, la mine boudeuse. Elle était pourtant adorable dans son pyjama rose à pois rouges. Autour de la fillette, il y avait deux poupées, un nounours, une grenouille coiffée d'un chapeau de paille, une biche en cuir blanc, un polichinelle et trois autres jouets en peluche.
– Je ne veux pas dormir ! répéta la fillette.
Depuis près d'une semaine, Lola faisait des cauchemars à répétition et, malgré tous les efforts de sa maman pour la rassurer, la fillette dormait mal et se réveillait, la nuit, en poussant des cris.
– Je veux pas dormir, dit encore une fois Lola qui se mit à pleurer. Le monstre bleu avec de longues dents et des talons aiguille veut me manger. Il est le premier à venir me voir dès que je m'endors. Et il n'est pas beau du tout.
La maman de Lola essaya d'imaginer un monstre bleu avec de grandes dents qui dépassaient de sa bouche et ce ne fut pas facile. Mais, quand elle se représenta le monstre avec des talons aiguille, elle éclata de rire. Ce qui déchaîna la colère de sa fille.
– Maman, un monstre veut me dévorer et tu trouves ça amusant ? Et il y a aussi des fantômes, et puis des quilles, si grandes, si ENORMES, qui veulent me renverser.
La maman de Lola comprit que la nuit risquait d'être très longue et elle cessa de rire. C'est alors qu'un souvenir, oublié depuis très longtemps, lui revint à la mémoire. Il s'agissait d'un objet qui lui avait tenu compagnie quand elle était enfant et qui devait être rangé quelque part dans la maison.
– Mais où peut-il bien être ? se demanda-t-elle.
Lola ouvrit grands les yeux en voyant que sa mère n'écoutait plus ses lamentations.
– Maman ! gronda-t-elle. Si tu préfères que j'aille dormir chez Mamie, dis-le moi, et je ferai ma valise tout de suite avec tous mes joujoux et je ne reviendrai dans cette maison que quand je serai devenue grande et très vieille.
La maman se pencha sur sa fille et déposa un gros baiser affectueux sur son front.
– Non, surtout ne pars pas, ma fille adorée. Je crois que j'ai la solution à ce vilain problème. Je reviens dans un instant !
Laissant là sa fille, la maman quitta la chambre pour traverser le couloir jusqu'à un placard. Quand elle l'ouvrit, il était plein à ras-bord de vieux livres et de sacs défraîchis. La maman ne trouva pas ce qu'elle cherchait.
Elle ouvrit un autre placard rempli de chaussures et de vêtements usagés. Et la maman ne trouva pas ce qu'elle cherchait.
Enfin, tout au fond d'un troisième placard, elle aperçut une boule de papier d'emballage et, se haussant sur la pointe des pieds, elle tendit la main pour l'attraper. Elle déplia avec soin le papier et, au fur et à mesure, un petit personnage lui apparut. D'abord la tête couverte de plumes bleutées, et puis de grands yeux jaunes et, enfin le corps, tout en rondeur, sans bras ni jambes.
La maman fut ravie de revoir celui qu'elle surnommait affectueusement son Poupilou et qui avait souvent dormi dans ses bras lorsqu'elle était enfant. Bien sûr il avait un peu vieilli, il lui manquait deux ou trois plumes, la couleur de son ventre rond s'était un peu ternie, mais ses yeux semblaient toujours aussi tendres quand on les regardait.
Pendant ce temps, Lola était restée assise sur son lit, au milieu de ses jouets. En tendant l'oreille, elle pouvait entendre sa maman s'agiter dans le couloir tout en ouvrant des portes et des portes. Si la petite fille n'avait pas été si fatiguée, elle serait aller voir ce que signifiait tant d'agitation mais, à une heure aussi tardive, elle n'avait plus qu'une envie : se glisser entre les draps, poser sa tête blonde sur l'oreiller et fermer les yeux pour s'envoler vers le pays des rêves.
Tout à coup sa maman fut de retour dans la chambre. Elle mit un adorable petit personnage entre les bras de Lola et lui expliqua :
– Je te présente Poupilou. Ce n'est pas un jouet comme les autres parce qu'il est le gardien de la nuit. Il éloignera de toi tous les cauchemars et t'apportera les plus beaux rêves. Il t'appartient, désormais.

