BLEUZEREL, LE SAUVEUR DE LA FORET

                          par Claude Jégo

Minido avançait lentement dans les bois et sa maison se balançait joliment sur son dos, car Minido était un escargot. Il vivait heureux, dans son petit paradis, et il adorait cette nature qui étalait partout ses superbes fleurs aux mille couleurs, ses cours d'eau remplis de poissons et ses arbres petits ou grands, gros ou fins, au feuillage vert clair ou vert foncé.
Minido l'escargot comptait de nombreux amis parmi les habitants de la forêt et il aimait partager avec eux un anniversaire, un Noël sous la neige ou encore un feu de bois où chacun chantait une chanson, reprise par tous à l'unisson.

Ce matin-là, Minido était allé rendre visite à son ami Kikou la chenille qui habitait dans un superbe champignon coiffé d'un chapeau rouge à pois blancs. Cela faisait plus de trois jours qu'ils ne s'étaient pas rencontrés et comme ils avaient beaucoup de chose à se dire, ils passèrent un long moment ensemble.
Kikou la chenille raconta que Cric la coccinelle reviendrait bientôt de son voyage dans la vallée qui se trouvait de l'autre côté de la rivière Blanche. Elle voulait réaliser son rêve qui était d'admirer les biches et leurs faons occupés à gambader dans la verte prairie. Kikou aurait bien voulu partir avec la coccinelle mais, hélas, les chenilles ne volent pas.
A son tour Minido expliqua que Silya la libellule avait décidé de devenir « Surveilleur des bois ». C'est un métier qu'avaient toujours exercé les libellules de sa famille et Silya était très fière d'appartenir à ce groupe de Surveilleurs si renommés. Désormais elle volerait en observant les nuages dans le ciel et si un orage menaçait, elle donnait l'alerte afin que tous les animaux de la forêt ait le temps de se mettre à l'abri.
Après avoir longtemps bavardé Minido et Kikou promirent de se revoir bientôt et se séparèrent.

L'escargot partit à la recherche de quelque chose de bon à grignoter. Le soleil était haut dans le ciel et Minido n'avait encore rien mangé de sa matinée et son tout petit estomac ne cessait de pousser des grognements pour dire qu'il avait « faim, faim, faim !». Quand Minido aperçut une poignée de feuilles de pissenlit savoureuses il se précipita et les dévora sans attendre.
Miam-miam, je me régale, se dit l'escargot tandis que les feuilles de pissenlit fondaient dans sa bouche.
Quand il n'y eut plus une seule feuille, Minido songea aux jolies mûres qui poussaient dans les ronces au bord d'un chemin de terre.
Ce sera un délicieux dessert et le doux parfum des mûres me fait déjà tourner la tête. Vite ! Allons-y !
Minido partit en direction des mûres en courant « lentement » car les escargots ne peuvent pas vraiment courir à cause de la maison qu'ils portent sur leur dos. Il apercevait déjà les ronces et leurs jolis fruits noirs quand Silya la libellule vint se poser à côté de lui. Elle semblait très inquiète.

– Minido, une chose terrible est arrivée ! Cric la coccinelle revenait de la colline quand une rafale de vent l'a poussée et elle est tombée dans la rivière Blanche. La pauvre Cric ne sait pas nager, elle va se noyer. Je vais aller demander de l'aide à un gros bourdon afin qu'il la sorte de l'eau. Mais je ne sais plus de quel côté se trouve la ruche ?
– Elle est de l'autre côté de la clairière ! s'écria Minido. Mais c'est bien trop loin d'ici, Cric ne peut pas attendre !
– Je n'ai pas le choix, répondit Sifia. Cric est trop lourde pour moi.
La libellule s'envola, en se hâtant, dans la direction que lui avait indiquée l'escargot.
Tandis qu'elle s'éloignait, Minido réalisa qu'il devait intervenir tout de suite. L'eau de la rivière Blanche était fraîche en cette saison et puisque Cric ne savait pas nager, il valait mieux se précipiter sans attendre une seconde de plus.

Aussitôt Minido se débarrassa de sa coquille grise d'escargot qu'il laissa sur le sol, puis il déplia les longues ailes bleutées qu'il portait sur son dos et qui restaient toujours cachées à l'intérieur de cette coquille. Car Minido était en réalité un papillon avec de grandes et longues ailes qui lui permettaient de se déplacer à toute vitesse. Son vrai nom était Bleuzérel et il était le fils d'un escargot magicien et d'une fée papillon qui, un jour, s'étaient rencontrés et avaient décidé de ne plus jamais se quitter.
Bleuzérel s'envola et suivit le chemin de terre pour atteindre la rivière Blanche. Quand il entendit le bruit de l'eau, il distingua aussi les appels à l'aide de la coccinelle. Cric était épuisée et n'avait plus la force de tenir sa tête hors de l'eau ; elle ne tarderait plus à couler.
Bleuzérel fonça jusqu'à se trouver juste au-dessus d'elle. Puis, d'un coup de pattes il attrapa la coccinelle et l'emporta pour aller la déposer sur l'herbe verte.
Cric était toute mouillée et elle tremblait de froid. Le soleil lui envoya l'un de ses plus jolis rayons pour la réchauffer et la sécher. Très vite la coccinelle sentit qu'elle allait beaucoup mieux.
Elle fut étonnée de découvrir, à côté d'elle, un beau papillon aux longue ailes bleues.
– Qui es-tu ? lui demanda-t-elle. Tu viens de me sauver la vie et je ne te connais pas.
– Mon nom est Bleuzérel. Je veille sur ceux qui vivent dans la forêt afin que rien de fâcheux ne leur arrive. Tu vas pouvoir regagner ton jardin de fleurs jaunes, mauves et rouges et t'amuser à nouveau avec tes amies les coccinelles. Et la prochaine fois que tu survoleras la rivière Blanche, tu te méfieras des coups de vent qui bousculent les insectes et les font tomber dans l'eau.
Bleuzérel agita ses jolies ailes bleutées et commença à s'envoler.
– Merci, lui cria Cric. J'espère te revoir dans la forêt et je te présenterai à toutes mes amies.

Bleuzérel vola jusqu'à ce qu'il retrouve sa coquille grise. Il la posa sur son dos et cacha ses longues ailes à l'intérieur de la coquille. Ainsi il était redevenu Minido l'escargot.
– Je suis soulagé d'avoir pu sauver Cric la coccinelle et j'espère qu'elle sera plus prudente lors de son prochain voyage.
Minido bâilla, il se sentait un peu fatigué et avait besoin de reprendre des forces. Les buissons remplis de mûres étaient si proches qu'après avoir parcouru un long trajet d'au moins cinq centimètres il put enfin se jeter sur les petits fruits si savoureux et s'en remplir le ventre. Puis il bâilla encore une fois.
– Il est temps de faire une petite sieste, murmura l'escargot dont les yeux commençaient à se fermer.
Minido rentra dans sa coquille grise. Il songea qu'il était un escargot très heureux car, avec sa maison sur son dos, il pouvait dormir n'importe où et à n'importe quelle heure. Il pensa aussi à Cric la coccinelle à qui il rendrait visite dès qu'il se serait suffisamment reposé. Elle lui parlerait de Bleuzérel, ce joli papillon aux ailes bleutées qui lui avait sauvé la vie sans savoir qu'il s'agissait de son ami Minido.
– Quelle journée particulière ! soupira l'escargot.
Puis il ferma les yeux et s'endormit.


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