Claire sortit de la cuisine et aperçut son plus jeune fils, le regard
vide, le visage entre les mains, les coudes sur la table.
– Iwen ! Tu fais tes devoirs ou tu rêves ?
Le jeune garçon répondit dans un soupir :
– Je rêvais d'un autre monde où la Terre serait
ronde.
Claire leva les yeux au ciel.
– Tes devoirs, Iwen ! c'est un ordre.
Iwen regarda sa mère qui repartait vers la
cuisine et murmura :
– Maman, tu n'auras pas « Ma liberté de penser !
»
Iwen allait avoir 8 ans et, à son âge, il
trouvait déjà les grandes personnes trop compliquées.
Il ouvrit son
cartable, en sortit un cahier et sa trousse, et se plongea dans les
verbes du 1er et du 2ème groupe : conjugaison au présent et à
l'imparfait.
Il parvint enfin à terminer son devoir et la
voix d'un chanteur connu lui revint tout à coup. Sa chanson disait :
«
Adieu, monsieur le professeur, on ne vous oubliera jamais ! »
Iwen referma son cahier d'un coup sec :
– Si je le pouvais, j'aurais oublié mon instit'
à la seconde où j'ai refermé ce cahier.
La voix de sa maman se fit entendre :
– Iwen, à qui tu parles ?
– À Loïs !
– Arrête de mentir, protesta son grand frère.
Dis-moi plutôt le nom des invités sur ta liste d'anniversaire ?
Iwen sortit un papier de sa poche et lut avec
soin :
– Hélène, elle s'appelle Hélène. Michelle, ma
belle. Gaston, qui a le téléfon qui son. Et enfin le dernier, Titi.
– De quel Titi tu causes ? s'étonna Loïs.
– Celui de la petite maison d'en face. « C'est
tout p'tit, chez la mère à Titi ! »
– Je ne le connais pas, dit Loïs. Raconte-moi,
Iwen, ce que tu as demandé comme cadeau à papa et maman ?
– Un jouet extraordinaire qui faisait « Zip »
quand il roulait, « Bap » quand il tournait, et « Brrr » quand il
marchait.
– Houla ! et à tante Sophie et tonton Arnaud ?
– Une semaine de vacances avec Casimir, parce
que « Dans l'île aux enfants, c'est tous les jours le printemps. »
Loïs comprit à cet instant qu'il valait mieux
changer de sujet.
– J'aimerais mieux qu'on parle de ton prof' de
musique du samedi matin, Iwen. Il t'a proposé d'apprendre à jouer un
instrument, soit le piano, soit la guitare. C'est bien ça ?
– Oui. C'est une chose très difficile qu'il m'a
demandée. Il m'a fallu du temps, vraiment beaucoup de temps.
– Mais tu es parvenu à faire ton choix. Alors,
quel instrument de musique ?
Un large sourire apparut sur les lèvres d'Iwen :
– Le tourne-disque.
Le grand frère se prit la tête entre les mains
et gémit :
– Oh non, non, j'abandonne.
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Second prix de la Nouvelle au concours de poésie, conte et nouvelle de la Journée du livre Sablet-Vaucluse 2022