Le soleil lançait ses premières lueurs et remplissait le ciel de
jaune et d'orangé. Une brise légère s'était levée, et elle agitait
joliment les hautes herbes et les fleurs si nombreuses dans ces vastes
prairies. La journée s'annonçait radieuse et agréable.
Avec une infinie patience, David tentait, depuis
quelques minutes, de faire sortir les brebis et les chèvres de l'enclos
sans en oublier aucune. Mais certaines se montraient si têtues qu'il se
demandait parfois s'il allait y parvenir. L'une d'entre elles, la
Roussette, semblait d'ailleurs prendre un malin plaisir à vouloir lui
échapper, et c'était ainsi tous les matins que Dieu fait.
Elle finit enfin par lui obéir mais en lui
jouant un tour à sa façon. Passant entre les jambes du berger, elle lui
fit perdre l'équilibre, et l'envoya à plat ventre, le nez dans la
terre.
Un grand éclat de rire salua l'exploit de la
Roussette. C'était le père de David, qui s'approcha et tendit la main à
son fils pour l'aider à se relever.
– Ne m'as-tu pas dit que tu étais capable de te battre contre nos
ennemis aussi vaillamment que le font tes frères en ce moment ? Si une
gentille petite chèvre te jette au sol, peux-tu m'expliquer comment tu
protègeras ta vie lorsque tu feras face à un valeureux guerrier en
armes ?
David se releva, honteux et contrarié d'avoir
fait montre d'une telle maladresse.
La veille, il avait tenté de convaincre son père de le laisser
rejoindre ses frères qui combattaient leurs ennemis afin de défendre
leur terre ; mais le père était resté ferme. David était le plus jeune
des huit fils de Jessé et durant l'absence de ses frères, il portait la
responsabilité de veiller sur le troupeau.
– Père, je m'entraîne à manier l'épée, avait plaidé le garçon, et je
fais de gros progrès, je vous assure.
Avec un sourire plein de tendresse, Jessé avait
répondu à son fils :
– Elle est en bois, David, et pèse à peine le dixième d'une épée en
fer. De plus, tu oublies le large bouclier que portera ta main gauche
et la cotte de maille qui pèsera lourdement sur tes jambes.
Le jeune garçon parut désolé :
– Mes frères se comportent avec courage pendant que je tiens compagnie
à des moutons.
Jessé comprit que son fils soit contrarié mais chacun devait accomplir
son
travail.
– Ce que tu fais est important et tu dois l'accomplir avec sérieux et
humilité, répondit-il. Nous avons besoin de ce troupeau car les
bêtes nous donnent la viande et le lait pour nous nourrir, ainsi que la
laine pour nous tenir chaud. Un jour, toi aussi tu iras te battre
contre nos ennemis.
Une lueur brilla dans le regard de David.
– Quand mon père ? Quand irai-je ?
– Quand le moment sera venu et pas avant, mon fils.
Et la discussion avait pris fin. On ne discute
pas l'autorité d'un père, surtout lorsqu'il fait preuve d'autant de
sagesse que Jessé.
Jessé s'empressa de fermer l'enclos pour mettre fin au jeu de la
Roussette.
– Il est temps, pour toi, d'emmener le troupeau jusqu'au pâturage,
David !
– Oui, père.
David prit dans ses bras un agneau encore trop
jeune pour une longue marche et, la Roussette désormais sage à ses
côtés, il s'en alla sur le sentier tandis que les moutons et les brebis
suivaient d'une allure tranquille.
Bientôt David et son troupeau furent en vue
d'une prairie verdoyante et les bêtes se dispersèrent pour se lancer à
l'assaut de cette belle herbe grasse.
Le jeune berger déposa doucement l'agneau qui
rejoignit sa mère en bêlant et il s'installa, le dos appuyé à un
rocher, pour surveiller son troupeau.
Les heures s'écoulèrent, paisibles.
David suivait du regard les évolutions d'un
aigle qui tournoyait dans le ciel quand, soudain, son attention fut
attirée par les cris affolés de ses bêtes. Voyant qu'elles
s'éparpillaient, et cherchant ce qui pouvait provoquer cette fuite
éperdue, le berger aperçut un ours qui venait de sortir d'un bois tout
proche. L'animal devait avoir faim et les brebis représentaient des
proies faciles pour un tel prédateur.
