« Mesdames, messieurs, la compagnie EAL Air Line vous souhaite la bienvenue à bord du vol
711 à destination de Paris... »
Bien calé dans son siège, Reginald déboucla la ceinture de sécurité.
New-York – Paris. Une douzaine d’heures à tuer. Reginald détestait les longs trajets mais
la société qui l’employait possédait une succursale aux Etats-Unis, ce qui
l’obligeait à de fréquents déplacements.
Il ne prêta guère attention au laïus de l’hôtesse de l’air engoncée dans un gilet de
sauvetage. Le bidule que l’on enfile, la cordelette que l’on tire, le machin
qui se gonfle... Il connaissait par coeur. Pourtant c’était ravissant à
contempler. L’hôtesse, pas le gilet.
Et puis les statistiques étaient formelles. Les avions s’écrasaient n’importe où :
plaine, montagne, piste, ou explosaient en plein ciel. Cela laissait peu de possibilités
pour un amerrissage forcé, qui plus est « réussi ».
Réginald ouvrit son attaché-case et hésita entre son MP3 : il s’était offert le dernier
enregistrement du pianiste virtuose Lang-Lang. Ou un bon roman : le nouveau
Stephen King devait compter près de cinq cents pages, cadavres et suspense
garantis. Il commença par quelques grilles de mots-croisés – histoire de se
détendre – poursuivit avec la musique et... finit par s’assoupir.
Quand il rouvrit les yeux, les passagers avaient tous succombé au sommeil. Il chercha
des yeux une hôtesse – il avait la gorge sèche et aurait apprécié une eau
minérale – mais aucune ne semblait présente. L’une de ces pensées parasites qui
vous traverse parfois l’esprit le ramena à son auteur préféré, ce cher Stephen.
Dans l’un de ses chef-d’oeuvres une partie des passagers, ainsi que l’équipage
au grand complet, se volatilisaient en plein vol. Seules étaient épargnées les
personnes assoupies à la seconde où l’événement se produisait. Et parmi elles,
un pilote en transit, sinon le roman aurait tourné court !
« Pas davantage de steward, constata Réginald. C’est quand même bizarre. »
Vaguement inquiet, il jeta un coup d’oeil par le hublot mais l’appareil, qui volait
désormais à haute altitude, n’émettait aucune fumée suspecte, pas non plus d’étincelles
jaillissant d’un réacteur, ni davantage de fuite de kérosène qui aurait
éclaboussé le hublot. Rien d’anormal donc, mis à part cet homme assis sur le
bord de l’aile droite, les jambes pendantes dans le vide.
« Tu redoutes l’accident d’avion ? Méfie-toi, mon vieux Régi ! Tu vieillis mal. »
Soudain, Réginald réalisa que ses yeux venaient de lui montrer un...un...
Il prit une profonde inspiration et s’efforça
de conserver son sang-froid.
« Peut-être une hallucination due au décalage horaire ? Ou
alors une brutale déshydratation à cause de la pressurisation ? »
Il scruta le couloir, à droite, à gauche, mais toujours pas d’hôtesse en vue.
Après une brève hésitation, il se tourna à nouveau vers l’extérieur. L’avion émergeait
d’un cumulo-nimbus…, le temps que le nuage se disperse... et l’autre réapparut.
De grande taille, les cheveux noirs, vêtu avec une certaine élégance, et d’une extrême
courtoisie car il venait de lui adresser un geste amical.
Réginald chercha ses mots et bredouilla :
– Que faites-vous là ? ... Je veux dire, dehors, sur l’aile de l’avion ?
L’homme eut un bref haussement d’épaules avant de répondre d’une voix claire.
– La même chose que vous, je voyage.
Interloqué par tant d’aplomb, Réginald lui lança :
– Et qui êtes-vous ?
Avec de grands gestes, l’être désigna l’immensité qui l’entourait.
– Dieu, c’est évident.
– Euh..., hésita Réginald, un peu désorienté. Vous ne lui
ressemblez pas du tout.
– Ah oui ! Parce qu’on s’était déjà croisés ?
– Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Il y a des peintures
dans les églises et les chapelles qui vous représentent. Du moins, je le supposais.
Le Créateur secoua la tête et maugréa :
– Les peintres ont tendance à laisser filer leur imagination.
