Kest bondit et se plaqua contre la façade.
Miraculeusement, il ne semblait pas touché.
Une fraction de seconde plus tard,
il accusa un moment de stupéfaction quand le corps du soldat
chuta sur le bitume, étreignant toujours son fusil d'assaut.
Il n'avait pas eu le temps d'appuyer sur la gâchette.
Quelqu’un l’avait abattu.
Kest devait bouger. Laisser sa
science du combat et de la guérilla reprendre les commandes
plutôt que se fier à sa raison.
Son corps se détendit,
comme s'il obéissait à une volonté
propre, et se jeta derrière le véhicule civil
accidenté au milieu de la route.
Une volée de plombs
crépita sur sa précédente position.
Evitée de justesse.
Saletés de
Terrestres, aussi rapides et précis que moi. Combien au
juste ?
Trop dangereux de se redresser pour
compter ses assaillants, même une fraction de seconde. Au
son, il supposa qu'un autre transport militaire allait faire son
apparition côté opposé. Il allait
être pris en tenaille. La protection des deux
véhicules suffisait contre des soldats de base, fussent-ils
entraînés et expérimentés,
pas contre des tireurs de d'élite susceptibles de lui faire
sauter la cervelle en quelques dixièmes de seconde.
Kest ne pouvait rester inactif. Son
sort allait se jouer dans les prochains instants.
Il s'agenouilla, et tira
à l'aveuglette sous les véhicules, à
une dizaine de reprises. Les voix des Terrestres lui
indiquèrent que plusieurs avaient bien
été touchés aux pieds.
La prochaine fois vous
blinderez aussi vos godasses.
Mais il n'obtint pas la panique
escomptée. Les qualités de leur élite
incluaient une bonne dose de sang-froid.
Kest se retrancha dans un angle
où les roues le protégeaient ; comme il l'avait
craint, ses adversaires ripostèrent sur un mode similaire,
canardant sous le châssis. Les coups de feu retentissaient
dans toutes les directions, leurs sons rebondissaient sur les
façades des bâtiments. La situation
dépassait ses facultés de perception et
d'analyse. Impossible désormais de déduire la
position et le nombre des attaquants.
Les membres du Terrestre n'avaient
aucune raison de venir le chercher ; ils mettraient la main sur l'un
des armements lourds de la cité et le tueraient à
distance. Ou un simple soldat apparaîtrait du
côté opposé et le descendrait sans
sommation. Le tireur qui avait shooté depuis la ruelle
devait être en train de l'ajuster dans son viseur.
Il haletait et se sentait dans du
coton. Il était blessé. Où
déjà ? Et est-ce que ça importe
vraiment quand on est sur le point de mourir ?
Il détourna son
attention des Terrestres et observa le côté
opposé.
Le tireur de la ruelle gisait au
sol.
Le second sniper aperçu
sur les toits était immobile, un bras pendant en contrebas.
Et à peine discernable,
dans la fumée causée par l'incendie du
tout-terrain, pointait le canon d'un lance-roquette.
Kest eut un affreux moment de
doute. Se pouvait-il qu'il soit pris en tenaille entre les soldats
Techs et un commando de Fidèles ? Tomber entre leurs mains
serait pire que mourir. Peut-être devrait-il,
après tout, laisser les Terrestres le tuer ?
Il eut le réflexe de se
couvrir le visage quand la roquette fusa. Elle explosa contre le
bâtiment sur l'autre bord de la rue, faisant pleuvoir gravats
et éclats de béton sur tout le
périmètre. Cette fois, les combattants
d'élite reculèrent, et lancèrent des
ordres contradictoires.
Une chape de fumée se
propagea sur toute la largeur du chemin, les voilant aux regards des
membres du Terrestre.
Habile. Nous masquer à leurs regards
plutôt que de les massacrer. Mais nous ne faisons que
retarder l'échéance.
Kest crispa sa main sur la
détente en voyant s'avancer son « sauveur
». La silhouette lui parut familière, mais le
visage lui était inconnu. Plus surprenant, il s'agissait
bien d'un Tech, portant les vêtements d'un garde de la
cité.
« Hey, Kest ! C'est ton hobby de visiter les villes
où on veut ta peau ? »
Slender poussa un soupir de
soulagement, et se releva avec un sourire triste sur les
lèvres. Ses chances de survie venaient de remonter
à une sur un million.
Mist le défendait contre
les Techs comme il l’avait défendu contre les
Fidèles. Ca ne manquait pas d’ironie.
