Claude Jego
La planète obscure

C'était un mercredi, le jour de la semaine où il n'y a pas d'école l'après-midi, et la classe venait juste de finir. Les enfants s'éparpillaient un peu dans toutes les directions en riant et en chahutant comme le font tous les enfants qui viennent de rester plusieurs heures assis derrière un pupitre. Quelques-uns se précipitèrent vers la boutique de bonbons au coin de la rue, d'autres vers les toboggans du grand parc ; ils semblaient tous avoir une quantité impressionnante d'énergie à dépenser.
Aglaé et ses amies ne firent pas du tout comme leurs camarades. Plongées dans une conversation qui les captivait, elles s'éloignèrent de l'école et de tout ce brouhaha sans cesser, une seconde, de parler. C'est mademoiselle Fontaine, leur institutrice, qui était à l'origine de cette discussion. A l'occasion de la prochaine fête du Mardi-Gras, elle avait eu la merveilleuse idée de leur proposer d'organiser un concours costumé. Et, depuis cet instant, chacune des quatre petites filles ne cessait de rêver au déguisement qu'elle porterait.
Prisca fut la première à dévoiler son projet.
- Pour mon anniversaire, ma grand-mère m'a offert une superbe robe de marquise et elle m'a appris à faire la révérence. Admirez !

Et, tirant sur les bords de sa jupe plissée, elle plia un peu les genoux tout en inclinant sa tête couverte de boucles blondes.
- Cela peut paraître facile, mais vous ne pouvez imaginer combien j'ai dû répéter pour que ce soit parfait.

Ses amies acquiescèrent, admiratives.
- Moi, je serai un ange, dit à son tour Bertille. Avec des ailes blanches dans le dos et une auréole en or sur la tête. Une fausse, hélas.

La petite fille accompagna son propos d'une grimace qui s'étala sur son visage couvert de taches de rousseur.
Ce fut le tour de Rosine qui prit un air mystérieux.
- Vous ne pourrez jamais deviner mon déguisement...

Et devant l'air interrogatif de ses trois amies, elle avoua :
- Je serai la fée Clochette de Peter Pan. Je porterai une robe en tulle, j'aurai une baguette magique et des étoiles argentées brilleront dans mes cheveux noirs.

Ses amies échangèrent des regards émerveillés. Quelle jolie fée, elle serait !
- Et toi, Aglaé, qu'as-tu prévu pour ce grand jour ? demanda Prisca. J'espère que tu sauras te montrer raisonnable dans le choix de ton costume ?

Prisca, Rosine et Bertille redoutaient les excès d'imagination de leur amie Aglaé. Elles n'avaient pas tort.
- Je serai Barbe-Noire, le pirate ! s'écria la petite fille. Le seul, l'unique, le terrriiiible Barbe-Noire! Sur toutes les mers du Sud on connaît mon chapeau noir orné d'une tête de mort et le bandeau qui cache mon oeil gauche que j'ai perdu au cours d'une bagarre avec Jack le Fourbe.

Les yeux brillants, le visage radieux, Aglaé était, à cet instant, l'image même du bonheur. A l'inverse de ses trois amies qui ne purent retenir des exclamations scandalisées.
- Un pirate ! Dis-moi que j'ai mal compris ?
- Avec un oeil borgne et une tête de mort ! Mais quelle horreur, ma pauvre Aglaé !
- Décidément, tu ne nous auras rien épargné !


Les amies étaient arrivées devant la maison d'Aglaé, il était temps de se séparer. Aglaé, un sourire toujours collé sur les lèvres, s'engagea dans l'allée du jardin tandis que ses trois amies poursuivaient leur chemin en échangeant leurs impressions.
- On n'arrivera pas à la faire changer d'avis, soupira Prisca.
- Oui, j'en ai peur ! confirma Rosine.
- Avec un peu de chance, elle pourrait attraper la rougeole ? suggéra Bertille. Il paraît qu'il y a une épidémie qui se propage depuis une semaine.

Toutes trois durent reconnaître que ce serait la meilleure solution. Pouvait-on imaginer une marquise... ravissante, un ange...rayonnant et une fée... lumineuse s'afficher en compagnie d'un affreux pirate ! Et que dire des moqueries de leurs camarades de classe qui les feraient rougir de honte.
Pendant que ses amies s'éloignaient, Aglaé s'était lancée dans une série de cabrioles sur la pelouse. Son chat tigré, Bopy, accourut vers elle et il ronronna de bonheur quand elle le caressa sous le menton.
- Bonjour Bopy ! J'espère que tu as passé une bonne matinée parce que la mienne était excellente.
- Miaou ! lui répondit le chat tigré, puis il bâilla, découvrant ainsi de magnifiques crocs pointus et une adorable langue rose.
- Bopy ! Un chat bien élevé doit mettre la patte devant la bouche ! gronda Aglaé en le menaçant de l'index.

Puis elle le laissa pour monter les marches de la maison.
Celle-ci portait le joli nom de "Villa des Camélias" et c'était la plus ancienne maison de toute la ville. Il s'agissait d'une bâtisse, plutôt pittoresque, dont le grenier était hanté par un fantôme, celui de Hutar le Sanguinaire. Du moins, c'est ce qu'affirmait Aglaé, mais il est vrai que peu de gens la croyaient.
- As-tu bien travaillé en classe ? lui demanda sa maman tandis que Aglaé déposait son cartable dans le couloir.
- Notre institutrice a eu une idée géniale. Nous allons faire un véritable bal costumé pour le Mardi-Gras. Et je serai Barbe-Noire ! Je suis tellement heureuse.