Lola regarda Poupilou et elle adora ses beaux yeux. Elle caressa ses plumes de couleur et elle le trouva doux, si doux. Elle se sentit toute réconfortée.
– Je ne veux dormir qu'avec lui, dit la fillette.
Et, aussitôt elle repoussa ses poupées et ses peluches, les faisant tomber du lit. Puis elle s'allongea en serrant Poupilou entre ses bras.
– Tu peux t'en aller, maman chérie. Bonne nuit !
La maman de Lola en fut stupéfaite.
– Comment ça « Bonne nuit »? Mais je croyais que je devais rester,auprès de toi encore un moment ?
– Ah non, alors, protesta Lola. Il est l'heure de dormir pour Poupilou et moi.
La maman comprit qu'elle n'avait pas le choix ; elle fit un bisous à sa fille, éteignit la lumière et quitta la chambre.
Lola ferma les yeux, sa tête posée contre celle de Poupilou et elle s'endormit rapidement.
Et son cauchemar commença.

Quand Lola rouvrit les yeux, elle se trouvait debout dans un très long couloir dont elle ne voyait pas la fin. Elle chercha autour d'elle mais son lit et ses jouets n'étaient plus là, sa chambre non plus.
– Poupilou, où es-tu ? appela la petite fille mais personne ne lui répondit.
Soudain, il y eut un grand bruit sourd. Lola se retourna et vit le monstre bleu apparaître au fond d'un long couloir. Il criait : Gros monstre veut manger petite fille !
Lola le vit s'avancer vers elle mais, heureusement, comme il portait ses talons aiguille, il devait faire de tout petits pas pour ne pas se tordre une cheville.
Lola chercha Poupilou du regard mais elle ne le vit nulle part.
– Je dois le retrouver, il ne doit pas être loin. Peut-être s'est-il caché dans l'un de ces placards ?
Lola ouvrit le premier placard, mais il était vide. Elle courut jusqu'au deuxième et vit qu'il était rempli de canards en plastique portant une écharpe rouge.
Gros monstre veut manger petite fille ! s'écria à nouveau le monstre bleu, et Lola eut peur en le voyant se rapprocher si vite.
Elle regarda dans un troisième placard mais il était vide, le quatrième aussi. Enfin, le dernier placard était rempli de bonbons de toutes sortes et cela sentait bon l'anis, la violette et la réglisse.
– Quelle merveille ! s'écria la petite fille et elle empoigna des sucettes et des caramels pour en bourrer les poches de son pyjama rose à pois rouges.
Mais le monstre bleu l'avait rattrapée et il étendait ses bras pour l'attraper quand une petite voix se fit entendre :
– Coucou vilain monstre !
C'est alors que Poupilou surgit du placard et se jeta sur le monstre bleu pour lui enfoncer un gros chamallow entre les crocs. Ouf, Lola était sauvée ! Le monstre ne pourrait plus la croquer.