C’est peut-être le seul à
être dans mon « camp ». Dommage, je
n’aurai jamais l’occasion de lui expliquer
l’anti-darwinisme. Ca l'aurait vivement
intéressé...
Kest lui intima de garder le
silence. Les volutes de fumée embrumant la rue leur
donnaient un avantage énorme, mais parler à voix
haute révèlerait leurs positions. Il
s’éloigna des véhicules
accidentés, mais garda ses distances avec le Outline. Trop
proches, ils se seraient mutuellement gênés.
Mist usa sa seconde roquette sur la
façade opposée, bouchant littéralement
le passage jusqu’au consulat. Puis il jeta le lanceur devenu
inutile, et dégaina deux Beretta.
Kest éjecta et
remplaça le chargeur de son arme.
Ils entendaient bien une foule de
voix dans le lointain, mais ni coup de feu, ni assaillant.
Et à cinquante
mètres d’eux, un groupe de plusieurs dizaines de
soldats… Hésitaient.
– Sworn a ordonné de le tuer, martelait le
premier, et on sait tous qu’il redoutait une attaque de
l’intérieur par les Fidèles. On y va,
on l’arrose avec une douzaine de fusils mitrailleurs, et
c’est terminé.
– Mercs hurlait sur la fréquence
d’urgence, ripostait le second, que ceux qui tireraient sur
Slender seraient exilés jusqu’en Tasmanie. Moi,
ça me paraît pas clair.
– Parce que tu comprends ce qui se dit sur la
fréquence d’urgence ? s'étonnait un
troisième. Ou sur les autres, d’ailleurs. Jamais
entendu un tel foutoir. En l’espace de deux minutes tous les
consuls et les officiers militaires se sont mis à gueuler.
– C'est Sworn qui dirige la sécurité,
reprenait le premier. C'est lui qui donne les ordres. Mercs
n’a qu'à retourner s'occuper de sa diplomatie.
C'est à cause de types comme ça, qui mettent leur
nez dans tout et n'importe quoi, qu'on se retrouve dans ce genre de
chaos. Depuis le début, on devrait être en marche
ordonnée pour se débarrasser de ce Kest.
– Pauvre con, intervint un quatrième. Comment tu
peux croire à un assaut des Fidèles ? Vous
devenez aussi siphonnés qu'eux ! C'est un mec seul, un Tech,
vous croyez qu'il monte une attaque en solo contre nous tous ? Je
risque ma vie pour Alice Springs, pas pour défendre Sworn
dans un conflit d'intérêt entre consuls !
– Nos frères tombent sous ses balles pendant que
vous tergiversez !
– C'est faux, il n'a tué personne !
Et ainsi de suite.
Pendant que la chaîne de
commandement des Techs s'effondrait comme un château de
cartes, Kest et Mist investissaient l’une des
résidences ouvrant sur la rue où
s’étaient succédés
véhicules accidentés, morts par balle, tirs de
roquette et plusieurs dizaines de chargeurs vidés, le tout
en moins de trois minutes.
– Pas convaincu par ton idée, haleta Mist. On va
se faire piéger comme des lapins.
– Garde ton souffle et fais-moi confiance. Je connais toutes
les failles dans la sécurité d’Alice
Springs.
– Et tu leur as rien signalé ?
– On m’a rangé dans la
catégorie des scientifiques ; et les militaires prennent
rarement au sérieux ce qu’un scientifique peut
leur dire sur leurs défenses. Tu as autre chose,
à part tes flingues miniatures ?
– Une paire de grenades à l’air louche.
J’aurais embarqué des grenades
d’entraînement que ça ne
m’étonnerait pas. J’ai aussi des
fumigènes dans un état douteux.
J’aurais cru les soldats locaux mieux
équipés.
– On ira pas loin avec ça.
Un seul civil croisa leur route, et
surtout le poing de Mist ; il resta assommé, à
demi mort, sans que l’Outline interrompe sa course. Ils
avaient atteint l'issue de secours de la résidence,
placée sous une cage d’escalier. De minces
fenêtres poussiéreuses l’encadraient,
placées au niveau des yeux, et hautes de quelques
centimètres. Des fentes conçues pour laisser
filtrer la lumière, mais qui seraient parfaites pour
observer la rue.
Un fracas d’explosion
retentit dans leur dos, pas très loin.
– Foutus incapables, maugréa Kest. Seraient fichus
de nucléariser une ville pour tuer un moustique.