La maman d'Aglaé eut une courte hésitation :
- Et qu'en pensent Prisca, Rosine et Bertille ? Je veux dire... au sujet du pirate.
- Elles sont ravies, répondit Aglaé qui se mit à renifler le gâteau au chocolat à peine sorti du four. Elles trouvent mon idée super originale.

La maman d'Aglaé eut du mal à croire une chose pareille mais elle ne fit aucun commentaire.
- Où est mon papa adoré ? demanda Aglaé en tâtant le gâteau brûlant du bout du doigt.
- Dans le jardin où il repeint ta cabane, répondit la maman qui fit disparaître le gâteau dans l'armoire. Tu devrais aller le rejoindre et en profiter pour remettre un peu d'ordre à l'intérieur. J'aimerais nettoyer les rideaux mais il m'a été impossible d'entrer.

Aglaé n'eut pas besoin de faire un effort pour se souvenir de son dernier séjour dans la cabane. La petite fille rentrait d'une expédition au pôle Nord - elle y avait affronté des ours blancs affamés ! - et elle venait, à peine, de regagner sa base scientifique lorsqu'un tremblement de terre s'était produit. Enorme ! D'ailleurs, l'Himalaya s'était fendu en deux, le Sphinx en avait perdu la tête et la cabane avait failli être écrasée par la tour Eiffel qui s'effondrait. Ce qui expliquait l'état actuel de la base scien... pardon de la cabane.
La petite fille se précipita de l'autre côté du jardin. Au détour d'un massif de fleurs, elle découvrit sa cabane fraîchement repeinte. Une pure merveille. Le toit et les volets étaient d'un beau vert vif, les murs d'un blanc lumineux, et la porte et la fenêtre d'un jaune étincelant; la petite fille se dit qu'elle avait vraiment de la chance d'avoir des parents aussi attentionnés.
Son père était toujours là et Aglaé lui sauta au cou pour l'embrasser bruyamment.
Le papa partit d'un grand éclat de rire.
- Que se passe t-il aujourd'hui ? On dirait qu'il pleut des bisous, je me demande bien pourquoi ?
- Tu le sais très bien, lui répondit Aglaé. Grâce à toi, ma cabane est toute neuve. Merci mon papa préféré !
- Ton papa préféré ! Oh, quelle coquine tu fais !

Puis il récupéra les pots de peinture et partit les ranger dans son atelier.
Restée seule, Aglaé contempla, avec fierté, sa maisonnette puis elle se souvint des rideaux. Elle ouvrit la porte et se figea devant le triste spectacle qui s'offrait à elle. La chaise était renversée sur le sol ainsi que toute la vaisselle en plastique qui gisait, éparpillée. A l'évidence, le tremblement de terre avait été plus dévastateur que prévu. La petite fille fit la moue en découvrant la multitude d'objets qu'elle allait devoir ramasser.
- La prochaine fois, songea-t-elle, j'inventerai une avalanche ou une averse de grenouilles dans le jardin. J'en ai pour des heures à ranger ce fouillis.

Mais une petite fille qui ne craint pas les fantômes ne manque pas de courage. Et Aglaé se mit au travail sans plus attendre. Elle commença par la vaisselle qu'elle empila sur la table, puis elle récupéra les emballages de paquets de biscuits vides et les serviettes en papier qu'elle alla déposer dans la poubelle.
Ca y est, c'était presque terminé. Après un coup de balai, sa maman pourrait venir enlever les rideaux sans difficultés.
"Miaou, miaou !"

Bopy avait réussi à se faufiler par la porte restée entrouverte et il vint se frotter contre les jambes de la petite fille. Aglaé ouvrit une armoire et s'empara de la pile d'assiettes tout en expliquant à son chat tigré qu'elle était débordée.
- Plus tard Bopy ! Je dois ranger toutes ces ...Aaahaaa !!

Les yeux aggrandis d'horreur, Aglaé découvrit de grosses chenilles vertes qui se dandinaient sur une étagère, à la recherche de quelques miettes de gâteau à dévorer. Sous l'effet de la surprise, la petite fille lâcha les assiettes en plastique, puis jeta un regard affolé vers la porte mais il était trop tard pour fuir ; les monstres l'avaient repérée et fonçaient droit sur elle de toute la vitesse de leurs nombreuses pattes !
Aglaé recula... Elle se retrouva le dos au mur... L'ennemi n'était plus qu'à quelques mètres...
- Je suis cernée mais je me battrai jusqu'au bout ! lança-t-elle en se redressant fièrement. Je serai aussi courageuse que Barbe-Noire.

Aglaé n'aime pas, mais pas du tout, les chenilles, je crois que vous l'avez compris, mais ne croyez surtout pas qu'elle soit une "froussarde", ce serait une erreur. En fait, Aglaé est douée d'une imagination dé-bor-dante et la vue de ces charmantes chenilles déclencha chez elle une sorte de... disons de "rêve éveillé."
Voilà ce qui arriva...


