XIV – Trompe-la-mort

par Ehryx

- Le chaos est une arme. Mais tâchez de savoir qui a le doigt sur la gâchette
(Kest Slender)


Kest bondit et se plaqua contre la façade. Miraculeusement, il ne semblait pas touché.
Une fraction de seconde plus tard, il accusa un moment de stupéfaction quand le corps du soldat chuta sur le bitume, étreignant toujours son fusil d'assaut. Il n'avait pas eu le temps d'appuyer sur la gâchette. Quelqu’un l’avait abattu.
Kest devait bouger. Laisser sa science du combat et de la guérilla reprendre les commandes plutôt que se fier à sa raison.
Son corps se détendit, comme s'il obéissait à une volonté propre, et se jeta derrière le véhicule civil accidenté au milieu de la route.
Une volée de plombs crépita sur sa précédente position. Evitée de justesse.
Saletés de Terrestres, aussi rapides et précis que moi. Combien au juste ?
Trop dangereux de se redresser pour compter ses assaillants, même une fraction de seconde. Au son, il supposa qu'un autre transport militaire allait faire son apparition côté opposé. Il allait être pris en tenaille. La protection des deux véhicules suffisait contre des soldats de base, fussent-ils entraînés et expérimentés, pas contre des tireurs de d'élite susceptibles de lui faire sauter la cervelle en quelques dixièmes de seconde.
Kest ne pouvait rester inactif. Son sort allait se jouer dans les prochains instants.

Il s'agenouilla, et tira à l'aveuglette sous les véhicules, à une dizaine de reprises. Les voix des Terrestres lui indiquèrent que plusieurs avaient bien été touchés aux pieds.
La prochaine fois vous blinderez aussi vos godasses.
Mais il n'obtint pas la panique escomptée. Les qualités de leur élite incluaient une bonne dose de sang-froid.
Kest se retrancha dans un angle où les roues le protégeaient ; comme il l'avait craint, ses adversaires ripostèrent sur un mode similaire, canardant sous le châssis. Les coups de feu retentissaient dans toutes les directions, leurs sons rebondissaient sur les façades des bâtiments. La situation dépassait ses facultés de perception et d'analyse. Impossible désormais de déduire la position et le nombre des attaquants.
Les membres du Terrestre n'avaient aucune raison de venir le chercher ; ils mettraient la main sur l'un des armements lourds de la cité et le tueraient à distance. Ou un simple soldat apparaîtrait du côté opposé et le descendrait sans sommation. Le tireur qui avait shooté depuis la ruelle devait être en train de l'ajuster dans son viseur.
Il haletait et se sentait dans du coton. Il était blessé. Où déjà ? Et est-ce que ça importe vraiment quand on est sur le point de mourir ?

Il détourna son attention des Terrestres et observa le côté opposé.
Le tireur de la ruelle gisait au sol.
Le second sniper aperçu sur les toits était immobile, un bras pendant en contrebas.
Et à peine discernable, dans la fumée causée par l'incendie du tout-terrain, pointait le canon d'un lance-roquette.

Kest eut un affreux moment de doute. Se pouvait-il qu'il soit pris en tenaille entre les soldats Techs et un commando de Fidèles ? Tomber entre leurs mains serait pire que mourir. Peut-être devrait-il, après tout, laisser les Terrestres le tuer ?
Il eut le réflexe de se couvrir le visage quand la roquette fusa. Elle explosa contre le bâtiment sur l'autre bord de la rue, faisant pleuvoir gravats et éclats de béton sur tout le périmètre. Cette fois, les combattants d'élite reculèrent, et lancèrent des ordres contradictoires.

Une chape de fumée se propagea sur toute la largeur du chemin, les voilant aux regards des membres du Terrestre.
Habile. Nous masquer à leurs regards plutôt que de les massacrer. Mais nous ne faisons que retarder l'échéance.

Kest crispa sa main sur la détente en voyant s'avancer son « sauveur ». La silhouette lui parut familière, mais le visage lui était inconnu. Plus surprenant, il s'agissait bien d'un Tech, portant les vêtements d'un garde de la cité.
« Hey, Kest ! C'est ton hobby de visiter les villes où on veut ta peau ? »

Slender poussa un soupir de soulagement, et se releva avec un sourire triste sur les lèvres. Ses chances de survie venaient de remonter à une sur un million.
Mist le défendait contre les Techs comme il l’avait défendu contre les Fidèles. Ca ne manquait pas d’ironie.
C’est peut-être le seul à être dans mon « camp ». Dommage, je n’aurai jamais l’occasion de lui expliquer l’anti-darwinisme. Ca l'aurait vivement intéressé...