– C’est un peu ce qu’on reproche aux
Techs. On ne te l’avait pas dit ? Les Techs sont les
héritiers directs de l’ancien monde. Les
« anciens » étaient des Techs. En
attendant, je suis un rien déçu par leur
élite, plaisanta Mist. A t’avoir vu combattre, je
m’attendais presque à une sorte
d’armée de Kest surentraînés.
– Nous avons eu de la chance. Il y a au moins trois centaines
de membres du Terrestres comparables à moi en vitesse et en
réflexes.
Un frisson parcourut
l’échine du Outline lorsqu’il se
représenta une armée de trois cents hommes du
calibre de Kest. Ou comparables à ses
qualités physiques, corrigea-t-il mentalement.
Kest est spécial. Aucun soldat Tech rationnel ne serait
aussi kamikaze que lui. J’ignore ce qui est arrivé
au consulat, mais n’importe qui aurait tenté de se
rendre ou de négocier, même en situation
désespérée.
– Bon, on va peut-être y aller ? suggéra
Mist. Il est tard, il va bientôt faire nuit, faut
qu’on se couche tôt pour reprendre la
route…
– On patiente encore un peu. Avec ce qu’ils ont
balancé, ces imbéciles doivent nous croire
réduits en chips. Laissons leur croire qu’ils nous
ont eus.
Mist trépignait, les
nerfs à vif.
– Kest, ça sert à rien
d’attendre. Ils vont nous repérer de toute
manière. Et toutes les forces armées
d’Alice Springs vont converger pour boucler le
périmètre.
– Va savoir… Les connaissant, je ne pense pas
qu’ils soient du genre à abandonner la
défense de la ville pour chercher un seul type. Les consuls
pourront crier tant qu’ils voudront.
– Kest, ils n’ont pas besoin de ramener toutes
leurs forces. Il faut qu’on se barre maintenant, pendant
qu’ils relâchent leur attention !
– D’accord, d’accord, je vais te faire
confiance sur ce coup-là. Tu as quoi en visuel ?
Mist jeta un œil
à travers les agglomérats de
poussière, balayant la rue du regard.
– Du mal à distinguer civils et militaires. Y a du
monde. Trop de monde, bon sang !
– Ca nous arrange, Mist. Ca nous arrange. Repère
une route et balance un fumigène. Tire quelques coups de feu
en l'air quand la fumée est assez épaisse,
ça sèmera un peu de désordre.
Mist hocha la tête. Il
fixa du regard le chemin à emprunter : se faufiler
derrière un groupe de passants, sauter un étalage
et foncer dans une ruelle à largeur d'homme. Aucune trace de
vie dans celle-ci... Pour ce qu'il pouvait en percevoir.
Je vais devenir aussi téméraire que Kest
; si on me laisse le temps de devenir quoi que ce soit.
Puis il entrouvrit l'issue de
secours, dégoupilla, et fit rouler la grenade au milieu de
la chaussée.
Comme Mist l'avait craint,
l'explosif n'était pas en très bon
état. Au lieu de dégager rapidement son nuage de
fumée, la grenade parut ne vouloir en souffler que quelques
centimètres cube... Puis elle éclata à
demi, dans un bruit d'explosion étouffée. Mist
fut surpris... Mais pas autant que la trentaine de Techs qui se
trouvaient dans les parages.
Quelqu'un cria «
à couvert ! » ; un véhicule freina en
urgence, fut tamponné par un autre ; plusieurs gardes eurent
le réflexe de dégainer leurs armes.
Un vent de panique soufflait sur la
rue, tandis qu'un nuage de fumée blanche, épais
d'une dizaine de mètres, remplissait la chaussée.
Kest posa sa main valide sur l'épaule de Mist, et le laissa
le guider.
Mist tira en l'air. Acculer les
Techs, les laisser être envahis par la terreur, la panique.
Même le meilleur membre du Terrestre prendra peur et
cherchera un abri plutôt que de riposter, dans des conditions
pareilles ! A lui aussi, cela semblait une bonne idée.
Jamais il ne sut qui, et pourquoi,
déclencha réellement les hostilités.
Sans doute un soldat inexpérimenté et
à cran pressa-t-il la détente – presque
par accident ? Et selon toute vraisemblance, son coup de feu toucha un
autre porte-flingue, ou s’en approcha assez pour
être jugé menaçant. Et ainsi,
quelqu’un y répondit par un autre tir,
à l’aveugle.