Le souverain de la planète des Fleurs, le roi Tomix, était parti en compagnie de quelques amis pour se livrer à une chasse aux étoiles filantes. C'était un sport très difficile à pratiquer ; on accrochait un épais filet à papillon à l'arrière d'un vaisseau spatial et ensuite on faisait des zigzags dans l'espace pour tenter de capturer une étoile. Jusqu'à présent, le roi n'en avait attrapé aucune mais c'était si distrayant et le métier de roi était parfois si ennuyeux.
Pendant son absence sa fille, la princesse Anaë, le remplaçait et prenait toutes les décisions nécessaires pour assurer la bonne marche du royaume. En réalité, il ne se passait jamais rien sur la planète des Fleurs mais Anaë avait, quand même, nommé Bopy son robot premier ministre. Et le robot prenait sa tâche très au sérieux. Il avait donc fait le serment de lui prodiguer tous les conseils dont elle pourrait avoir besoin et il s'était empressé de l'aider à manger les savoureux gâteaux que faisait le cuisinier du royaume.
Les recettes avaient été inventées par les Bidirlidibis qui étaient des pâtissiers exceptionnels. Bopy et Anaë avaient fait leur connaissance quand ils s'étaient réfugiés sur leur planète pour échapper à Mozor le voleur de robots qui voulait s'emparer de Bopy et le vendre en pièces détachées. Un affreux souvenir. Depuis cette incroyable aventure, ils étaient devenus amis et se rendaient visite de temps en temps.
La petite fille bavardait avec son robot et tous deux étaient, sagement, assis sur de gros coussins moelleux lorsqu'un garde entra en courant dans la salle du palais et accourut vers eux en poussant de grands cris :
- Princesse Anaë ! Une chose horrible ! Là-bas !

Le garde eut d'abord du mal à retrouver son souffle... puis il raconta :
- Elles sont venues à bord d'un drôle d'engin spatial et elles sont en train de s'emparer de nos plus belles marguerites. Si nous ne les arrêtons pas, elles vont arracher toutes nos fleurs et notre jolie planète ressemblera à un désert ! C'est affreux ! C'est épouvantable !
- Mais de qui parlez-vous ? demanda Anaë qui ne comprenait pas grand-chose à tout cela sauf qu'un événement "affreux et épouvantable" était en train de se produire.
- Elles sont immenses ! dit le garde et il leva les bras vers le ciel. Elles ont des centaines de dents (il ouvrit largement la bouche et prit un air féroce). De longs poils recouvrent leur corps et leurs pattes sont pourvues de griffes énoooooormes !

Le garde éclata en sanglots :
- Bouhouou, j'ai peur !

Après une description aussi terrifiante, Anaë aussi avait très peur mais il n'était pas question de le montrer car la fille du roi Tomix devait donner l'exemple.
- N'avez-vous pas honte de pleurer ainsi ? dit-elle au garde en fronçant les sourcils comme le faisait son père quand il grondait sa fille. Mouchez votre nez et montrez-moi le chemin ! Moi, la princesse Anaë, je vais aller voir de plus près ces envahisseurs qui osent cueillir nos fleurs sans notre permission.

Bopy, Anaë et le garde quittèrent donc le palais et marchèrent jusqu'au champ de marguerites. Dès qu'ils furent sur place, ils grimpèrent sur une butte de terre qui leur permettrait de surveiller les monstres sans se faire repérer.
Ils virent d'abord un aéronef, de forme si biscornue qu'on ne l'imaginait pas en train de voler. Puis ils les aperçurent. Elles étaient mauves, avec un corps plutôt long, et chacune d'entre elles possédait des dizaines de pattes qui cueillaient les marguerites par brassées entières.
Anaë n'avait jamais rien vu de semblable auparavant aussi demanda-t-elle à son robot s'il disposait d'informations concernant cet ennemi.
- Cela pourrait nous être utile ou, du moins, je l'espère.

Bopy était le robot le plus moderne de sa génération. Ses capteurs analysèrent un monstre (mais de loin, bien sûr) et la réponse arriva en moins d'une seconde.
- Ce sont des Chenouilles, appartenant à la famille des Chenichenachenouillus. Cette espèce n'est pas dangereuse si j'en crois mes données, par contre il est indiqué qu'elles adorent les fleurs, toutes les fleurs.
- Tu veux dire qu'elles en mangent à tous les repas ? s'inquiéta Anaë.
- Ce n'est pas précisé, répondit Bopy.
- Et quand il n'y aura plus de marguerites, c'est nous qu'elles dévoreront, dit le garde et deux grosses larmes coulèrent sur ses joues.
- Quelle horreur ! s'écria Anaë. Il faut tenter quelque chose tout de suite.
- A votre place, j'attendrai le roi Tomix, suggéra le garde. Il ne devrait plus tarder et il est si fort qu'il s'occupera seul de ces Chenouilles. Il n'aura besoin ni de vous, ni de moi surtout.
- C'est hors de question, protesta la princesse. Je vais aller leur dire de s'en aller, je leur expliquerai que nous tenons beaucoup à nos fleurs. Voilà tout.

Bopy le robot ne savait pas si c'était une bonne idée ; quant au garde il s'était remis à pleurer car il redoutait de devoir escorter la princesse.
- Tu crois qu'elles vont t'écouter ? interrogea Bopy.
- Je vais essayer, répondit Anaë. Vous deux, attendez-moi ici !
- Oh oui, avec grand plaisir, répondit le garde en poussant un soupir de soulagement.