Kest lui intima de garder le silence. Les volutes de fumée embrumant la rue leur donnaient un avantage énorme, mais parler à voix haute révèlerait leurs positions. Il s’éloigna des véhicules accidentés, mais garda ses distances avec le Outline. Trop proches, ils se seraient mutuellement gênés.
Mist usa sa seconde roquette sur la façade opposée, bouchant littéralement le passage jusqu’au consulat. Puis il jeta le lanceur devenu inutile, et dégaina deux Beretta.
Kest éjecta et remplaça le chargeur de son arme.
Ils entendaient bien une foule de voix dans le lointain, mais ni coup de feu, ni assaillant.

Et à cinquante mètres d’eux, un groupe de plusieurs dizaines de soldats… Hésitaient.
– Sworn a ordonné de le tuer, martelait le premier, et on sait tous qu’il redoutait une attaque de l’intérieur par les Fidèles. On y va, on l’arrose avec une douzaine de fusils mitrailleurs, et c’est terminé.
– Mercs hurlait sur la fréquence d’urgence, ripostait le second, que ceux qui tireraient sur Slender seraient exilés jusqu’en Tasmanie. Moi, ça me paraît pas clair.
– Parce que tu comprends ce qui se dit sur la fréquence d’urgence ? s'étonnait un troisième. Ou sur les autres, d’ailleurs. Jamais entendu un tel foutoir. En l’espace de deux minutes tous les consuls et les officiers militaires se sont mis à gueuler.
– C'est Sworn qui dirige la sécurité, reprenait le premier. C'est lui qui donne les ordres. Mercs n’a qu'à retourner s'occuper de sa diplomatie. C'est à cause de types comme ça, qui mettent leur nez dans tout et n'importe quoi, qu'on se retrouve dans ce genre de chaos. Depuis le début, on devrait être en marche ordonnée pour se débarrasser de ce Kest.
– Pauvre con, intervint un quatrième. Comment tu peux croire à un assaut des Fidèles ? Vous devenez aussi siphonnés qu'eux ! C'est un mec seul, un Tech, vous croyez qu'il monte une attaque en solo contre nous tous ? Je risque ma vie pour Alice Springs, pas pour défendre Sworn dans un conflit d'intérêt entre consuls !
– Nos frères tombent sous ses balles pendant que vous tergiversez !
– C'est faux, il n'a tué personne !

Et ainsi de suite.

Pendant que la chaîne de commandement des Techs s'effondrait comme un château de cartes, Kest et Mist investissaient l’une des résidences ouvrant sur la rue où s’étaient succédés véhicules accidentés, morts par balle, tirs de roquette et plusieurs dizaines de chargeurs vidés, le tout en moins de trois minutes.
– Pas convaincu par ton idée, haleta Mist. On va se faire piéger comme des lapins.
– Garde ton souffle et fais-moi confiance. Je connais toutes les failles dans la sécurité d’Alice Springs.
– Et tu leur as rien signalé ?
– On m’a rangé dans la catégorie des scientifiques ; et les militaires prennent rarement au sérieux ce qu’un scientifique peut leur dire sur leurs défenses. Tu as autre chose, à part tes flingues miniatures ?
– Une paire de grenades à l’air louche. J’aurais embarqué des grenades d’entraînement que ça ne m’étonnerait pas. J’ai aussi des fumigènes dans un état douteux. J’aurais cru les soldats locaux mieux équipés.
– On ira pas loin avec ça.