Le jeune garçon était bien décidé à protéger son
troupeau et, malgré le simple bâton qu'il tenait à la main, il fit
quelques pas vers l'animal mais sa tentative fut stoppée net quand
l'ours se dressa sur ses pattes arrière, la gueule ouverte et les crocs
couverts de bave. En voyant cette masse de plus de quatre cents kilos,
David comprit qu'il n'avait aucune chance face à lui.
– Il faut pourtant que je tente de les sauver !
C'est à cet instant que, pour la première fois,
il entendit une voix d'une grande puissance qui s'adressait à lui :
– N'aie crainte, David ! Fais preuve de courage et rien ne t'arrivera.
Le jeune berger aurait dû être pétrifié car il
était seul et cette voix semblait sortie de nulle part mais, au
contraire, il se sentit envahi par un tel sentiment de paix que sa peur
s'effaça.
Encouragé par cette voix, il marcha sur l'ours
en poussant de grands cris
et en faisant tournoyer le bâton au-dessus de sa tête. En le voyant
agir
ainsi,
l'animal sauvage parut hésiter puis, voyant David continuer à foncer
sur lui, le
prédateur se hâta de faire demi-tour et il s'enfonça très vite dans les
bois.
L'alerte avait été rude mais le jeune berger
avait vaincu le monstre. Les jambes encore tremblantes, il se laissa
tomber sur le sol, fier d'avoir protégé ses bêtes et terriblement ému
d'avoir été encouragé par cette voix.
Quant au troupeau, il avait déjà oublié l'ours
et s'était remis à paître l'herbe tendre. Et la journée se termina sans
autre incident.
A peine de retour chez lui, David enferma les
bêtes dans leur enclos, puis il se hâta vers la maison, impatient de
raconter son exploit à son père. A sa grande surprise, il y retrouva
l'un de ses frères qui avait quitté le champ de bataille pour leur
rendre visite et, tous deux tombèrent dans les bras l'un de l'autre.
– Nous sommes heureux de le voir, n'est-ce pas, David ? dit le père
tout ému. Ton frère est venu chercher quelques provisions car il semble
que nos ennemis soient plus vaillants que nous ne le pensions.
– C'est vrai, acquiesça le soldat. Il nous faudra davantage d'efforts
pour les vaincre mais nous y parviendrons.
Après avoir embrassé son frère, David le pressa
de lui raconter les combats.
– Malheureusement, il n'y en a guère, répondit le soldat. Nos deux
armées sont de force égale et nous campons sur nos positions depuis
plusieurs semaines déjà. Sans oublier ce défi que les Philistins nous
ont jeté.
Surpris par cette annonce, Jessé demanda des précisions :
– De quel défi s'agit-il donc ?
– C'est un Philistin qui quitte son camp chaque jour pour venir nous
narguer. Il exige d'affronter
l'un d'entre nous et le vaincu, ainsi que tous les siens, devront
rendre les armes et s'en aller pour ne jamais plus revenir.
– Un seul homme ? s'étonna David.
– C'est donc une sorte de combat
singulier que propose ce Philistin, dit Jessé. Mais cela peut éviter de
perdre beaucoup de vies humaines et
raccourcir la guerre.
Le soldat acquiesça d'un mouvement de tête.
– C'est vrai, père. Et David a raison il s'agit d'un seul homme.
Pourtant
si vous pouviez le voir se dresser de sa haute taille, ses épaules si
larges,
lourd et solide comme un roc. Le simple fait de regarder sa face
inspire de la crainte,
sa tête est si repoussante.
Son sac rempli de nourriture, le soldat embrassa
son père et son frère, et s'éloigna sur le chemin pour regagner le
champ de bataille.
– Quelle triste chose ! se lamenta Jessé après son départ. J'aimerais
tant vivre en paix, entouré de tous mes enfants. Hélas ! Dieu
voudra-t-il exaucer mon souhait ?
Jessé s'interrompit pour regarder son jeune fils
qui préparait le repas du soir et sa peine s'apaisa.
– Si tu me racontais ta journée, David, au lieu d'écouter les plaintes
de ton vieux père ?