Mais alors que la princesse s'apprêtait à quitter leur cachette, Bopy proposa de la remplacer :
- Je suis un robot, elles ne pourront pas me manger, dit-il. Laisse-moi y aller !
- Du moment que ce n'est pas à moi, murmura le garde.
- D'accord, dit Anaë. Mais, s'il y a le moindre danger, nous viendrons t'aider.
- Quelle étrange idée ! s'étonna le garde. On pourrait se contenter de crier "au secours !", c'est ce qui se fait d'habitude.

Mais Bopy se dirigeait déjà vers les Chenouilles qui cessèrent de cueillir des fleurs en le voyant s'approcher. Elles restèrent à l'écouter tandis qu'il leur parlait, puis elles se dirigèrent, en file indienne, vers leur aéronef.
- Votre premier ministre a réussi, s'exclama le garde tout surpris. C'est merveilleux !

Il est vrai que les deux dernières Chenouilles prenaient, à leur tour, le chemin du vaisseau quand, tout à coup, elles s'emparèrent du robot et l'embarquèrent avec elles. Anaë et le garde eurent beau courir à en perdre le souffle pour les rattraper, l'engin spatial s'envola et quelques secondes plus tard, il disparaissait dans l'espace.
- Euh... prin-princesse, bafouilla le garde tout abasourdi. L'ennemi vient d'enlever notre premier ministre ! Mais... qu'allez-vous faire ?
- Aller à son secours, répondit Anaë d'une voix ferme. Jamais je n'abandonnerai mon robot.

Le garde roula des yeux effarés :
- Vous voulez dire que vous et... moi, oh non pas moi, pas moi ! nous allons poursuivre ces dévoreurs de marguerites ? Rien que nous deux ?
- Non, vous allez rester là pour veiller sur notre planète, répondit Anaë. Et dès que mon père sera rentré de sa chasse aux étoiles filantes, vous lui raconterez tout.
- Vous êtes très courageuse, dit le garde. Mais seule vous n'arriverez pas à libérer Bopy ! Pourquoi ne pas attendre le retour du roi ?
- Non, il n'y a pas de temps à perdre. Et je sais où je trouverai de l'aide.

Et c'est ainsi que la princesse Anaë grimpa dans sa cacahuète volante et qu'elle s'envola pour se rendre chez ses amis les Bidirlidibis.

Sur la planète des Bidirlidibis

- Attrape-le Babs, il est là !
- Je ne peux pas, Timy. Smarf s'agite sans cesse devant moi et je n'y vois plus rien.
- Smarf, veux-tu bien nous laisser faire ?
- Vous n'y arriverez jamais ! s'exclama Smarf en sautillant à droite, à gauche, et puis à droite, et puis à gauche. Il est bien plus rapide que vous ! Hi hi hi ! Comme c'est amusant.
Timy trouva que c'était déjà assez difficile de capturer un Schonk sans que Smarf ne vienne tout compliquer. Il sortit une brioche de sa poche et la lui fourra dans la bouche.
- Mange ! Babs et moi nous ferons le reste.

Depuis plus d'une heure, les trois Bidirlidibis couraient à travers les hautes herbes pour rattraper un Schonk qui s'était échappé de son enclos.
Les Schonks étaient des bestioles toutes rondes avec de longs poils jaune vif, deux gros yeux noirs brillants et des ressorts à la place des pattes ce qui leur permettait de faire des bonds invraisemblables. Ils vivaient dans un jardin miniature avec des petits arbres, des petites maisons (en caoutchouc à cause des bonds) et une petite rivière surmontée par un petit pont. L'ensemble était clôturé par une haute barrière afin d'éviter qu'un Schonk ne se sauve car le pire était alors à craindre. D'ailleurs "l'évadé" avait semé une joyeuse panique dans le village en renversant des pots de confiture puis en sautant joyeusement dans une bassine remplie à ras-bord de chocolat liquide. Ce qui aurait pu lui valoir un gros rhume car les Schonks prenaient froid facilement. Toutefois, cela avait permis de le suivre à la trace sans difficulté. A cause du chocolat, bien sûr. Et aussi de son délicat parfum à l'orange. Hmmmm ! Un délice.
Tandis que Smarf savourait sa brioche, les deux Bidirlidibis s'approchèrent du Schonk sur la pointe de leurs grands pieds en s'efforçant de ne pas faire de bruit.
Timy se pencha sur la petite bête couchée sous un gros champignon orangé.
- Il ne bouge plus, chuchota-t-il. Il s'est endormi.
- Tant mieux, murmura Babs. J'ai l'impression d'avoir passé trois jours entiers à le chercher. Je suis épuisé.
- Il est si mignon, dit Timy tout attendri.
- Dépêche-toi ! A moins que tu ne préfères attendre son réveil ?

Timy s'agenouilla et souleva la bestiole avec douceur, puis il se hâta vers l'enclos où le calme régnait car, c'était l'heure de la sieste, et il déposa le Schonk sur un tapis de mousse.
- Il faudra vérifier les barrières, dit Babs. Sinon, nous risquons bien pire encore.
- Et quoi donc ? demanda Timy.
- Que tous les Schonks se répandent sur notre planète, grommela Babs. Qu'ils mangent nos gâteaux, qu'ils se roulent dans la crème Chantilly et...
- Ouh la ! Je m'en occuperai dès demain, s'écria Timy. C'est promis.
- N'oublie pas d'emmener des brioches ! s'esclaffa Smarf. J'adore les poursuites.