Un seul civil croisa leur route, et surtout le poing de Mist ; il resta assommé, à demi mort, sans que l’Outline interrompe sa course. Ils avaient atteint l'issue de secours de la résidence, placée sous une cage d’escalier. De minces fenêtres poussiéreuses l’encadraient, placées au niveau des yeux, et hautes de quelques centimètres. Des fentes conçues pour laisser filtrer la lumière, mais qui seraient parfaites pour observer la rue.
Un fracas d’explosion retentit dans leur dos, pas très loin.
– Foutus incapables, maugréa Kest. Seraient fichus de nucléariser une ville pour tuer un moustique.
– C’est un peu ce qu’on reproche aux Techs. On ne te l’avait pas dit ? Les Techs sont les héritiers directs de l’ancien monde. Les « anciens » étaient des Techs. En attendant, je suis un rien déçu par leur élite, plaisanta Mist. A t’avoir vu combattre, je m’attendais presque à une sorte d’armée de Kest surentraînés.
– Nous avons eu de la chance. Il y a au moins trois centaines de membres du Terrestres comparables à moi en vitesse et en réflexes.


Un frisson parcourut l’échine du Outline lorsqu’il se représenta une armée de trois cents hommes du calibre de Kest. Ou comparables à ses qualités physiques, corrigea-t-il mentalement. Kest est spécial. Aucun soldat Tech rationnel ne serait aussi kamikaze que lui. J’ignore ce qui est arrivé au consulat, mais n’importe qui aurait tenté de se rendre ou de négocier, même en situation désespérée.
– Bon, on va peut-être y aller ? suggéra Mist. Il est tard, il va bientôt faire nuit, faut qu’on se couche tôt pour reprendre la route…
– On patiente encore un peu. Avec ce qu’ils ont balancé, ces imbéciles doivent nous croire réduits en chips. Laissons leur croire qu’ils nous ont eus.

Mist trépignait, les nerfs à vif.
– Kest, ça sert à rien d’attendre. Ils vont nous repérer de toute manière. Et toutes les forces armées d’Alice Springs vont converger pour boucler le périmètre.
– Va savoir… Les connaissant, je ne pense pas qu’ils soient du genre à abandonner la défense de la ville pour chercher un seul type. Les consuls pourront crier tant qu’ils voudront.
– Kest, ils n’ont pas besoin de ramener toutes leurs forces. Il faut qu’on se barre maintenant, pendant qu’ils relâchent leur attention !
– D’accord, d’accord, je vais te faire confiance sur ce coup-là. Tu as quoi en visuel ?


Mist jeta un œil à travers les agglomérats de poussière, balayant la rue du regard.
– Du mal à distinguer civils et militaires. Y a du monde. Trop de monde, bon sang !
– Ca nous arrange, Mist. Ca nous arrange. Repère une route et balance un fumigène. Tire quelques coups de feu en l'air quand la fumée est assez épaisse, ça sèmera un peu de désordre.


Mist hocha la tête. Il fixa du regard le chemin à emprunter : se faufiler derrière un groupe de passants, sauter un étalage et foncer dans une ruelle à largeur d'homme. Aucune trace de vie dans celle-ci... Pour ce qu'il pouvait en percevoir.
Je vais devenir aussi téméraire que Kest ; si on me laisse le temps de devenir quoi que ce soit.

Puis il entrouvrit l'issue de secours, dégoupilla, et fit rouler la grenade au milieu de la chaussée.

Comme Mist l'avait craint, l'explosif n'était pas en très bon état. Au lieu de dégager rapidement son nuage de fumée, la grenade parut ne vouloir en souffler que quelques centimètres cube... Puis elle éclata à demi, dans un bruit d'explosion étouffée. Mist fut surpris... Mais pas autant que la trentaine de Techs qui se trouvaient dans les parages.
Quelqu'un cria « à couvert ! » ; un véhicule freina en urgence, fut tamponné par un autre ; plusieurs gardes eurent le réflexe de dégainer leurs armes.
Un vent de panique soufflait sur la rue, tandis qu'un nuage de fumée blanche, épais d'une dizaine de mètres, remplissait la chaussée. Kest posa sa main valide sur l'épaule de Mist, et le laissa le guider.