C’était
tellement stupide. Tellement dangereux.
Tellement assassin.
La peur de ne pas savoir ce qui
vous attaque. La peur de ne rien faire quand une simple rafale
à l’aveuglette pourrait vous sauver la vie. La
paranoïa entretenue par les rumeurs d’une
armée de Fidèles grossissant ses rangs aux portes
d’Alice Springs, recrutant parmi les habitants
eux-mêmes, les enjoignant à trahir les leurs pour
un idéal absurde mais si séduisant.
Alors, quelqu’un vida son
chargeur dans la foule.
Mais cela ne suffisait pas encore.
Il se trouva bien un imbécile paniqué, au milieu
des volutes de fumée, pour crier que seuls des
Fidèles pouvaient ouvrir ainsi le feu en plein
cœur du sanctuaire Tech : c’est la guerre ! Aux
armes !
Mist sentit son sang se glacer dans
ses veines. Des dizaines de personnes tiraient au hasard, vidaient puis
remplaçaient leurs chargeurs, dans une rue large de huit
mètres, sans le moindre recoin pour se mettre à
couvert, une couche de fumigène séparant chaque
tireur de ses supposées cibles. Et lui, les tympans
saturés des détonations, des cris de Techs
blessés ou mourant, courait à
l’aveuglette, à la recherche d’une issue
repérée d’un seul coup
d’œil, une main en rempart devant lui, Kest
crispé sur son épaule à sa suite.
Une balle siffla dans son
épaisse chevelure, une autre sembla lui passer entre les
jambes. Il faillit se prendre les pieds dans un corps gisant
à terre, dut le contourner alors que les volées
de coups de feu se poursuivaient. Comme soufflées par un
improbable dieu Outline, les trajectoires des balles le
frôlaient sans jamais le toucher.
Il lui semblait entendre de
nouveaux combattants se joindre aux rangs, à la bataille.
Mais à quels rangs et à quelle bataille ?
C’était
ça, les Techs endurcis de la mythique Alice Springs, de la
forteresse la plus imprenable de l’Australie ?
Ils y étaient. Les
dernières secondes lui avaient paru durer des heures. Ils
avaient atteint cette ruelle repérée depuis
l’autre bord de la rue, depuis l’autre bord du
monde ! La fumée ne s’y était pas
encore engouffrée.
Un Terrestre épiait
depuis le bout de la ruelle. Les reconnut. Cria d’une voix de
stentor « Kest est ici ! », pour ameuter des
renforts.
Ne se recula pas assez vite
– peut-être la fumée les masquait-elle
un peu – et ne put empêcher les Beretta de Mist de
lui loger deux balles dans le front.
Finalement, la chance ne les
portait pas dans son cœur. Mais il restait la voie de
secours, qu’il avait aussi intégré dans
son tracé. Il attrapa Kest par le bras, et le
traîna à sa suite, à quelques
mètres à peine, sous le minuscule porche de
l’une des résidences. Mist ouvrit la porte avec
fracas.
Quatre Techs tremblant mais
armés étaient blottis derrière
l’entrée.
Ses pistolets
chantèrent, hommes et femmes tombèrent comme des
sacs au sol ; sans un cri, tués net.
– Arrête, Mist. Laisse-moi ici et barre-toi. Avec
ton polymorphisme tu peux encore te sortir d’ici.
La voix était faible,
chevrotante. Une partie de Mist savait déjà
à quoi s’en tenir. Elle avait perçu les
sursauts de Slender quand deux balles l’avaient
transpercé, au cours de la fusillade. Mais la partie aux
commandes, celle qui lui servait de conscience, y restait sourde.
– Tu me suis et on s’en sortira. Je ne
t’ai pas évité la mort par les
Fidèles pour te laisser mourir de la main des Techs.
Il nous faut reprendre notre
souffle, panser nos blessures, lui dictait sa conscience. La situation
dans le quartier était chaotique ; les autorités
Techs ne contrôlaient plus rien, à supposer
qu’ils aient jamais contrôlé quoi que ce
soit. Ils pouvaient se faire oublier une heure, un jour même
! Quitter la ville à la nuit tombée ! Il monta
une volée d’escaliers, trouva une pièce
ouverte, allongea Kest sur le plancher. Referma la porte, renversa une
armoire pour la bloquer.
– Ca suffit, Mist.