A cet instant, il y eut un bruit de moteur. Les Bidirlidibis levèrent la tête et ils virent passer un engin spatial dont la forme rappelait une cacahuète volante.
- Youpiiie ! C'est Anaë et Bopy ! s'écrièrent-ils en choeur.

Oubliant les Schonks et la barrière percée, ils partirent en courant à la rencontre de l'engin spatial qui était en train d'atterrir. Dès que la princesse en descendit, ils l'entourèrent aussitôt :
- Comme nous sommes heureux de te revoir, Anaë ! dirent-ils tous les trois. Mais où est notre ami Bopy ?

A ces mots, les yeux de la princesse se remplirent de larmes et elle raconta les terribles événements qui venaient de se produire sur la planète des Fleurs.
- Mon père s'est absenté et ces Chenouilles terrifient mes gardes. Je ne sais comment m'y prendre pour délivrer Bopy.

Babs secoua la tête, ce qui eut pour effet d'agiter son fin toupet de cheveux sur sa large tête en peluche.
- Il faut un plan, dit-il en prenant un air très sérieux.
- Ah oui, et lequel ? demanda Smarf.
- Notre action doit être préparée dans ses moindres détails, répondit Babs. J'ai besoin d'un peu de temps pour cela.
- Viens, Anaë ! dit Timy en prenant la petite princesse par la main. Nous allons préparer des provisions pour le voyage.

Tous les quatre regagnèrent le village qui était constitué de ravissantes maisonnettes en forme de dôme avec des fenêtres toutes rondes. Tandis que Babs s'isolait pour réfléchir, Smarf et Anaë s'installèrent chez Timy et sortirent les oeufs, la farine, le beurre et tout ce qui est nécessaire pour réussir de délicieuses pâtisseries.
Chez les Bidirlidibis, les gâteaux étaient en quelque sorte le plat national et ils étaient très doués pour les réaliser. Et aussi pour les manger.
Les tartes aux fraises et les chaussons aux pommes s'accumulaient sur la table quand Babs revint enfin, arborant un large sourire.
- Voilà ce que j'ai prévu : nous allons nous rendre chez ces Chenouilles et délivrer le robot. Bien entendu, nous devrons improviser une fois sur place car nous ignorons tout des réactions de notre ennemi, mais je suis persuadé que nous réussirons à sauver notre ami. Qu'en pensez-vous ?
- Que ton plan est nul ! s'exclama Smarf.

Mais comme personne n'avait mieux à proposer, les Bidirlidibis et la princesse Anaë grimpèrent dans la cacahuète volante et ils s'envolèrent.

Pendant que le petit engin spatial filait dans l'espace, Anaë raconta en détails, à ces trois amis, l'arrivée des Chenouilles sur sa planète.
- Le garde a affirmé que l'ennemi avait des centaines de dents ? demanda Timy d'une voix tremblante. Comme ce doit être laid !
- Et qu'il était immense ? s'inquiéta à son tour Babs en songeant que lui et ses amis n'étaient pas plus haut que trois pommes. Ce ne sera pas facile, j'en ai bien peur.
- N'oublie pas leurs "énoooormes" griffes, rajouta Smarf qui se trémoussa d'impatience. Youpiiie ! On va s'amuser comme des fous.
- Cesse de gigoter, Smarf ! gronda Babs. Cela agite la cacahuète dans tous les sens et Timy a attrapé le mal de l'air. Regarde comme il est vert.
En réalité, Timy était toujours d'un très joli vert tendre puisque c'était la couleur de sa fourrure tandis que Babs était rose et Smarf bleu.
- Comment allons-nous trouver la planète des Chenouilles, Babs ? demanda Anaë.
- Un voyageur de passage m'en avait parlé, petite princesse. Nous y sommes déjà.

En effet, la cacahuète arrivait en vue d'une espèce de grosse pomme de terre, mais en beaucoup plus plat, et l'engin se posa. Anaë et ses amis étaient à peine descendus qu'ils restèrent médusés devant le paysage qui s'offrait à leurs yeux. Inutile de chercher la moindre touche de couleur dans ce lieu où tout était blanc. Les maisons, les routes, les arbres, les poissons dans les mares, le ciel et même le soleil. Cela ressemblait à un vaste tableau auquel un peintre aurait oublié d'ajouter les couleurs.
Smarf en perdit son habituelle envie de rire.
- Quelle tristesse ! dit-il. Le rouge des fraises et le jaune des citrons me manquent déjà.

Timy acquiesça et sortit son mouchoir à carreaux de sa poche ; au cas où une larme coulerait.
- Et mon pauvre Bopy est prisonnier ici ! dit Anaë. C'est affreux.
- Ce qui est affreux, fit remarquer Babs, c'est que nous n'avons aucune chance de passer inaperçus.

Babs n'avait pas tort. Les Bidirlidibis portaient des vêtements de toutes les couleurs, et Anaë était vêtue d'une jolie robe en pétales de fuchsia rose vif. On pouvait les repérer à des dizaines de kilomètres à la ronde.
- L'ennemi est peut-être en train de nous encercler, ajouta Babs en jetant des coups d'oeil inquiets autour de lui.
- Il vaudrait mieux se dépêcher, dit Smarf. Je sens mon moral tomber en chute libre. Timy, tu n'as pas un mouchoir à me prêter ?
- Nous devons d'abord retrouver Bopy, protesta Anaë. Mais comment faire ?
- Moi, je sais !

