Ce matin-là, Lilou s’était réveillée d’excellente humeur. D’abord parce que le soleil brillait de tous ses feux mais aussi parce que pour fêter son 14ème mois, Lilou venait d’avoir une nouvelle dent,  la 8ème.
La petite fille était assise dans son lit à barreaux, adossée à un gros coussin qui la maintenait bien droite et, autour d’elle, se tenaient tous ses amis : Zoup la girafe en plastique, Choki le chien en peluche et Fafa le lapin en mousse. Cela ressemblait à une fête et chacun parlait, racontait, et Lilou gazouillait et, parfois, elle riait aux éclats. Oui, c’était vraiment une belle journée qui commençait.
– J’ai deux petits frères, dit Lilou. Ce sont des bébés et je suis leur grande sœur.
– Et moi, j’ai six frères et quatre sœurs, répondit Choki le chien en peluche. Quand je joue à cache-cache avec eux, je ne sais jamais lequel attraper car ils courent à droite, à gauche et ils se cachent sous la table ou dans le coffre à jouets. C’est épuisant.
Lilou songea qu’elle devrait attendre que ses frères sachent marcher pour faire une partie de cache-cache avec eux. Pour l’instant, les deux bébés ne quittaient pas leur berceau sauf pour les bras de leur maman et de leur papa.
– Mes frères boivent du lait, raconta Lilou. Maman leur donne des biberons remplis à ras bord pour qu’ils grandissent encore et encore. Il y a plein de biberons sur la table de cuisine, il y en a tant et tant qu’on dirait une armée.
– Mes frères aussi boivent du lait, dit Choki le chien. Mais c’est pareil pour tous les enfants, non ?
– Les miens mangent des carottes, dit Fafa le lapin en mousse. Des tas de carottes et aussi des salades.
Lilou écarquilla ses grands yeux bleus et Choki trouva que la chose était si incroyable qu’elle ne pouvait pas être vraie.
– Des carottes ! s’exclamèrent-ils tous les deux.
– Et aussi des salades, compléta Fafa le lapin. Avec de belles feuilles vertes bien savoureuses qui fondent dans la bouche.
Zoup, la girafe en plastique, décida de donner son avis, que personne ne lui demandait, mais elle adorait jouer les vedettes.
– Les jouets en mousse ne sont pas du tout comme les autres jouets. Regardez la balle rouge et jaune ! Elle est en mousse et bien elle ne rebondit pas.

Lilou secoua sa tête pleine de jolies boucles brunes. La petite fille aimait beaucoup sa balle rouge et jaune justement parce qu’elle ne rebondissait pas et qu’ainsi c’était plus facile pour l'attraper.
Zoup la girafe racontait vraiment n’importe quoi en disant que les jouets en mousse n’étaient pas comme les autres !
– Pourquoi as-tu un long cou, Zoup ? demanda Lilou à son amie.
– Pour manger les feuilles des arbres qui sont très hauts dans la jungle.
– C’est quoi « la jungle » ? interrogea Fafa le lapin qui ne connaissait que les champs de carottes et les terriers où vivent les lapins et leur famille.
– C’est un endroit où les arbres sont immenses et même, parfois, ils sont gigantesques et dépassent les maisons. Si les girafes n’avaient pas un long cou, elles mourraient de faim.
Choki ne s’intéressait pas aux arbres, ni aux feuilles mais, peut-être, y avait-il des chiens dans cette jungle si étrange ? C’est la question qu’il posa à la girafe.
– Non, aucun chien mais par contre on y trouve des lions. Ce sont des espèces de gros chiens avec des dents si longues qu’elles sortent de leur bouche, répondit la girafe qui aimait exagérer. Ils s’en servent pour manger.
Fafa regarda Choki le chien en peluche. A quoi pourrait-il ressembler s’il avait des dents aussi longues que ses oreilles pendantes ? Cette idée l’inquiéta.
– J’espère que les lions ne dévorent pas les lapins ? demanda-t-il à la girafe.
– Oh si, répondit l’animal en plastique. Ils les mangent entre deux tranches de pain de mie.
– Quelle horreur ! s’écria le lapin et il se mit à trembler de tous ses membres.
Lilou le prit dans ses bras et le réconforta :
– N’aie pas peur, Fafa. Il n’y a pas de lion dans ma chambre.
Le lapin cessa de trembler mais il resta blotti contre Lilou.

