David contre Goliath

par Claude JEGO

Le soleil lançait ses premières lueurs et remplissait le ciel de jaune et d'orangé. Une brise légère s'était levée, et elle agitait joliment les hautes herbes et les fleurs si nombreuses dans ces vastes prairies. La journée s'annonçait radieuse et agréable.
Avec une infinie patience, David tentait, depuis quelques minutes, de faire sortir les brebis et les chèvres de l'enclos sans en oublier aucune. Mais certaines se montraient si têtues qu'il se demandait parfois s'il allait y parvenir. L'une d'entre elles, la Roussette, semblait d'ailleurs prendre un malin plaisir à vouloir lui échapper, et c'était ainsi tous les matins que Dieu fait.
Elle finit enfin par lui obéir mais en lui jouant un tour à sa façon. Passant entre les jambes du berger, elle lui fit perdre l'équilibre, et l'envoya à plat ventre, le nez dans la terre.
Un grand éclat de rire salua l'exploit de la Roussette. C'était le père de David, qui s'approcha et tendit la main à son fils pour l'aider à se relever.
– Ne m'as-tu pas dit que tu étais capable de te battre contre nos ennemis aussi vaillamment que le font tes frères en ce moment ? Si une gentille petite chèvre te jette au sol, peux-tu m'expliquer comment tu protègeras ta vie lorsque tu feras face à un valeureux guerrier en armes ?
David se releva, honteux et contrarié d'avoir fait montre d'une telle maladresse.

La veille, il avait tenté de convaincre son père de le laisser rejoindre ses frères qui combattaient leurs ennemis afin de défendre leur terre ; mais le père était resté ferme. David était le plus jeune des huit fils de Jessé et durant l'absence de ses frères, il portait la responsabilité de veiller sur le troupeau.
– Père, je m'entraîne à manier l'épée, avait plaidé le garçon, et je fais de gros progrès, je vous assure.
Avec un sourire plein de tendresse, Jessé avait répondu à son fils :
– Elle est en bois, David, et pèse à peine le dixième d'une épée en fer. De plus, tu oublies le large bouclier que portera ta main gauche et la cotte de maille qui pèsera lourdement sur tes jambes.
Le jeune garçon parut désolé :
– Mes frères se comportent avec courage pendant que je tiens compagnie à des moutons.
Jessé comprit que son fils soit contrarié mais chacun devait accomplir son travail.
– Ce que tu fais est important et tu dois l'accomplir avec sérieux et humilité, répondit-il. Nous avons besoin de ce troupeau car les bêtes nous donnent la viande et le lait pour nous nourrir, ainsi que la laine pour nous tenir chaud. Un jour, toi aussi tu iras te battre contre nos ennemis.
Une lueur brilla dans le regard de David.
– Quand mon père ? Quand irai-je ?
– Quand le moment sera venu et pas avant, mon fils.
Et la discussion avait pris fin. On ne discute pas l'autorité d'un père, surtout lorsqu'il fait preuve d'autant de sagesse que Jessé.

* * * * *

Jessé s'empressa de fermer l'enclos pour mettre fin au jeu de la Roussette.
– Il est temps, pour toi, d'emmener le troupeau jusqu'au pâturage, David !
– Oui, père.
David prit dans ses bras un agneau encore trop jeune pour une longue marche et, la Roussette désormais sage à ses côtés, il s'en alla sur le sentier tandis que les moutons et les brebis suivaient d'une allure tranquille.
Bientôt David et son troupeau furent en vue d'une prairie verdoyante et les bêtes se dispersèrent pour se lancer à l'assaut de cette belle herbe grasse.
Le jeune berger déposa doucement l'agneau qui rejoignit sa mère en bêlant et il s'installa, le dos appuyé à un rocher, pour surveiller son troupeau.