Surpris, les Bidirlidibis et la petite princesse sursautèrent.
- Qui a dit cela ? s'inquiéta Babs.
- C'est moi !

Tous les quatre se retournèrent. Une Chenouille se tenait debout à quelques pas d'eux mais, au lieu de se montrer menaçante, elle leur décocha un large sourire et leur lança :
- Bonjour ! Belle journée, n'est-ce pas ?

Anaë et les Bidirlidibis auraient aimé s'enfuir mais ils étaient paralysés par la peur et incapables de bouger. Enfin, Smarf réussit à articuler trois mots :
- Qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Moussi-Loupi et vous êtes les amis du robot que mon père a rapporté de notre dernier voyage ?
- Votre père ? dit Timy.
- Oui. Je suis la fille de Toruss le grand.
- Bopy est mon premier ministre et vous me l'avez volé, dit Anaë.

La Chenouille parut désolée.
- Oh non, vous vous trompez. Nous devions nous rendre sur la planète Obscure mais papa s'était trompé de direction. Nous avons fait une halte sur votre planète pour nous reposer et mon père a aperçu votre robot. Il l'a invité à venir découvrir notre jolie planète.
- Elle est horrible ! protesta Babs.
- Oui, je vous l'accorde, dit Moussi-Loupi. Pourtant, nous faisons des efforts pour la rendre agréable. Par exemple, nous allons planter toutes ces marguerites que nous avons cueillies.
- Mais les planter dans quoi ? ne put s'empêcher de demander Timy car il n'avait vu ni jardin, ni terre pour accueillir des fleurs.

Moussi-Loupi ouvrit de grands yeux étonnés.
- Eh bien, nous les semons un peu partout et surtout n'importe où, répondit la Chenouille. C'est bien ainsi qu'il faut faire ?

Timy songea que les Chenouilles ne paraissaient pas douées pour le jardinage. Mais la petite princesse s'impatientait.
- Où est Bopy ? demanda-t-elle. Je voudrais le rencontrer ?
- Bien sûr, répondit Moussi-Loupi. Mon père sera ravi d'avoir autant d'invités. Venez !

Moussi-Loupi était une Chenouille d'une grande gentillesse. Elle guida Anaë et les Bidirlidibis jusqu'à un bâtiment qui ressemblait beaucoup à l'engin spatial des Chenouilles. Moussi-Loupi leur expliqua que sur leur planète tout était construit selon le même modèle : les maisons, les vaisseaux. Sauf que les vaisseaux étaient équipés de moteurs pour décoller.
"Elles ne sont pas douées non plus pour la construction" songea Timy.

Comme Moussi-Loupi l'avait promis, Toruss le grand se révéla très chaleureux et il demanda à ses gardes d'aller chercher le robot. Pendant qu'Anaë s'empressait de serrer Bopy dans ses bras, Toruss parut désolé d'apprendre qu'elle était venue le chercher. Il l'expliqua aux Bidirlidibis.
- Je sais que je n'aurais pas dû l'emmener mais notre propre robot est prisonnier des habitants de la planète Obscure.
- Vous êtes nombreux et très forts, s'étonna Babs. Comment Bopy pourrait-il vous aider ?
- Ces habitants... les Obtus, sont plutôt taquins, dit Toruss. Dès que nous arrivons chez eux, ils coupent la lumière et plongent leur planète dans l'obscurité la plus totale. Grâce à Bopy nous pourrons reprendre notre robot.
- Je ne sais pas, hésita Anaë. Mon père va s'inquiéter...
- Je suis d'accord pour les aider, dit Bopy. Sinon, je refuse de repartir sur la planète des Fleurs.
"Oh ! C'est incroyable" s'exclamèrent en choeur les Bidirlidibis, très choqués.
- Comment ça ? s'exclama Anaë. Mais voyons Bopy... Tu es mon premier ministre et un premier ministre doit toujours obéir aux ordres !

Mais Bopy ne l'écoutait plus. Et, lui tournant le dos, il déclara à Toruss le grand :
- Je suis prêt ! Allons-la délivrer.
- Tu fais preuve d'un grand courage, Bopy, dit Toruss. Moussi-Loupi ! Nous partons.
- Puisque c'est ainsi, nous vous accompagnons, dit Anaë.

Et Smarf, Babs et Timy secouèrent leur large tête pour acquiescer.
Quelques instants plus tard, le vaisseau spatial - qui portait le nom de "Toruss 1er" - fonçait dans l'espace avec, à son bord, Toruss, Moussi-Loupi, Anaë, Bopy, les Bidirlidibis et quelques gardes qui leur servaient d'escorte.
Tant que dura le trajet, Bopy bavarda avec Toruss le grand tandis qu'Anaë boudait dans son coin, l'air sombre.
- Mon Premier ministre m'a désobéi, marmonnait-elle. A cause d'un robot qu'il n'a jamais vu !
- "Une" précisa Moussi-Loupi. Elle se nomme Poupa, et Bopy la trouve ravissante.

La Chenouille sortit un portrait de sa poche et le tendit à Anaë qui lui jeta à peine un regard. Smarf s'en empara d'un geste vif et, après l'avoir admiré un instant, il le montra à ses amis.
- Elle est jolie ! dit-il. J'aime ses grands yeux rieurs.
- Et aussi son petit air charmeur, rajouta Timy en rougissant.
- Absolument, confirma Babs. Je dirais qu'elle est éblouissante.
- Pfff ! C'est n'importe quoi, gronda Anaë et elle n'ouvrit plus la bouche jusqu'à la fin du voyage.