Mist tira en l'air. Acculer les Techs, les laisser être envahis par la terreur, la panique. Même le meilleur membre du Terrestre prendra peur et cherchera un abri plutôt que de riposter, dans des conditions pareilles ! A lui aussi, cela semblait une bonne idée.
Jamais il ne sut qui, et pourquoi, déclencha réellement les hostilités. Sans doute un soldat inexpérimenté et à cran pressa-t-il la détente – presque par accident ? Et selon toute vraisemblance, son coup de feu toucha un autre porte-flingue, ou s’en approcha assez pour être jugé menaçant. Et ainsi, quelqu’un y répondit par un autre tir, à l’aveugle.
C’était tellement stupide. Tellement dangereux.
Tellement assassin.
La peur de ne pas savoir ce qui vous attaque. La peur de ne rien faire quand une simple rafale à l’aveuglette pourrait vous sauver la vie. La paranoïa entretenue par les rumeurs d’une armée de Fidèles grossissant ses rangs aux portes d’Alice Springs, recrutant parmi les habitants eux-mêmes, les enjoignant à trahir les leurs pour un idéal absurde mais si séduisant.
Alors, quelqu’un vida son chargeur dans la foule.
Mais cela ne suffisait pas encore. Il se trouva bien un imbécile paniqué, au milieu des volutes de fumée, pour crier que seuls des Fidèles pouvaient ouvrir ainsi le feu en plein cœur du sanctuaire Tech : c’est la guerre ! Aux armes !

Mist sentit son sang se glacer dans ses veines. Des dizaines de personnes tiraient au hasard, vidaient puis remplaçaient leurs chargeurs, dans une rue large de huit mètres, sans le moindre recoin pour se mettre à couvert, une couche de fumigène séparant chaque tireur de ses supposées cibles. Et lui, les tympans saturés des détonations, des cris de Techs blessés ou mourant, courait à l’aveuglette, à la recherche d’une issue repérée d’un seul coup d’œil, une main en rempart devant lui, Kest crispé sur son épaule à sa suite.
Une balle siffla dans son épaisse chevelure, une autre sembla lui passer entre les jambes. Il faillit se prendre les pieds dans un corps gisant à terre, dut le contourner alors que les volées de coups de feu se poursuivaient. Comme soufflées par un improbable dieu Outline, les trajectoires des balles le frôlaient sans jamais le toucher.
Il lui semblait entendre de nouveaux combattants se joindre aux rangs, à la bataille. Mais à quels rangs et à quelle bataille ?
C’était ça, les Techs endurcis de la mythique Alice Springs, de la forteresse la plus imprenable de l’Australie ?

Ils y étaient. Les dernières secondes lui avaient paru durer des heures. Ils avaient atteint cette ruelle repérée depuis l’autre bord de la rue, depuis l’autre bord du monde ! La fumée ne s’y était pas encore engouffrée.
Un Terrestre épiait depuis le bout de la ruelle. Les reconnut. Cria d’une voix de stentor « Kest est ici ! », pour ameuter des renforts.
Ne se recula pas assez vite – peut-être la fumée les masquait-elle un peu – et ne put empêcher les Beretta de Mist de lui loger deux balles dans le front.

Finalement, la chance ne les portait pas dans son cœur. Mais il restait la voie de secours, qu’il avait aussi intégré dans son tracé. Il attrapa Kest par le bras, et le traîna à sa suite, à quelques mètres à peine, sous le minuscule porche de l’une des résidences. Mist ouvrit la porte avec fracas.
Quatre Techs tremblant mais armés étaient blottis derrière l’entrée.
Ses pistolets chantèrent, hommes et femmes tombèrent comme des sacs au sol ; sans un cri, tués net.
– Arrête, Mist. Laisse-moi ici et barre-toi. Avec ton polymorphisme tu peux encore te sortir d’ici.

La voix était faible, chevrotante. Une partie de Mist savait déjà à quoi s’en tenir. Elle avait perçu les sursauts de Slender quand deux balles l’avaient transpercé, au cours de la fusillade. Mais la partie aux commandes, celle qui lui servait de conscience, y restait sourde.
– Tu me suis et on s’en sortira. Je ne t’ai pas évité la mort par les Fidèles pour te laisser mourir de la main des Techs.

Il nous faut reprendre notre souffle, panser nos blessures, lui dictait sa conscience. La situation dans le quartier était chaotique ; les autorités Techs ne contrôlaient plus rien, à supposer qu’ils aient jamais contrôlé quoi que ce soit. Ils pouvaient se faire oublier une heure, un jour même ! Quitter la ville à la nuit tombée ! Il monta une volée d’escaliers, trouva une pièce ouverte, allongea Kest sur le plancher. Referma la porte, renversa une armoire pour la bloquer.
– Ca suffit, Mist.