J’avais déjà relevé ce défaut chez certains d’entre eux. Tantôt ils m’affublent
d’une longue barbe blanche, tantôt ils me couvrent de rides. C’est absurde. Je
ne peux pas vieillir, je suis éternel !
Réginald n’avait jamais eu d’avis sur la question, il s’abstint de tout commentaire. Il réalisa
qu’il entendait nettement la voix de Dieu alors que le bruit des réacteurs lui
parvenait de manière très atténuée.
Sans réfléchir, la question jaillit de sa bouche :
– Où allez-vous ? Euh... quelle destination ?
– Comme vous, Paris.
– L’aéroport ?
– Non, je descendrai avant. L’hippodrome de Longchamp ou les
Folies Bergères. J’hésite encore.
Le visage de Réginald refléta sa perplexité.
– Vous n’allez pas vous complaire dans des lieux pareils ? Vous êtes Dieu !
Le Créateur parut contrarié par cette réflexion.
– Selon vous je risque de l’oublier ? Peut-être dans un grand
moment d’étourderie alors.
– Pardon. Je suis désolé de vous avoir manqué de respect. Je pensais
que là-haut, la beauté, la sérénité, la béatitude...
– Non, voyez-vous, les anges, le jardin d’Eden et saint Pierre, cela finit par être ennuyeux. Il
m’arrive d’avoir besoin de changer d’air.
Voyant Réginald médusé, Dieu lui fit signe.
– Approchez-vous ! Nous serons mieux pour bavarder.
A la seconde suivante, Réginald s’éclipsa de la cabine et se mit à glisser sur l’aile. Il s’immobilisa
aux côtés du Créateur qui lui sourit avec bienveillance.
– Voilà ! Ce sera plus agréable pour poursuivre cette conversation.
Où en étions-nous ? Ah oui, vous paraissez choqué, je n’ai pas le droit de
me distraire ?
– Eh bien, je suppose que si. Sur Terre, nous avons la
télévision, les spectacles, le football. Mais vous avez euh... les Cieux ?
– Ca manque d’originalité. Je m’ennuie parfois !
Le Créateur garda le silence quelques minutes. Réginald en profita pour constater qu’aucun
passager ne se démenait derrière un hublot, un appareil photo à la main.
« C’est pourtant le cliché du siècle, songea-t-il avant de
s’efforcer d’apercevoir quelque chose à travers la nuée. Si je distingue la
masse bleue de l’océan atlantique... Oh, ce n’est pas une bonne idée, j’ai
envie de vomir. »
Pour contenir la nausée, il plaqua ses mains contre le métal froid et lisse de l’aile.
« Et si je glissais... Si je tombais... »
– Vous ne croyez pas en moi, c’est cela ?
Réginald réalisa que le visage de Dieu n’était qu’à
une dizaine de centimètres du sien. Il eut du mal à saisir les contours, les
traits, perdus dans un flou lumineux. Sauf les yeux, d’un gris si profond !
Réginald se ressaisit.
– Si, je crois en vous. Surtout en ce moment.
Le Créateur marmonna quelque chose au sujet de l’humour de ses petites créatures avant de reprendre
la conversation :
– Pourquoi avoir inventé Internet ?
– Cela nous apporte de nouveaux horizons, c’est une fenêtre
ouverte sur le monde entier.
Le Créateur esquissa une grimace.
– Justement, jeune homme. Moi aussi, j’aimerais parcourir ces « nouveaux horizons ».
Réginald ne sut que répondre.
– Si je vous fais partager mon quotidien, les choses
deviendront sans doute plus évidentes. Allons-y !
Le Créateur fit claquer ses doigts et une gigantesque porte dorée ornée de sculptures d’une
grande finesse apparut devant eux. Désorienté, Réginald fit quelques pas, chercha
autour de lui...
– L’avion a disparu ?
– Oui, nous le rejoindrons plus tard. Il ne vole pas très vite de toute façon.
– Alors pourquoi le prendre s’il est si lent ?
– Parce que j’ai tout mon temps, jeune homme.
Réginald rougit devant le regard appuyé et bafouilla une excuse.
– Ca va, c’est bon, lui répondit Dieu qui frappa contre la porte.
Une voix chevrotante leur parvint :
– Qui c’est ?
Dieu ne put retenir un soupir agacé :
– C’est moi, Saint Pierre. Je viens avec un ami.