L’adrénaline
ne parvenait plus à lui faire oublier la douleur. Kest
souffrait. Mist ne le sauverait pas avec un garrot, une
poignée de bandages et quelques heures de repos. Une balle,
celle de Sworn, lui avait ouvert le cuir chevelu. Une seconde avait
pénétré son épaule sans en
ressortir. Des éclats de verres avaient
profondément ouvert son pied et sa hanche. Une
troisième balle l’avait touché au
flanc, et non pas effleuré, cadeau du sniper sur le toit.
Une quatrième et une cinquième lui avaient
perforé les poumons, trop près du cœur.
Il perdait trop de sang.
Les yeux de Mist semblaient emplis
de folie et de rage. Le Outline était prêt
à affronter les trois mille soldats d’Alice
Springs s’il le fallait. Mais pas à accepter la
mort de Kest.
– Mist, je n’irai pas à Darwin.
– Arrête, Kest !
– Tais-toi, Mist. Et écoute-moi attentivement.
Les Slender ont installé leur dernier laboratoire aux abords
de la cité de Darwin il y a deux ans et demi, à
l’insu des consuls. Je devais m’y rendre au bout de
cinq années, après avoir effectué
d’autres recherches auprès de Hobart, en Tasmanie.
S’ils m’ont rappelé aussi tôt,
c’est qu’ils ont dû faire une
découverte majeure.
– Hobart, l’autre ville interdite ? Celle qui est,
comme Darwin, inaccessible à cause des radiations ?
– Exactement. Nous étudions ces villes mortes pour
tenter de prouver, ou développer, la théorie de
l’anti-darwinisme.
– Je ne sais même pas en quoi consiste cette foutue
théorie !
– Tu trouveras quelqu’un pour te
l’expliquer. Tu dois prendre ma place, Mist. Dis aux Slender
ce que je suis devenu, et aide-les, avec tes capacités. Pour
eux je suis plus un mercenaire digne de confiance qu’un
chercheur. Tu feras parfaitement l’affaire. Personne
ne ferait aussi bien l’affaire, pour tout te dire. Et prends
mon blaster.
Kest lui tendit son arme. Elle
était trois fois plus lourde que les deux pistolets de Mist
réunis.
– Il est unique en son genre. Ils le reconnaîtront
et sauront qui t’envoie.
– Tu crois que je saurai retrouver leur labo ? Tu crois que
Craft acceptera de me parler ?
– Les habitants du coin sauront t’indiquer le seul
clan Tech de la région, sois-en sûr. Quant
à Craft… Oublie-le.
– L’oublier ? Mais c’est lui qui
t’a commandé de venir !
Kest toussa du sang, essaya de
retrouver son souffle. Parler devenait si difficile. Et il aurait eu
tant à dire.
– Craft n’a jamais écrit cette lettre,
Mist. Craft n’est que le théoricien du clan
Slender ; ce n’en est pas le seul membre. C’est
seulement son sceau qui a été
utilisé. L’auteur du message est sans aucun doute
Elton Slender, l’assistant de mon père. Je
n’ai plus eu de contact avec Craft depuis la bataille de
Brisbane, il ne me l’a jamais...
Pardonné…
Il toussa encore. Quelques
minutes encore. S’il vous plaît.
– Mist, aide-les, et quoiqu’ils trouvent, aide-les
à diffuser leurs découvertes, chez les Techs,
chez tous les autres… Aide-les… Quant
à moi, tu sais... J’aimerais tant croire que je
vais enfin avoir la réponse à mes
questions… J’aimerais tant... Croire...
Ce n’est que deux heures plus tard,
guidés par les témoignages, les cadavres et le
sang répandu par Kest, qu’ils le
retrouvèrent. Après avoir assuré et
répété que Earl avait repris le
contrôle de la situation, mis aux arrêts les
consuls rebelles, et fait respecter le cessez-le-feu sur toute la
cité, ils durent se résoudre à
enfoncer la porte, les croyant tous deux morts ou agonisant. Mist les
accueillit à coups de balles en pleine tête, en
plein cœur, ajustées avec son habituelle
précision d’orfèvre.
Les membres du Terrestre
assignés au quartier, redoutant le même sort,
attendirent que Mercs en personne intervienne.
Il fallut utiliser un gaz
soporifique pour que le Outline cesse de résister. Quand le
consul put enfin accéder à la pièce,
dans son sommeil et ses Beretta aux poings, Mist étreignait
encore, dans un geste protecteur, le corps ensanglanté de
Kest. Comme s’il avait voulu le défendre jusque
dans son passage dans l’au-delà.
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