Mais, à cet instant, l'esprit de David n'était
plus rempli que de soldats courageux affrontant de redoutables géants
dans de mémorables combats ; aussi répondit-il simplement :
– Tout s'est bien passé, père. Comme d'habitude.
Et c'était sans doute mieux ainsi car, si Jessé
avait appris que, quelques heures plus tôt, un ours avait menacé la vie
de son jeune fils, le vieil homme aurait eu beaucoup de mal à s'en
remettre.
Les semaines continuèrent à s'écouler jusqu'à ce qu'un matin, Jessé
appelle son fils. Il lui remit deux sacs pleins à ras bord et lui
expliqua ce qu'il attendait de lui :
– Aujourd'hui, c'est moi qui prendrai soin du troupeau. Toi, tu vas
apporter des vivres à tes frères. Ils seront
heureux de te voir et, surtout, n'oublie pas de leur dire que je vais
bien.
David obéit et il s'empressa de se rendre
jusqu'au champ de bataille où ses frères, courageux soldats d'Israël,
affrontaient les redoutables Philistins.
En arrivant sur place, le jeune garçon découvrit
que l'ennemi avait installé son campement sur le versant d'une montagne
et les soldats d'Israël avaient fait de même sur le versant d'une autre
montagne tandis qu'une vallée les séparait ainsi que le ferait une
frontière.
David fut accueilli, avec chaleur, par ses
frères à qui il donna des nouvelles rassurantes de leur père. Ils lui
proposèrent
de partager leur repas et lui parlèrent de cette guerre qui ne voulait
pas finir.
David se souvint de ce défi dont son frère avait parlé.
– Personne n'a donc combattu ce Philistin alors que vous êtes forts et
courageux ? s'étonna le jeune garçon.
– Tu comprendras quand tu l'auras aperçu, répondit l'un de ses frères.
Tous les jours, il revient nous haranguer. Il ne tardera plus à se
montrer.
En effet, quelques instants plus tard, un
Philistin sortit de son camp et vint se placer face aux soldats
d'Israël. Puis, planté sur ses jambes robustes, les poings sur les
hanches, il s'écria d'un ton moqueur :
– N'y aurait-il que des couards parmi les hommes d'Israël ? Ne s'en
trouve-t-il pas un seul qui ait le courage de venir se mesurer à moi ?
Philistins et Israëliens s'étaient tous levés
mais ils restaient à bonne distance. David
découvrit, avec effroi, un véritable géant sans nul doute doté d'une
force peu commune. Rares devaient être les hommes capables de
l'affronter. Et pour impressionner davantage les soldats d'Israël, le
Philistin leva son épée et, d'un seul coup, il fendit un rocher par son
milieu.
– Mon nom est Goliath ! s'écria-t-il. Et le vôtre, quel est-il ? Je
crois que c'est Lâche ou bien Pleutre.
Un murmure de réprobation parcourut l'armée
d'Israël et David vit ses frères courber la tête sous l'insulte. Comme
il connaissait leur bravoure, il en souffrit.
C'est alors que la voix résonna à nouveau,
encore plus forte que la première fois quand l'ours le menaçait.
– Que crains-tu, jeune David ? Ne suis-je pas à tes côtés et n'as-tu
pas foi en moi ?
David leva les yeux vers le ciel et il fut
ébloui par une forte lueur qui illuminait les nuages, tandis que la
même sérénité se répandait à travers tout son corps.
Puis, la voix reprit :
– Toi seul peux combattre Goliath et le vaincre !
David réalisa que personne, à part lui, n'avait
entendu ces mots mais peu lui importait. Le jeune berger se dirigea
d'un pas ferme vers le Philistin et, s'arrêtant à quelques mètres de
lui, il lui cria :
– Tu veux savoir mon nom ? Je suis David et je t'ordonne, à toi,
Goliath, et à tous les tiens, de
quitter la terre d'Israël sans plus attendre !
A la vue du jeune garçon, Goliath éclata d'un
grand rire sonore.
– Je n'ai pas l'habitude de combattre les
enfants.
Je vais te laisser encore quelques années à vivre, le temps que tu
grandisses
un peu et que tu puisses soulever une arme sans te faire mal aux bras.