Choki jeta un coup d’œil à la pendule murale. Les chiens en peluche ne savent pas lire l’heure mais Choki savait ce qui allait se produire quand la petite aiguille serait sur le chiffre 10 et que la grande aiguille atteindrait le chiffre 12 : la maman de Lilou sortirait sa fillette du lit à barreaux. Elle la vêtirait d’un manteau, la coifferait d’un petit bonnet et elle l’installerait dans la poussette pour l’emmener en promenade.
– Vois-tu une forêt d’arbres quand tu traverses le parc ? demanda le chien en peluche.
– Non, juste une forêt de jambes, répondit la fillette. Ce sont toutes les amies de ma maman qui se penchent sur moi et me disent que je suis « Adorable ! Magnifique ! Un amour d’enfant ! Une véritable merveille ! ».
– Elles sont très grandes, dit le chien en peluche.
– Elles sont très bavardes, dit Fafa le lapin.
– Elles sont très gentilles, dit Lilou qui fit un grand sourire avec ses huit dents. Les amies de maman m’adorent.
– La rue ressemble-t-elle à ton berceau ? demanda Zoup la girafe en plastique.
– Un lion a-t-il essayé de te dévorer entre deux tranches de pain ? s’inquiéta le lapin.
– Raconte-nous ! l’implora Choki le chien.
Lilou réfléchit. Elle voyait beaucoup de choses très différentes de sa chambre d’enfant quand sa maman la promenait sur le grand boulevard.
Par exemple, quand elle levait la tête, elle pouvait regarder les nuages qui se poursuivaient dans le ciel. Il y avait les petits nuages et les gros, les blancs et les gris. Il y avait aussi les nuages noirs qui se mettaient parfois à pleurer ; alors maman ouvrait le parapluie et Lilou ne voyait plus rien du tout.
Mais ce que Lilou préférait par-dessus tout c’était les magasins de jouets. Dans les vitrines, on pouvait y admirer les frères de Choki le chien en peluche et ceux de Fafa le lapin en mousse. Il y avait aussi les nombreuses amies de Zoup la girafe en plastique. Lilou adressait de grands signes de la main au gros ours brun qui portait un beau ruban bleu autour de son cou. Il y avait aussi le pantin de toutes les couleurs, la fée aux ailes scintillantes, la chouette aux yeux tendres, la poupée habillée d’une robe de satin rose et blanche. Et tant d’autres encore.

Pour faire plaisir à ses amis, Lilou se mit à décrire ce monde qu’ils ne connaissaient pas puisqu’ils ne sortaient jamais de la chambre de la fillette.
– Des nuages ! s’écria Zoup. Exactement comme dans ma jungle.
– De la pluie ! s’exclama le lapin pas très content. J’ai horreur d’être mouillé.
– Des jouets ! dit enfin Choki. J’aimerais leur parler et m’amuser avec eux.
Lilou fit « oui » de la tête. Elle aussi aurait aimé pouvoir prendre tous les jouets dans ses bras mais sa maman n'était pas d’accord.
– Quand il fait beau, les papillons volent autour de moi, dit-elle. Et les oiseaux chantent des chansons si jolies que je ferme les yeux pour les écouter.
Choki, Zoup et Fafa n’eurent pas le temps de lui demander : quelle sorte de chanson ? Car le papa de Lilou entra dans la chambre et prit sa fille dans ses bras.
– Ma pauvre Lilou ! Tu dois t’ennuyer toute seule. Viens, ma fille chérie ! Ton papa qui t’adore va te lire un livre et te serrer contre son cœur.
Les jouets virent Lilou sortir dans les bras de son père et ils restèrent seuls dans le lit à barreaux.
– Ils sont trop loin, dit Zoup. On ne pourra pas entendre l’histoire.
– Même avec mes longues oreilles ? s’étonna le lapin.
– On va s’ennuyer, dit à son tour le chien.
Tout à coup, la maman de Lilou vint déposer un jouet en caoutchouc dans le lit, puis elle s’en alla.
Choki, Zoup et Fafa ouvrirent de grands yeux en voyant le nouvel arrivant.
– Quel animal étrange ! dit le chien. Je n’ai jamais rien vu de pareil.
– Il a tellement de pattes que je n’arrive pas à les compter, dit Zoup. Il doit courir vite.
– Regardez ! Il ouvre la bouche… Il va nous dévorer ! dit Fafa qui se mit à trembler.
Mais le nouveau jouet se contenta de leur dire "bonjour" d'une voix musicale.
– Bonjour ! Je m’appelle Toffy et je suis une chenille du bout du monde.
– Une chenille du bout du monde ! s’exclamèrent ensemble les jouets. C’est très, très loin d’ici. Comment es-tu arrivée jusqu’à la chambre de Lilou ? Tu as dû faire un long voyage ?

Toffy la chenille en caoutchouc commença à raconter son aventure et il allait lui falloir des heures pour tout expliquer sans rien oublier car elle avait parcouru de nombreux pays, traversé des mers et des océans, et croisé des animaux incroyables. Mais Choki, Zoup et Fafa étaient heureux car bientôt Lilou serait de retour dans son petit lit et Toffy la chenille devrait tout raconter à nouveau depuis le début. Oh oui, la soirée promettait d’être passionnante et c’était merveilleux.

F I N


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