Les deux énormes battants s’entrouvrirent, s’écartèrent lentement l’un de l’autre.
Réginald découvrit une allée couverte de pétales de roses, sillonnant au centre
d’un décor entremêlant bosquets fleuris, harpes géantes et une infinité de blanches colombes.
Il s’apprêtait à franchir le seuil quand Dieu le rappela à l’ordre.
– N’oubliez pas le paillasson ! Saint Pierre ne transige pas sur ce sujet.
– Bonjour !
L’être qui venait de saluer Réginald était tel que le jeune
homme se l’était toujours imaginé : un beau vieillard vêtu d’une large tunique
bleu azur avec, autour de la taille, une ceinture de satin beige qui supportait
une lourde clé d’argent ciselé.
Dieu fit les présentations :
– Saint Pierre ! Réginald !
Le saint parut étonné et, sans prendre le temps de serrer la main tendue, il se précipita vers
un superbe pupitre en cristal sur lequel était posé un ordinateur de la
dernière génération à écran plat. Il pianota sur son clavier et lut
– Né à Quimper, Finistère, en 1980, France. Date de décès...
Le regard du saint quitta l’écran pour se poser, noir de reproche, sur le jeune homme.
– Vous n’êtes pas mort !
– Euh... non, bien sûr que non.
Dieu rabroua le gardien du Paradis d’un ton sec.
– Vous devenez sourd, saint Pierre, j’ai dit que j’amenais un ami !
– Oui, j’avais bien entendu, répondit le saint, vexé. Je suis
débordé, voilà tout. Excusez-moi, je dois reprendre mon travail.
Dieu entraîna Réginald sur le chemin. Chacun de leur pas provoquait une envolée de
pétales autour de leurs chevilles et une bouffée parfumée montait alors jusqu’à leurs narines.
– Je croyais que vous n’aviez pas Internet ? fit remarquer Réginald.
– Je ne suis pas connecté, saint Pierre si. C’est
indispensable pour son activité. Je ne mens pas, je vous le rappelle.
– Excusez-moi, je regrette. C’est stupide de ma part.
Le Créateur lui mit une tape amicale dans le dos.
– Aucun problème, jeune homme. Par contre, ne jouez jamais
aux cartes avec moi... je triche !
Et, devant la mine ébahie de Réginald, le Créateur éclata d’un beau rire sonore.
Ils arrivèrent dans un lieu d’une plénitude absolue. Des angelots, aux ailes diaphanes
et aux robes immaculées, voletaient sur un moelleux matelas de nuages nacrés
tandis que leurs doigts effilés faisaient tinter des milliers de clochettes au
son cristallin. Sur de vastes sofas de velours
grenat s’alanguissaient des êtres au regard bienheureux et au sourire
euphorique dont chaque geste se déroulait avec une lenteur absolue.
Tous deux s’arrêtèrent pour contempler cet étrange tableau. Dieu ouvrit les bras
dans un geste qui englobait la totalité de l’espace devant eux.
– Ad vitam aeternam... Ca vous tente ?
Cette scène paradisiaque inspira à Réginald une profonde réflexion. Il se tourna vers son
Créateur.
– Vous nous avez bien promis la vie éternelle, non ?
– Euh... oui, je confirme.
– Après la fin du monde que vous avez créé sur la Terre, c’est exact ?
– Oui, tout à fait. Je suis ravi de voir que mon projet vous intéresse et que vous vous êtes documenté avec sérieux.
Réginald posa sur son Créateur un regard inquisiteur :
– Sans télévision, sans spectacles, sans Internet.
– Ah ! Je n’avais pas vu les choses sous cet angle.
Il y eut un silence qui s’éternisa. Réginald semblait troublé, Dieu s’interrogeait.
Soudain une question incongrue s’insinua dans l’esprit du jeune homme : « Y a-t-il le Web
en enfer, chez Lucifer ? »
Cette idée mit Réginald mal à l’aise. Il toussota, s’agita et, sans savoir comment, son
regard croisa celui de Dieu... qui regardait le jeune homme, les sourcils froncés,
l’air réprobateur.
– Vous lisez dans mes pensées ?
Le Créateur acquiesça.
– Oui, et à cette seconde, je le regrette.
Réginald se sentit rougir mais il ne lâcha pas prise.
– Le problème reste entier, reprit-il avec conviction.
Risque-t-on de subir un ennui insoutenable à l’instant de la résurrection ?