Moussi-Loupi dirigea l'engin spatial vers la planète Obscure qui se situait à mi-distance entre l'étoile Ecarlate et la lune Verte. Enfin, le vaisseau se posa.
Anaë et les Bidirlidibis ne purent cacher leur surprise en découvrant que le sol était constitué d'un nombre incalculable de cratères de très petite taille.
- Est-ce qu'il pleut des météorites tous les jours ? s'inquiéta Timy tandis que Babs levait la tête pour scruter l'espace d'un air inquiet.
- Non, c'est juste un jeu des Obtus, expliqua Toruss le grand. Ils adorent creuser des trous pour y faire tomber les voyageurs qui leur rendent visite sans y être invités.
- Quel drôle de sens de l'humour ! s'étonna Smarf qui adorait pourtant s'amuser.
- Comment peut-on se déplacer dans un endroit pareil ? demanda Anaë.
- Il faut regarder où l'on met les pieds, répondit Toruss.

A la seconde même, la planète fut plongée dans l'obscurité la plus totale.
- Et ce n'est pas toujours facile, ajouta Toruss qui ordonna : Gardes ! Allumez les bougies.

Les Chenouilles obéirent et une faible lueur éclaira les alentours.
- Il faut faire vite, dit Moussi-Loupi à ses nouveaux amis, car nous ne pourrons plus retrouver notre vaisseau quand les chandelles auront fondu.
- Suivez-moi ! dit Toruss et tous commencèrent à avancer en file indienne.
"Aaaaah !"

A ce cri, la petite troupe s'immobilisa.
- Que se passe-t-il ? s'écria Anaë.
- Ce n'est rien, répondit Moussi-Loupi sur un ton rassurant. Nous venons de perdre l'un de nos gardes au fond d'un trou. Continuons !

La progression reprit. Un étroit sentier sinuait entre les creux et permettait de se diriger vers une ombre de grande taille qui évoquait plus ou moins la forme d'un manège.
"Aaaaah !"
- Encore un garde ! annonça Moussi-Loupi.
- Nous le reprendrons au retour, dit Toruss sans ralentir le pas. Poursuivons !
- C'est toujours comme ça ? s'étonna Anaë.
- Oui, dit Moussi-Loupi. Les habitants de cette planète ne manquent pas d'imagination pour nous empêcher de récupérer notre robot.
- Mais pourquoi veulent-ils à tout prix le garder ? s'étonna Smarf.
- Nous l'ignorons. Peut-être que ça les amuse.
- Je trouve ces Obtus vraiment bizarres, dit Babs. Qu'en penses-tu, Timy ?
- Oh oui, oui, oui, répondit le Bidirlidibi qui tremblait de la tête aux pieds. Je ne les aime pas du tout, du tout.
"Aaaaah !"
- Nous n'avons plus beaucoup de gardes, fit remarquer Moussi-Loupi mais ils atteignaient, enfin, le manège. Ils grimpèrent quelques marches et posèrent le pied sur une estrade. Désormais tout risque de chute était écarté.
- Nous y sommes ! s'écria Toruss. Vite ! Chaque seconde nous est comptée.
- A toi de jouer, Bopy ! dit Anaë.

S'approchant d'une sorte de gros cube, Bopy découvrit qu'il s'agissait, en réalité, d'un très vieil ordinateur avec beaucoup de touches rouges et vertes et un écran. Le robot ouvrit un petit compartiment sur son ventre, en sortit un fil muni d'une prise qu'il brancha. Les touches s'éclairèrent et une image apparut sur l'écran en grésillant.
- Dépêchez-vous ! supplia Toruss. Ou nous allons nous perdre à tout jamais dans les ténèbres.

Anaë réalisa que quatre bougies avaient déjà entièrement fondu et les deux dernières n'allaient pas tarder à en faire autant.
Bopy pianota sur les touches et, tout à coup la lumière jaillit, illuminant la planète. Anaë, ses amis et les Chenouilles réalisèrent alors que ce qu'ils avaient pris pour un manège n'était que la petite usine à produire du courant de la planète Obscure et ce qui ressemblait à un chapiteau couronnant le tout n'était qu'un cercle formé par d'innombrables projecteurs.
- Ouf, c'est mieux ainsi, soupira Timy.Tout est rentré dans l'ordre.
- A ta place, je ne dirais pas cela, intervint Smarf. Retourne-toi !

Tant que durait la pénombre personne n'aurait pu deviner leur présence. Mais la lumière, enfin retrouvée, éclairait plusieurs dizaines de personnages, tout en rondeur, qui attendaient à quelques mètres seulement de nos amis.
Parmi eux, se trouvait un charmant robot rose avec de grands yeux et un ravissant ruban accroché à l'une de ses antennes.
- Poupa ! s'écria Bopy et des étincelles jaillirent de ses yeux.

Puis, avant qu'Anaë ait pu l'en empêcher, il se précipita au milieu des Obtus.
- Bopy a un court-circuit ! s'affola Anaë. Il lui faut de l'aide.
- Mais pas du tout ! la rassura Babs. On appelle ça un coup de foudre. Regarde-les ! Ils sont si mignons tous les deux.

