Monsieur Jacobi marchait à pas tranquilles
dans les allées. Sa chienne Lilas, un joli Cavalier King Charles,
trottinait devant lui, le nez au vent, son poil soyeux ondulant sous le
léger mistral. Elle s'arrêta à la fontaine et lapa l'eau fraîche
qui coulait. Son maître la dépassa et l'appela pour poursuivre cette
jolie promenade qui les menait, Lilas et lui, aux limites de la
colline. On y découvrait un
très beau point de vue sur les dentelles de Montmirail et, à
l'arrière-plan, le géant de Provence, le célèbre mont Ventoux.
Monsieur Jacobi entendit tout à coup un
son qu'il
connaissait bien : une cigale venait de se mettre à chanter. Le
vieux monsieur jeta un rapide coup d'oeil à sa montre : 10 heures 15 !
et songea que si les cigales commençaient leur sérénade à une heure si
matinale cela annonçait, à coup sûr, une journée chaude.
Monsieur Jacobi rattacha la laisse au collier de
Lilas et tous deux se dirigèrent vers la sortie du parc.
Un peu plus loin, des enfants accompagnés
de leurs parents s'amusaient à glisser sur le
toboggan pendant que des bambins riaient aux éclats sur des balançoires.
Sur les arbres une deuxième cigale se mit à
chanter, puis
une troisième et une quatrième. Le soleil envoya ses rayons pour leur
caresser les ailes et les encourager à poursuivre.
Perchée sur la haute branche d'un superbe platane, une cigale ne
chantait pas : elle soupirait, et ses lourds soupirs auraient pu fendre
le
coeur de n'importe qui.
Sa vie d'insecte avait été bouleversée le jour où elle avait croisé
celui
qui avait pris son tout petit coeur. C'était un matin alors qu'elle
s'apprêtait
à pousser sa première note. Une étrange musique était parvenue vers
elle, un léger tintement qui avait fait vibrer jusqu'au bout de ses
ailes. Et puis,
soudain, il y avait eu ce ronronnement qui allait s'amplifiant
doucement, tout doucement.
Intriguée, la cigale avait quitté sa haute branche pour une branche
plus basse et c'est alors qu'elle l'avait vu arriver. Avec ses pneus
noirs,
ses banquettes bordeaux et sa mini locomotive tractant quatre petites
voitures de plein air : bleue, verte, rouge, jaune, quelle merveille !
La cigale n'avait jamais rien vu d'aussi beau
que ce petit train
touristique.
Depuis ce jour mémorable elle avait vite pris l'habitude de le guetter.
Tous les matins, le tintement aussitôt entendu, elle s'installait sur
un arbre et attendait qu'il s'arrête à ses côtés. Les touristes assis
sur les banquettes descendaient alors et le conducteur du train leur
racontait l'histoire de cette belle colline, du château qui avait
décoré son sommet et du théâtre antique qui, depuis deux mille ans,
s'appuyait sur son flanc.
La cigale en profitait pour converser longuement
avec son amoureux qui l'écoutait sans jamais l'interrompre. Quelle joie
pour une cigale qui chante toute la journée que d'avoir rencontré un
petit train qui aimait l'entendre. Parfois même il lui répondait par un
gentil tintement – Ding ! Ding ! faisait la cloche dorée – et elle se
sentait envahie par le bonheur.
Mais l'été ne dure pas toute une année.
Au fur et à mesure que
s'écoulaient les semaines les touristes devenaient de moins en moins
nombreux, et les premières feuilles mortes tombèrent au pied des
arbres.
Un jour le petit insecte vit ses amies, les
cigales, partir
chercher un abri pour l'hiver qui ne tarderait plus à venir. Et elle se
retrouva être la seule cigale vivant encore sur la colline.
C'est alors
qu'une chose incroyable se produisit. Alors que le
conducteur racontait l'histoire de la colline aux deux derniers
touristes de passage dans la ville un fort coup de mistral déferla sur
les arbres. Il secoua la cloche qui se mit à tinter très fort et
brusquement une rafale fit tomber la cigale dans la cabine de la
locomotive. A cet instant le joli petit train demanda à la cigale de
vivre avec lui et de ne jamais plus le quitter.
Et elle lui répondit « oui ! ».
Désormais l'hiver s'est installé sur la ville avec son cortège de neige
qui recouvre les routes et les toitures des maisons. Parfois un vent
glacé souffle sur la région et les températures s'efforcent de battre
des records de froid.
Les touristes sont tous repartis chez eux, ils
reviendront sûrement l'année prochaine pour monter dans le petit train
et partir à la découverte de la colline. En attendant leur retour, le
petit train reste, bien à l'abri, dans un hangar où il règne une
agréable tiédeur. Il ne s'ennuie pas car, assise sur le siège du
conducteur dans la locomotive, sa jolie cigale lui tient compagnie en
lui racontant mille histoires.
Par exemple, connaissez-vous l'étrange aventure qui arriva, un jour
d'automne, à dame Rose ? Non ? Ecoutez, tendez bien l'oreille, la
cigale est en train de la raconter à son amoureux et elle raconte si
joliment :
« Il était une fois une vieille dame, prénommée Rose, qui vivait seule dans sa petite maison où elle s'ennuyait beaucoup. Tous les après-midis, Rose mettait une poignée de graines dans la poche de sa jupe et elle s'en allait jusqu'à la colline où elle s'asseyait sur un banc. Les pigeons avaient appris à la connaître et ils venaient autour d'elle pour manger ces graines qu'elle leur donnait avec tant de gentillesse. Un après-midi, un pigeon pas comme les autres vint se poser sur le banc et il se mit à lui parler : Bonjour, dame Rose !... »
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