– Vous aimeriez visiter l’enfer ?
– Non, c’était une pensée stupide. Elle m’a échappé.
Dieu opina de la tête.
– Je suis navré d’avoir fait naître une telle inquiétude en
vous au sujet de votre avenir. Je ne veux pas vous laisser sur une mauvaise impression. Si, j’insiste.
Un autre claquement de doigts et ils disparurent du Paradis pour réapparaître à proximité
d’une large porte en bois. Celle-ci portait de multiples traces de réparations
sauvages avec quelques planches clouées à tort et à travers pour consolider
l’ensemble qui menaçait ruine.
« Toc ! toc ! toc ! »
– Oui ! Qui c’est ?
Le Créateur maugréa.
– Il n’est pas plus doué que l’autre. C’est Dieu !
La porte grinça, puis s’ouvrit sur un endroit mal éclairé par de rares loupiotes tremblotantes.
Un homme en costume gris, chemise, cravate, le cheveu ras et de fines lunettes
en écaille posées sur le bout du nez les accueillit avec amabilité.
– Tiens, l’Eternel ! C’est rare de vous apercevoir chez moi.
– On peut faire le tour du propriétaire ? C’est pour mon jeune ami.
– Faites comme chez vous ! Et si vous désirez des
précisions, je serai à l’accueil. Je vous souhaite une agréable promenade.
L’homme fit demi-tour et s’éloigna d’une démarche boitillante.
– Il a les pieds plats ?
– Non, fourchus.
Réginald fit signe qu’il ne comprenait pas, ce qui étonna Dieu.
– Je pensais que vous l’aviez reconnu ?
– Satan ? Nous sommes en enfer dans cette vieillerie ?
Dieu jeta un rapide coup d’oeil pour s’assurer que le diable n’avait pas pu entendre.
– Evitez de vous montrer désagréable quand vous mentionnez
son foyer, il est très susceptible. Sans doute l’un de ses plus gros défauts mais
il en confesse beaucoup d’autres, cela va de soi. Allons-y !
Ils entreprirent de cheminer entre de véritables murailles constituées de bibliothèques croulant
sous les livres et la poussière. Environ tous les cent mètres, ces
remparts étaient entrecoupés de petits salons aménagés pour la
lecture, avec table et chaises en plastique. Réginald nota, avec répugnance,
que tous les angles, ou recoins existants, arboraient d’épaisses toiles et des araignées
de si belle taille qu’elles devaient s’épanouir là depuis des temps
immémoriaux.
Ils marchèrent entre les centaines, les milliers de bouquins qui s’étendaient à
perte de vue et qui exhalaient de forts relents de moisissure. La curiosité
l’emportant, Reginald s’arrêta devant une étagère et pencha la tête pour lire quelques
titres : « Mémoires d’outre-tombe » « Un linceul n’a pas de
poches » « J’irai cracher sur vos tombes »
A sa grande surprise il y avait aussi une section réservée aux DVD : « La nuit
des morts-vivants » « A chacun son enfer » « Tout près de
Satan »
Il reposa les boîtiers et murmura que « c’était impensable.»
Voyant sa mine déconfite, Dieu l’interpella :
– Cela ne correspond pas à l’idée que vous vous en faisiez ?
– Oui, en effet. J’étais persuadé que...
L’image de malheureux damnés hurlant désespérément au milieu de hautes flammes
rougeoyantes s’imposa à son esprit. Puis il croisa le regard, consterné, de son Créateur.
– Quel manque d’imagination ! Votre vision des choses est effrayante.
Réginald n’apprécia pas de se faire rabrouer comme un enfant.
– C’est écrit dans votre Bible : le Shéol, le feu et le
soufre. Je n’ai rien inventé. Pourtant... (Réginald ne put s’empêcher de
frissonner) je me demande si cette réalité ne supplante pas le pire de mes cauchemars ?
– J’avoue avoir craint que vous ne soyez tenté par Lucifer.
– Non. J’ai choisi mon camp le jour où j’ai découvert une
image représentant un diable cornu aux pieds fourchus.
– Il ne possède pas de cornes, vous l’avez vu.
– Mais il a les pieds fourchus. Vous ne mentez jamais.
Le Créateur acquiesça et sourit :
– Je pense que nous pouvons reprendre notre route ?
