Voyage en covoiturage

                          par Claude Jégo

Un seul tour de clé et le moteur fit entendre son rugissement. Le pied effleura la pédale d'accélérateur et le coupé-cabriolet rouge s'engagea sur la route.
– Ça y est, on est partis.
– Oui, il était temps. Ça fait deux heures qu'on guette le départ et je finissais par croire que ça n'arriverait jamais.
– Tu exagères, Bob. Deux heures c'est juste suffisant pour manger dans un bon restaurant.
– Hé bien, la prochaine fois, il n'aura qu'à se contenter d'un sandwich. Et, en plus, ça lui fera faire des économies.
Mac ne put retenir un ricanement.
– Et c'est toi qui dis ça ? Toi qui dois recourir au covoiturage pour tes vacances d'été sur le bord de la mer ?
Le grondement du moteur se fit plus puissant alors que la redoutable sportive abordait l'entrée de l'autoroute et prenait la voie d'accélération.
– C'est vrai que lui, il a les moyens. Ecoute, Bob, les pur-sang sous le capot... Il aime se faire remarquer, tu ne crois pas ?
– Avec 350 chevaux il n'a aucune difficulté pour ça. Sauf que les jolies filles n'ont guère le loisir d'admirer la voiture quand elle fffiiiillle sous leurs yeux.
Levant la tête, les deux passagers découvrirent le nom de la ville de « Lyon » affiché en lettres blanches sur un panneau directionnel bleu. La voiture passa sous le portique et ils poussèrent des cris de joie.
– Lyon, Marseille, l'autoroute du Soleil ! s'exclama Mac. Nous voilà enfin sur la route de nos vacances !
– Tant mieux ! s'écria Bob. Mais en attendant de me vautrer dans les prés fleuris, je vais piquer un somme.
Et chauffé par un léger rayon de soleil, Bob ferma les yeux et fit de beaux rêves.
Mac préféra rester un moment à admirer la conduite du pilote qui les transportait.
Il va doubler les deux poids lourds... Hop là, c'est fait. A ce rythme-là, on peut diviser par deux la durée du voyage. Sauf si les bleus nous interceptent. S'ils y parviennent ! Et là, franchement, c'est pas gagné.
L'autoroute traversait des prés dorés ou verdoyants, des champs de grandes fleurs aux pétales jaunes et au cœur noir tournées vers le soleil. Mac aperçut quelques vaches rousses et, bercé par les vibrations du puissant moteur et la chaleur qui en émanait, il s'endormit à son tour.
Le coupé-cabriolet faisait corps avec l'autoroute qu'il parcourait presque sans dévier d'un centimètre des longues bandes blanches qui la dessinaient. Sous la capote, abrité du soleil et calé dans son confortable siège de cuir blanc, le conducteur compulsait parfois, d'un simple coup d'oeil, l'écran de son tableau de bord qui affichait diverses informations.
Les heures s'écoulèrent.
Enfin, la voiture ralentit pour se glisser entre deux véhicules sur la file de droite, clignotant allumé, et quitta l'autoroute dans un crissement de pneus.
Bob entrouvrit les yeux et lut, sur un panneau blanc, le nom de « Marseille ».
– Hé, Mac, réveille-toi ! La Provence nous ouvre les bras.
– Waouh, je me suis bien reposé. J'espère qu'on va avoir droit à une pause essence, je pourrai en profiter pour me dégourdir les ailes.
– Raté, Mac ! Le réservoir contient 95 litres. Même en roulant sans dépasser les 80 km par heure, on ne s'arrêtera pas avant Marseille. Et je crois que le gamin au volant a envie de s'amuser avec son nouveau jouet sur les chemins de campagne.
Mac comprit vite que Bob avait raison.
Le conducteur s'accorda un bref arrêt à la sortie d'un village pour rabattre la capote électrique. Puis, ajustant des lunettes de soleil à la Tom Cruise sur son nez, il fit rugir le moteur et la voiture repartit en soulevant un nuage de poussière sur le bas-côté.
Elle enfila la route un peu étroite, se collant au macadam dans les virages, obéissant aux coups de volant nerveux que le conducteur enchaînait. Bob et Mac se tenaient cramponnés aux essuie-glaces.
– J'ai mal au cœur, gémit Bob.
– Moi aussi. On descend en marche ?
– Mauvaise idée, Mac. On se retrouverait écrasés contre le tronc d'un chêne.
Heureusement, la petite route se changea bientôt en nationale ombrée d'interminables rangées de platanes et enfin Avignon apparut, la blancheur de son pont et de l'imposant palais des Papes la métamorphosant en carte postale.
– Il ralentit, le feu passe au rouge ! Je descends, tu m'accompagnes ?
– Avec plaisir, Bob. Pour le retour on prendra quoi comme covoiturage ?
Bob, le gros bourdon n'eut pas la moindre hésitation :
– Un autocar. On s'installera au milieu des bagages, ce sera plus confortable.
Le papillon Citron agita ses ailes pour prendre son envol.
– On va se faire de chouettes vacances, Bob.
Les deux insectes décollèrent de leur pare-brise et le coupé-cabriolet rouge poursuivit sa balade le long du Rhône.

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