Bopy et Poupa se tenaient par la main et les étincelles que produisaient leurs circuits retombaient en pluie autour d'eux.
- Bopy a de la chance, soupira Timy en rougissant. J'aimerais bien être amoureux.

Toruss le grand s'était approché des Obtus et il s'adressa à celui qui paraissait être le chef.
- Nous venons reprendre Poupa, lui dit-il. Pourquoi vous obstinez-vous à la garder prisonnière ?


Le chef des Obtus prit un air désolé et il raconta :
- Ce n'est pas nous qui éteignons la lumière. En réalité, elle tombe souvent en panne et nous avons besoin d'un robot pour réparer parce que le nôtre ne fonctionne plus.

L'Obtus désigna un amas de tôle abandonné dans un recoin et recouvert par quantité de rouille.
- Lui seul savait entretenir ce système trop compliqué pour nous, ajouta le chef des Obtus.
- Il y a sans doute moyen d'arranger cela, proposa Toruss le grand. Qu'en dis-tu, Anaë ?

La petite princesse acquiesça et fit signe aux robots de s'approcher.
Il ne fallut guère de temps à Bopy et à Poupa pour changer deux ou trois fils, revoir quelques branchements et remettre ainsi à neuf le système de l'éclairage qui n'avait pas été révisé depuis longtemps. Les Obtus en furent si heureux qu'ils embrassèrent Anaë, les Bidirlidibis, Bopy, Poupa et les Chenouilles pour les remercier. Timy sortit son mouchoir à carreaux pour essuyer quelques larmes, et Moussi-Loupi et les gardes se montrèrent surpris par cette coutume qu'ils ne connaissaient pas. Seul Toruss le grand refusa l'accolade car il expliqua qu'entre chefs cela manquait de dignité mais il promit aux Obtus de revenir, très bientôt, pour une visite amicale.

Enfin ce fut le moment du départ et, après avoir récupéré les trois gardes perdus au fond des trous, Toruss, Moussi-Loupi, Anaë, les Bidirlidibis, Bopy et Poupa reprirent la direction de la planète des Chenouilles.
Hélas ! Anaë ne pouvait s'attarder davantage. Son père devait être rentré de sa chasse aux étoiles filantes et guetter le retour de sa fille avec impatience. Peut-être même était-il inquiet ?
Mais il restait un problème à résoudre. Comment séparer Bopy et Poupa qui venaient à peine de se rencontrer et se tenaient tendrement par la main ?
Anaë avait déjà oublié toute jalousie car elle avait bon coeur. Elle eut alors une idée géniale ! Elle allait ramener Timy, Babs et Smarf chez eux et puis elle irait sur sa planète prendre des fleurs qu'elle reviendrait planter chez les Chenouilles. Cela mettrait quelques touches de couleur qui seraient les bienvenues dans le paysage. De plus, son père, le roi Tomix, pourrait l'accompagner et faire la connaissance de tous ses nouveaux amis, comme Toruss le grand et Moussi-Loupi.
C'est ainsi que la cacahuète volante décolla avec, à son bord, Timy, Smarf, Babs et la petite princesse.
L'atterrissage sur la planète des Bidirlidibis s'effectua sans encombre mais Anaë, Timy, Babs et Smarf venaient à peine de mettre pied à terre qu'ils entendirent des cris et des couinements qu'ils reconnurent aussitôt.
"Grrrrreli ! Grrrrrrelo !"
- Des Bidirlidibis en colère ! s'étonna Timy. Que se passe-t-il donc ?
"Tiiiiip tiiiiip tiiiip !"
- Il y a des Schonks en liberté ! expliqua Babs en montrant du doigt la direction d'où venaient les couinements. Beaucoup de Schonks.
- L'enclos ! s'exclama Smarf.
"On ne l'avait pas réparé !" s'écrièrent en choeur les trois Bidirlidibis.

Soudain les buissons s'agitèrent et une dizaine de Schonks en sortirent bondissant de tous côtés ; ils étaient poursuivis par une douzaine de Bidirlidibis armés de filets à papillons.
"Tiiiiip tiiiiip tiiiip !"
- Nous allons nous faire gronder, dit Timy qui chercha un mouchoir au fond de sa poche.
- Je crois surtout que les gâteaux vont devoir attendre, dit Anaë.

Et elle éclata de rire devant les mines défaites de ses amis.

* * *


- Aglaé ! C'est l'heure de passer à table.
Aglaé sortit, enfin, de son rêve. Entretemps, les chenilles avaient quitté l'étagère et la cabane pour rejoindre le jardin où elles se faufilaient entre les salades. Miam ! Quant à Bopy, le gros chat tigré avait choisi un coin de pelouse pour se prélasser au soleil.
Aglaé traversa le jardin en courant et entra dans la maison, tout énervée. Elle avait changé d'avis et ne voulait plus du tout se déguiser en Barbe-Noire le pirate. Elle venait d'avoir une idée super géniale et sa maman devait être informée de son nouveau projet, car c'est elle qui préparerait le nouvel habit. Et il ne restait plus que quelques jours avant la fête costumée.
Prisca, Bertille et Rosine seront soulagées lorsqu'elles apprendront que ce n'est pas un pirate qui les escortera à la fête de l'école. Quelle bonne nouvelle ! Mais apprécieront-elles vraiment de se retrouver en compagnie d'une chenille grande comme... Disons comme une petite fille ! Rien n'est moins sûr.

F I N

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