Alors qu’ils revenaient sur leurs pas, ils croisèrent à nouveau Satan. Celui-ci s’affairait
sur un grand cahier où apparaissaient deux colonnes remplies de chiffres.
Dieu s’adressa à lui :
– Où cachez-vous vos damnés ? Mon jeune ami s’étonne de n’en croiser aucun.
– Ils assistent à la séance de cinéma quotidienne.
Aujourd’hui, nous projetons : Apocalypse Now. Il y a encore des places disponibles si...
– Non, merci. Nous sommes un peu pressés. Je vois que vous
espérez de bons résultats cette année ?
– Ils seront en dessous de mes prévisions, hélas, répondit le
diable en vérifiant ses additions.
Puis il s’intéressa à Réginald :
– Puis-je espérer vous compter parmi mes ouailles très
bientôt ? Cela ferait remonter mes statistiques.
– Euh... non, désolé. J’ai d’autres projets.
Satan eut un reniflement plein de mépris et lâcha :
– Vous savez où se trouve la sortie ?
Réginald repartit donc en compagnie de son Créateur. La porte branlante se referma
derrière eux, dans un bruit d’enfer, et ils réintégrèrent le vol 711 de la compagnie AEL
Air Line à destination de Paris.
De retour sur l’aile de l’avion, il y eut un long silence durant lequel chacun s’abîma
dans la contemplation du paysage. Une brève trouée leur
laissait entrapercevoir les côtes françaises bordées de falaises claires, et les
plaines verdoyantes s’étalant à perte de vue.
– C’est magnifique ! murmura Réginald, admiratif.
Ce à quoi Dieu répondit par un léger hochement de tête empreint de modestie.
– Vous n’avez pas résolu mon problème, lança soudain Réginald.
– Comment ça ?
– La vie éternelle, qui refuserait ? Mais pas l’ennui éternel.
Un pli se forma entre les sourcils, froncés, du Créateur.
– D’accord. Supposons que je vous accorde la Terre pour y jouir de
l’Eternité. Vous pourrez voyager puisque vous semblez y prendre goût, visiter de
nombreux pays, découvrir d’autres civilisations...
– ... apprendre toutes les langues même celles oubliées, lire les plus anciens manuscrits...
– ... jouer de tous les instruments de musique, pas seulement la flûte et la harpe.
– Oui, ce sera le Paradis absolu ! Je suis heureux de vous avoir rencontré.
Et le visage de Réginald exprimait la plus profonde sincérité.
Une auréole de lumière vive apparut autour de Dieu et entreprit d’effacer sa silhouette alors
que le jeune homme repartait à reculons vers la carlingue.
– Il y a une raison à notre rencontre, n’est-ce pas ? demanda-t-il. Pourquoi ?
– Quand ils voyagent à bord d’un avion, certains passagers redoutent
parfois l’accident. Alors ils s’interrogent : « Dieu
existe-t-il ? » La même pensée a traversé votre esprit.
– Je vous promets de ne plus douter à l’avenir.
– Tu parles tout seul ?
Réginald se retourna vers le siège à sa gauche et vit que Gérald, son collègue, était réveillé.
– Méfie-toi ! L’an prochain tu feras les questions et
les réponses. Il paraît que passée la trentaine, on vieillit de plus en plus
vite. Ou bien de plus en plus mal, je ne sais plus. En tout cas, rien de bien réjouissant.
Réginald ne répondit pas et chercha à travers le hublot... mais IL avait disparu. Gérald s’étira
en bâillant.
– Je vais me dégourdir les jambes et j’en profiterai pour
demander à l’hôtesse de nous servir des cafés. Hé, tu as fait tomber quelque
chose à tes pieds !
Réginald se pencha pour récupérer un petit livre à la couverture de cuir vert.
– La vie de saint Christophe ! Pouah ! C’est ça, le
roman que tu as acheté à l’aéroport avant le départ ?
– Euh…Oui.
– Tu as toujours eu des goûts bizarres. Il suffit de voir ta
passion pour les comptes-rendus de réunion. Je reviens de suite et en attendant sois gentil : ne descends pas en
marche !
Réginald patienta jusqu’à ce que son collègue se soit éloigné. En ouvrant le livre, il découvrit
une dédicace sur la page intérieure : « A Réginald. En attendant de
pouvoir, un jour, poursuivre cette passionnante conversation ! »
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