Les heures s'écoulèrent, paisibles.
David suivait du regard les évolutions d'un aigle qui tournoyait dans le ciel quand, soudain, son attention fut attirée par les cris affolés de ses bêtes. Voyant qu'elles s'éparpillaient, et cherchant ce qui pouvait provoquer cette fuite éperdue, le berger aperçut un ours qui venait de sortir d'un bois tout proche. L'animal devait avoir faim et les brebis représentaient des proies faciles pour un tel prédateur.
Le jeune garçon était bien décidé à protéger son troupeau et, malgré le simple bâton qu'il tenait à la main, il fit quelques pas vers l'animal mais sa tentative fut stoppée net quand l'ours se dressa sur ses pattes arrière, la gueule ouverte et les crocs couverts de bave. En voyant cette masse de plus de quatre cents kilos, David comprit qu'il n'avait aucune chance face à lui.
– Il faut pourtant que je tente de les sauver !
C'est à cet instant que, pour la première fois, il entendit une voix d'une grande puissance qui s'adressait à lui :
– N'aie crainte, David ! Fais preuve de courage et rien ne t'arrivera.
Le jeune berger aurait dû être pétrifié car il était seul et cette voix semblait sortie de nulle part mais, au contraire, il se sentit envahi par un tel sentiment de paix que sa peur s'effaça.
Encouragé par cette voix, il marcha sur l'ours en poussant de grands cris et en faisant tournoyer le bâton au-dessus de sa tête. En le voyant agir ainsi, l'animal sauvage parut hésiter puis, voyant David continuer à foncer sur lui, le prédateur se hâta de faire demi-tour et il s'enfonça très vite dans les bois.
L'alerte avait été rude mais le jeune berger avait vaincu le monstre. Les jambes encore tremblantes, il se laissa tomber sur le sol, fier d'avoir protégé ses bêtes et terriblement ému d'avoir été encouragé par cette voix.
Quant au troupeau, il avait déjà oublié l'ours et s'était remis à paître l'herbe tendre. Et la journée se termina sans autre incident.

* * * * *

A peine de retour chez lui, David enferma les bêtes dans leur enclos, puis il se hâta vers la maison, impatient de raconter son exploit à son père. A sa grande surprise, il y retrouva l'un de ses frères qui avait quitté le champ de bataille pour leur rendre visite et, tous deux tombèrent dans les bras l'un de l'autre.
– Nous sommes heureux de le voir, n'est-ce pas, David ? dit le père tout ému. Ton frère est venu chercher quelques provisions car il semble que nos ennemis soient plus vaillants que nous ne le pensions.
– C'est vrai, acquiesça le soldat. Il nous faudra davantage d'efforts pour les vaincre mais nous y parviendrons.
Après avoir embrassé son frère, David le pressa de lui raconter les combats.
– Malheureusement, il n'y en a guère, répondit le soldat. Nos deux armées sont de force égale et nous campons sur nos positions depuis plusieurs semaines déjà. Sans oublier ce défi que les Philistins nous ont jeté.
Surpris par cette annonce, Jessé demanda des précisions :
– De quel défi s'agit-il donc ?
– C'est un Philistin qui quitte son camp chaque jour pour venir nous narguer. Il exige d'affronter l'un d'entre nous et le vaincu, ainsi que tous les siens, devront rendre les armes et s'en aller pour ne jamais plus revenir.
– Un seul homme ? s'étonna David.
– C'est donc une sorte de combat singulier que propose ce Philistin, dit Jessé. Mais cela peut éviter de perdre beaucoup de vies humaines et raccourcir la guerre.
Le soldat acquiesça d'un mouvement de tête.
– C'est vrai, père. Et David a raison il s'agit d'un seul homme. Pourtant si vous pouviez le voir se dresser de sa haute taille, ses épaules si larges, lourd et solide comme un roc. Le simple fait de regarder sa face inspire de la crainte, sa tête est si repoussante.
Son sac rempli de nourriture, le soldat embrassa son père et son frère, et s'éloigna sur le chemin pour regagner le champ de bataille.
– Quelle triste chose ! se lamenta Jessé après son départ. J'aimerais tant vivre en paix, entouré de tous mes enfants. Hélas ! Dieu voudra-t-il exaucer mon souhait ?
Jessé s'interrompit pour regarder son jeune fils qui préparait le repas du soir et sa peine s'apaisa.
– Si tu me racontais ta journée, David, au lieu d'écouter les plaintes de ton vieux père ?
Mais, à cet instant, l'esprit de David n'était plus rempli que de soldats courageux affrontant de redoutables géants dans de mémorables combats ; aussi répondit-il simplement :
– Tout s'est bien passé, père. Comme d'habitude.
Et c'était sans doute mieux ainsi car, si Jessé avait appris que, quelques heures plus tôt, un ours avait menacé la vie de son jeune fils, le vieil homme aurait eu beaucoup de mal à s'en remettre.