Et le Phillistin rit encore, imité par tous les
hommes de son camp qui n'étaient pas fâchés d'avoir un peu de
distraction.
– Je relève ton défi, Goliath, aurais-tu peur ? reprit le jeune David.
Tu ne peux pas
refuser sinon ce sera toi le lâche ! Et tous les Philistins
répéteront, sur toutes les terres à la ronde, que Goliath a fui
devant David, et ils le diront jusqu'à la fin de tes jours. Il me
semble que ce serait peu glorieux pour toi.
Le géant était susceptible, l'insulte le fit
bouillir de rage.
– Puisque tu y tiens tant, va donc prendre ton épée, petit soldat
d'Israël ! Je t'attends. Et, tu peux me croire, je guette ton retour
avec beaucoup d'impatience.
David regagna le camp d'Israël où ses frères,
croyant qu'il avait perdu la raison, tentèrent de le faire changer
d'avis mais en vain. Il ne voulut rien écouter.
– Accepte au moins de porter le bouclier pour te protéger, lui dit le
frère aîné qui ajouta : Prends également mon épée, elle est solide.
– Et que Dieu te vienne en aide ! dirent en choeur les autres frères
persuadés que le pire était à venir.
Escorté par tous les soldats d'Israël, David
marcha à la rencontre de Goliath.
Dès qu'il vit le jeune berger s'avancer vers
lui, le Philistin leva son épée et il se mit à la faire tournoyer
au-dessus de sa tête. A plus de vingt mètres à la ronde, on pouvait
entendre le grondement sourd de l'air qu'elle fendait.
Plus d'un homme, parmi les plus courageux,
aurait hésité à poursuivre mais David était guidé par cette force qui
le remplissait et lui faisait ignorer la crainte. Il décida
d'abandonner le bouclier qui le gênait et le laissa tomber sur le sol.
Puis, les sages paroles de son
père lui revinrent à l'esprit : " Tu es bien jeune pour pouvoir manier
une véritable épée ! "
Goliath devait penser la même chose à cet
instant car il lança d'un ton goguenard :
– Je vais te faire un cadeau, petit David ! Je te laisse porter le
premier coup d'épée... à condition que tu sois capable de la tenir !
Les rires fusèrent parmi les Philistins et les
soldats d'Israël tremblèrent d'effroi.
David baissa les yeux sur la garde de l'épée
qu'il serrait très fort entre ses mains et c'est alors qu'il vit la
fronde en cuir qu'il conservait toujours glissée dans sa ceinture. Elle
lui avait été, plus d'une fois, d'un fameux secours et il savait
l'utiliser avec beaucoup d'habileté.
Il lâcha l'épée et ramassa une pierre qu'il
engagea dans sa
fronde.
Levant le bras bien haut, il la fit tournoyer de plus en plus
vite avant de détendre son bras, de toutes ses forces, en direction du
géant.
Stupéfaits, les soldats des deux camps retinrent
leur souffle...
La pierre vint frapper, violemment, Goliath
entre les deux
yeux.
Durant une interminable seconde, le Philistin sembla pétrifié, puis il
vacilla sur ses jambes, avant de s'écrouler, lourdement, sur le sol où
il resta sans vie.
Ce fut l'effroi chez les Philistins alors qu'une
immense clameur de joie s'élevait du camp
d'Israël. David vit ses frères accourir pour le féliciter et ils le
portèrent sur leurs épaules, à travers leur camp, sous les acclamations
de leurs soldats.
Les Philistins étaient hommes de parole. Leur champion avait perdu. Ils levèrent leur camp et, affreusement dépités, ils quittèrent la terre d'Israël. Ainsi, la paix revint et Jessé eut le bonheur de retrouver ses fils.
Peut-être voulez-vous savoir ce qu'il advint de David ?
Quant il apprit la nouvelle, le roi d'Israël
vint, en personne, féliciter le jeune berger pour avoir montré tant de
courage et il lui offrit sa fille en mariage ! Mais la vie de David
n'en était encore qu'à son début. Quelques années plus tard, il allait
devenir roi à son tour et la voix de Dieu l'accompagnerait tout au long
de son règne et durant les nombreux combats qu'il aurait encore à
mener.
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