L’adrénaline ne parvenait plus à lui faire oublier la douleur. Kest souffrait. Mist ne le sauverait pas avec un garrot, une poignée de bandages et quelques heures de repos. Une balle, celle de Sworn, lui avait ouvert le cuir chevelu. Une seconde avait pénétré son épaule sans en ressortir. Des éclats de verres avaient profondément ouvert son pied et sa hanche. Une troisième balle l’avait touché au flanc, et non pas effleuré, cadeau du sniper sur le toit. Une quatrième et une cinquième lui avaient perforé les poumons, trop près du cœur. Il perdait trop de sang.
Les yeux de Mist semblaient emplis de folie et de rage. Le Outline était prêt à affronter les trois mille soldats d’Alice Springs s’il le fallait. Mais pas à accepter la mort de Kest.
– Mist, je n’irai pas à Darwin.
– Arrête, Kest !
– Tais-toi, Mist. Et écoute-moi attentivement. Les Slender ont installé leur dernier laboratoire aux abords de la cité de Darwin il y a deux ans et demi, à l’insu des consuls. Je devais m’y rendre au bout de cinq années, après avoir effectué d’autres recherches auprès de Hobart, en Tasmanie. S’ils m’ont rappelé aussi tôt, c’est qu’ils ont dû faire une découverte majeure.
– Hobart, l’autre ville interdite ? Celle qui est, comme Darwin, inaccessible à cause des radiations ?
– Exactement. Nous étudions ces villes mortes pour tenter de prouver, ou développer, la théorie de l’anti-darwinisme.
– Je ne sais même pas en quoi consiste cette foutue théorie !
– Tu trouveras quelqu’un pour te l’expliquer. Tu dois prendre ma place, Mist. Dis aux Slender ce que je suis devenu, et aide-les, avec tes capacités. Pour eux je suis plus un mercenaire digne de confiance qu’un chercheur. Tu feras parfaitement l’affaire. Personne ne ferait aussi bien l’affaire, pour tout te dire. Et prends mon blaster.

Kest lui tendit son arme. Elle était trois fois plus lourde que les deux pistolets de Mist réunis.
– Il est unique en son genre. Ils le reconnaîtront et sauront qui t’envoie.
– Tu crois que je saurai retrouver leur labo ? Tu crois que Craft acceptera de me parler ?
– Les habitants du coin sauront t’indiquer le seul clan Tech de la région, sois-en sûr. Quant à Craft… Oublie-le.
– L’oublier ? Mais c’est lui qui t’a commandé de venir !

Kest toussa du sang, essaya de retrouver son souffle. Parler devenait si difficile. Et il aurait eu tant à dire.
– Craft n’a jamais écrit cette lettre, Mist. Craft n’est que le théoricien du clan Slender ; ce n’en est pas le seul membre. C’est seulement son sceau qui a été utilisé. L’auteur du message est sans aucun doute Elton Slender, l’assistant de mon père. Je n’ai plus eu de contact avec Craft depuis la bataille de Brisbane, il ne me l’a jamais... Pardonné…

Il toussa encore. Quelques minutes encore. S’il vous plaît.
– Mist, aide-les, et quoiqu’ils trouvent, aide-les à diffuser leurs découvertes, chez les Techs, chez tous les autres… Aide-les… Quant à moi, tu sais... J’aimerais tant croire que je vais enfin avoir la réponse à mes questions… J’aimerais tant... Croire...


Ce n’est que deux heures plus tard, guidés par les témoignages, les cadavres et le sang répandu par Kest, qu’ils le retrouvèrent. Après avoir assuré et répété que Earl avait repris le contrôle de la situation, mis aux arrêts les consuls rebelles, et fait respecter le cessez-le-feu sur toute la cité, ils durent se résoudre à enfoncer la porte, les croyant tous deux morts ou agonisant. Mist les accueillit à coups de balles en pleine tête, en plein cœur, ajustées avec son habituelle précision d’orfèvre.
Les membres du Terrestre assignés au quartier, redoutant le même sort, attendirent que Mercs en personne intervienne.
Il fallut utiliser un gaz soporifique pour que le Outline cesse de résister. Quand le consul put enfin accéder à la pièce, dans son sommeil et ses Beretta aux poings, Mist étreignait encore, dans un geste protecteur, le corps ensanglanté de Kest. Comme s’il avait voulu le défendre jusque dans son passage dans l’au-delà.

A suivre...

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