* * * * *

Les semaines continuèrent à s'écouler jusqu'à ce qu'un matin, Jessé appelle son fils. Il lui remit deux sacs pleins à ras bord et lui expliqua ce qu'il attendait de lui :
– Aujourd'hui, c'est moi qui prendrai soin du troupeau. Toi, tu vas apporter des vivres à tes frères. Ils seront heureux de te voir et, surtout, n'oublie pas de leur dire que je vais bien.
David obéit et il s'empressa de se rendre jusqu'au champ de bataille où ses frères, courageux soldats d'Israël, affrontaient les redoutables Philistins.
En arrivant sur place, le jeune garçon découvrit que l'ennemi avait installé son campement sur le versant d'une montagne et les soldats d'Israël avaient fait de même sur le versant d'une autre montagne tandis qu'une vallée les séparait ainsi que le ferait une frontière.
David fut accueilli, avec chaleur, par ses frères à qui il donna des nouvelles rassurantes de leur père. Ils lui proposèrent de partager leur repas et lui parlèrent de cette guerre qui ne voulait pas finir.
David se souvint de ce défi dont son frère avait parlé.
– Personne n'a donc combattu ce Philistin alors que vous êtes forts et courageux ? s'étonna le jeune garçon.
– Tu comprendras quand tu l'auras aperçu, répondit l'un de ses frères. Tous les jours, il revient nous haranguer. Il ne tardera plus à se montrer.

En effet, quelques instants plus tard, un Philistin sortit de son camp et vint se placer face aux soldats d'Israël. Puis, planté sur ses jambes robustes, les poings sur les hanches, il s'écria d'un ton moqueur :
– N'y aurait-il que des couards parmi les hommes d'Israël ? Ne s'en trouve-t-il pas un seul qui ait le courage de venir se mesurer à moi ?
Philistins et Israëliens s'étaient tous levés mais ils restaient à bonne distance. David découvrit, avec effroi, un véritable géant sans nul doute doté d'une force peu commune. Rares devaient être les hommes capables de l'affronter. Et pour impressionner davantage les soldats d'Israël, le Philistin leva son épée et, d'un seul coup, il fendit un rocher par son milieu.
– Mon nom est Goliath ! s'écria-t-il. Et le vôtre, quel est-il ? Je crois que c'est Lâche ou bien Pleutre.
Un murmure de réprobation parcourut l'armée d'Israël et David vit ses frères courber la tête sous l'insulte. Comme il connaissait leur bravoure, il en souffrit.
C'est alors que la voix résonna à nouveau, encore plus forte que la première fois quand l'ours le menaçait.
– Que crains-tu, jeune David ? Ne suis-je pas à tes côtés et n'as-tu pas foi en moi ?
David leva les yeux vers le ciel et il fut ébloui par une forte lueur qui illuminait les nuages, tandis que la même sérénité se répandait à travers tout son corps.
Puis, la voix reprit :
– Toi seul peux combattre Goliath et le vaincre !
David réalisa que personne, à part lui, n'avait entendu ces mots mais peu lui importait. Le jeune berger se dirigea d'un pas ferme vers le Philistin et, s'arrêtant à quelques mètres de lui, il lui cria :
– Tu veux savoir mon nom ? Je suis David et je t'ordonne, à toi, Goliath, et à tous les tiens, de quitter la terre d'Israël sans plus attendre !
A la vue du jeune garçon, Goliath éclata d'un grand rire sonore.
– Je n'ai pas l'habitude de combattre les enfants. Je vais te laisser encore quelques années à vivre, le temps que tu grandisses un peu et que tu puisses soulever une arme sans te faire mal aux bras.
Et le Phillistin rit encore, imité par tous les hommes de son camp qui n'étaient pas fâchés d'avoir un peu de distraction.
– Je relève ton défi, Goliath, aurais-tu peur ? reprit le jeune David. Tu ne peux pas refuser sinon ce sera toi le lâche ! Et tous les Philistins répéteront, sur toutes les terres à la ronde, que Goliath a fui devant David, et ils le diront jusqu'à la fin de tes jours. Il me semble que ce serait peu glorieux pour toi.
Le géant était susceptible, l'insulte le fit bouillir de rage.
– Puisque tu y tiens tant, va donc prendre ton épée, petit soldat d'Israël ! Je t'attends. Et, tu peux me croire, je guette ton retour avec beaucoup d'impatience.
David regagna le camp d'Israël où ses frères, croyant qu'il avait perdu la raison, tentèrent de le faire changer d'avis mais en vain. Il ne voulut rien écouter.
– Accepte au moins de porter le bouclier pour te protéger, lui dit le frère aîné qui ajouta : Prends également mon épée, elle est solide.
– Et que Dieu te vienne en aide ! dirent en choeur les autres frères persuadés que le pire était à venir.