La petite fille en profita pour avaler quelques savoureux bonbons, puis elle sortit du couloir et, sans savoir comment c'était arrivé, elle se retrouva en train de se promener dans une forêt.
Quel bel endroit pour faire un rêve ! songea la petite fille. Les arbres sont grands et forts, les champignons sont verts avec des rayures bleues et les fleurs ont des couleurs extraordinaires. Je vais composer un bouquet pour offrir à ma maman.
Lola se pencha pour cueillir des fleurs, jaune, violette, rose, rouge, blanche. Bientôt, ses bras débordèrent et la petite fille se réjouissait d'avance de faire un si joli cadeau à sa maman.
– Fan fan, fit soudain une voix espiègle.
– To to, dit une autre voix joyeuse.
– Meu meu, ajouta une troisième voix, moqueuse.
Lola regarda tout autour d'elle mais elle ne vit rien d'autre que des arbres.
– Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.
Mais au lieu de lui répondre, les voix recommencèrent :
– Fan fan !
– To to !
– Meu meu !
Lola se mit en colère. Elle se croyait seule dans cette forêt et voilà que des êtres mystérieux se moquaient d'elle.
– Sortez de vos cachettes ! cria la petite fille. Montrez-vous si vous en avez le courage !
Lola regretta ce qu'elle venait de dire quand des fantômes sortirent de derrière les arbres en criant très fort :
– Fan fan To to Meu meu ! Fantômes ! Fantômes ! Oooouuuuuh !
Et ils agitaient leurs bras et secouaient leurs draps blancs d'une façon très menaçante.
C'est plein de fantômes dans cette forêt ! Ils sont aussi nombreux que les arbres, mais que me veulent-ils ? se demanda Lola.
Elle chercha un sentier pour fuir ou une porte pour se glisser dans un autre rêve, mais n'en trouva pas.
Soudain les fantômes quittèrent leur arbre et marchèrent lentement vers Lola.
– Poupilou, au secours ! hurla la petite fille et elle se mit à trembler de peur.
– Coucou ! dit alors une petite voix et Poupilou surgit à côté d'un fantôme. Mais le fantôme agita ses bras sous son drap blanc et se mit à ricaner :
– Je n'ai pas peur de toi, Poupilou !
– Tu as tort, fantôme. Et je vais te le prouver !
Poupilou attrapa le drap blanc du fantôme et, tirant d'un coup sec, il le lui enleva.
– Nooooonnnnn ! s'écria le fantôme et, tout à coup, il ne resta plus qu'une toute petite grenouille verte sur le sol.
– C'est à peine incroyable ! dit Lola en ouvrant grands ses yeux.
Et Poupilou se glissa derrière chaque fantôme et il leur arracha leur drap blanc à toute vitesse. En une poignée de secondes, il ne resta plus qu'une douzaine de grenouilles affolées.
– Coa, coa, sauvons-nous ! coassèrent-elles et elles se dispersèrent dans la forêt en faisant de grands bonds.
Aussitôt des oiseaux vinrent se percher sur les branches des arbres et ils se mirent à chanter et c'était beau comme dans le plus beau des rêves.
Lola chercha autour d'elle mais, une fois encore, Poupilou avait disparu.

Lola se sentait si fatiguée qu'elle bâillaaaaa et, quand elle rouvrit les yeux, une dizaine de quilles en bois se tenaient alignées face à elle. C'était comme un mur de quilles en bois avec deux gros yeux noirs sur leur face ronde ; elles étaient habillées chacune d'une chemise blanche et d'un pantalon noir.
– Des quilles en pantalon ! s'exclama Lola. Ce cauchemar c'est vraiment n'importe quoi. Je m'en vais, ça ne m'amuse plus du tout.
Et Lola commença à s'éloigner. Mais un bruit étrange se fit entendre et elle se retourna.
« Clap ! Clap ! Clap ! Clap ! Clap... »
Toutes les quilles s'étaient mises à marcher, en ligne, sur un seul rang, et elles fonçaient droit sur Lola. La petite fille voulut reculer mais elle tomba à la renverse et les quilles se précipitèrent sur elle.
– Elles vont m'écraser. Au secours, Poupilou ! cria Lola.
Et Poupilou apparut. Entre ses mains il tenait un énorme ballon rouge qu'il lança de toutes ses forces sur les quilles. Le ballon roula, roula et « Bing ! Cling ! Boum !» Il percuta les quilles qui tombèrent l'une après l'autre.
C'était si amusant à voir que Lola éclata de rire.
– Je me suis beaucoup amusée, Poupilou, mais maintenant il est temps de dormir.
Lola avait à peine fini sa phrase qu'elle se retrouva dans sa chambre, couchée dans son lit et entourée de ses jouets préférés. D'un grand bond, Poupilou se retrouva dans les bras de la petite fille qui le serra très fort.
« Bonne nuit, Lola !» lui dit Poupilou d'une voix si câline que Lola ferma les yeux.
« Bonne nuit, mon Poupilou ! » murmura-t-elle avant de s'endormir.
Désormais, Lola n'aura plus peur de s'endormir le soir parce que Poupilou, le gardien de la nuit veille sur elle et il l'emmènera au pays des rêves les plus beaux, loin, très loin des vilains cauchemars.

F I N


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