Escorté par tous les soldats d'Israël, David marcha à la rencontre de Goliath.
Dès qu'il vit le jeune berger s'avancer vers lui, le Philistin leva son épée et il se mit à la faire tournoyer au-dessus de sa tête. A plus de vingt mètres à la ronde, on pouvait entendre le grondement sourd de l'air qu'elle fendait.
Plus d'un homme, parmi les plus courageux, aurait hésité à poursuivre mais David était guidé par cette force qui le remplissait et lui faisait ignorer la crainte. Il décida d'abandonner le bouclier qui le gênait et le laissa tomber sur le sol. Puis, les sages paroles de son père lui revinrent à l'esprit : " Tu es bien jeune pour pouvoir manier une véritable épée ! "
Goliath devait penser la même chose à cet instant car il lança d'un ton goguenard :
– Je vais te faire un cadeau, petit David ! Je te laisse porter le premier coup d'épée... à condition que tu sois capable de la tenir !
Les rires fusèrent parmi les Philistins et les soldats d'Israël tremblèrent d'effroi.
David baissa les yeux sur la garde de l'épée qu'il serrait très fort entre ses mains et c'est alors qu'il vit la fronde en cuir qu'il conservait toujours glissée dans sa ceinture. Elle lui avait été, plus d'une fois, d'un fameux secours et il savait l'utiliser avec beaucoup d'habileté.
Il lâcha l'épée et ramassa une pierre qu'il engagea dans sa fronde. Levant le bras bien haut, il la fit tournoyer de plus en plus vite avant de détendre son bras, de toutes ses forces, en direction du géant.
Stupéfaits, les soldats des deux camps retinrent leur souffle...
La pierre vint frapper, violemment, Goliath entre les deux yeux. Durant une interminable seconde, le Philistin sembla pétrifié, puis il vacilla sur ses jambes, avant de s'écrouler, lourdement, sur le sol où il resta sans vie.
Ce fut l'effroi chez les Philistins alors qu'une immense clameur de joie s'élevait du camp d'Israël. David vit ses frères accourir pour le féliciter et ils le portèrent sur leurs épaules, à travers leur camp, sous les acclamations de leurs soldats.

Les Philistins étaient hommes de parole. Leur champion avait perdu. Ils levèrent leur camp et, affreusement dépités, ils quittèrent la terre d'Israël. Ainsi, la paix revint et Jessé eut le bonheur de retrouver ses fils.

Peut-être voulez-vous savoir ce qu'il advint de David ?
Quant il apprit la nouvelle, le roi d'Israël vint, en personne, féliciter le jeune berger pour avoir montré tant de courage et il lui offrit sa fille en mariage ! Mais la vie de David n'en était encore qu'à son début. Quelques années plus tard, il allait devenir roi à son tour et la voix de Dieu l'accompagnerait tout au long de son règne et durant les nombreux combats qu'il aurait encore à mener.

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