Les heures qui s'écoulaient paraissaient interminables à Gorane,
rongé par l'inquiétude. Présent jour et nuit au Centre spatial, il ne
quittait la salle de contrôle que pour prendre un peu de repos sur un
lit de camp ; ensuite, il regagnait son siège à proximité des
contrôleurs. Et pour le père qu'il était, chaque information provenant
de la fusée Arès se révélait éprouvante.
La première bonne nouvelle fut l'annonce de
l'atterrissage de la fusée sur l'astéroïde mais cela ne calma pas
l'anxiété du père de Channe. Les heures passèrent à nouveau, lentement
jusqu'à ce que le robot, Oti, envoie le message disant que la charge
explosive avait été mise en place sur l'astéroïde et que tout s'était
déroulé sans aucun problème. Cette nouvelle provoqua l'enthousiasme
dans la salle où certains échangèrent des embrassades ou des tapes
chaleureuses.
– Ça y est, ils ont réussi leur mission !
s'écria un contrôleur qui ajouta : ils vont bientôt pouvoir redécoller
et revenir vers la Terre. Appel à tous : on croise les doigts et on
fait une courte prière pour nos deux valeureux astronautes !
Kal vint se tenir aux côtés de son ami et il
posa une main ferme sur son épaule dans un geste qui se voulait
rassurant. Gorane semblait si pâle et jamais il ne l'avait vu ainsi
depuis la mort de la mère de Channe.
– Ça va aller, Gorane. Ils vont y arriver, il faut y croire.
Les minutes suivantes parurent s'éterniser et quand, enfin, le
contrôleur hurla : « Ils ont décollé, la fusée est sur le chemin du
retour ! », un tonnerre d'applaudissements éclata parmi les membres du
personnel et Kal serra Gorane dans ses bras.
– Je te félicite ! Vraiment, le coup de
l'impulsion pour nettoyer les moteurs, c'était une idée géniale. Mais,
s'il-te-plait, Gorane, la prochaine fois ne réveille pas mes gars à
deux heures du matin ! Essaie d'être intelligent à des heures normales,
tu veux bien ?
Gorane parut ébahi.
– Je ne comprends pas ? De quelle impulsion veux-tu parler à ...
Mais Kal ne l'écoutait pas :
– Notre belle fusée Arès fonce à nouveau dans l'espace à toute vitesse
et elle te ramène ton fils. Mon vieux copain, tu peux être fier de ton
gamin.
– Je le suis, Kal, répondit Gorane un peu perturbée par ce qu'il venait
d'apprendre. Mais quand il sera de retour je vais avoir pas mal de
questions à lui poser, crois-moi, et je te jure qu'il devra y répondre,
les yeux dans les yeux.
– Menteur ! s'exclama Kal qui se moqua : dès
qu'il sera devant toi tu le prendras dans tes bras et tu lui diras
qu'il est le meilleur des fils.
Soudain, un ingénieur diffusa une annonce :
– Attention à tous ! La connexion est établie entre Arès et notre
Centre, je branche le haut-parleur.
Une voix nasillarde leur parvint, provenant de très loin :
« Commandant Oti appelle la Terre ! Le copilote
Channe et moi avons terminé notre mission. Rien à signaler avec notre
fusée, tout est okay. Vous donnons le feu vert pour déclencher
l'explosion sur l'astéroïde. »
Puis la voix de Channe retentit à son tour :
– Dites à mon père que son droïde est le plus fabuleux des robonautes.
A bientôt sur Terre !
Kal fit signe à son ami :
– Tout va bien avec ton fils, Gorane. A nous deux de préparer la mise à
feu de la charge dès que la fusée se trouvera à une distance
suffisamment éloignée. Au travail !
La fusée Arès fonçait dans l'espace et Oti tenait fermement les
commandes. Channe, épuisé par les derniers événements, s'était endormi
solidement sanglé sur son siège.
Très vite, le jeune garçon s'était retrouvé
plongé au cœur d'un rêve étrange, comme le sont tous les rêves.
« Des nuages d'une blancheur aveuglante
avaient accueilli la fusée dès son entrée dans l'atmosphère et
l'avaient escortée jusqu'à son atterrissage, se couchant sous elle pour
lui faire un tapis moelleux qui la protégerait. Channe rêvait qu'il
descendait les marches, une par une, sous les acclamations d'une foule
en délire. Tout à coup, son père était apparu face à lui mais, au lieu
de se jeter dans ses bras, le jeune garçon prononçait une drôle de
phrase dans un ralenti qui rendait plus grave le son de sa voix
d'adolescent.
– IL ne voulait pas nous suivre, disait-il à son père, qui parut
étonné. Il a fallu qu'on le capture dans un gigantesque filet pour
qu'enfin on puisse le ramener avec nous.
Et faisant un demi-tour sur lui-même, Channe
s'adressait à la foule : Ne criez pas, vous risquez de lui faire peur !
Regardez comme il est magnifique !
Alors, de la fusée devenue tellement grosse, énorme ! sortait un soleil
fait d'or et de feu, et de la foule montait une clameur: Gardez-le
prisonnier, il ne doit plus repartir. Plus jamais ! »
Une sonnerie d'alerte réveilla brusquement Channe qui sursauta sur son
siège.
– La pluie ! s'écria Oti
. Ce qui déclencha une protestation de son
copilote, mal réveillé :
– Impossible, Oti. Il ne pleut pas dans l'espace, tu devrais le savoir ?
– Si. Il pleut des comètes et elles se rapprochent de nous !
Channe se frotta les yeux avec ses poings et eut un haussement
d'épaules :
– On n'a rien à craindre, Oti, je t'assure. Les comètes sont faites de
roche et de neige.
Du bout de ses doigts couverts de résine de
plastique Oti tapota un écran sur lequel était représentée une petite
fusée symbolisant le déplacement d'Arès dans l'espace. Elle était
encerclée par une multitude de points brillants qui apparaissaient et
disparaissaient à une vitesse fulgurante. Le robot analysa la situation.
– L'explosion de la charge a été déclenchée par les responsables du
Centre spatial ; elle a fait dévier l'astéroïde qui passera très loin
de la Terre.
Channe ne put se retenir d'applaudir.
– Voilà une très bonne nouvelle, commandant Oti !
– Oui, seulement...
Channe jeta un regard interrogatif à son robot.
– Il y aurait une mauvaise nouvelle ?
Oti hocha la tête.
– Une partie de la roche a été arrachée par l'explosion, ce qui n'a
rien de surprenant. Seulement... Elle s'est disloquée en milliers de
morceaux qui sont en train de nous rattraper.
Soudain il y eut une légère secousse qui ébranla
la fusée et une odeur déplaisante de caoutchouc brûlé se répandit dans
l'habitacle. Sans attendre, Channe défit sa sangle pour quitter son
siège et il entreprit de vérifier les systèmes de contrôle de
pressurisation disposés à l'arrière du cockpit. Voyant des étincelles
jaillir d'un cadran, il coupa le circuit.
– Tout va bien par ici. Et de ton côté, Oti ?
– J'ai enclenché le système de protection
anti-collision mais j'ignore si cela suffira.
Un nouveau choc se produisit alors et Channe sentit un liquide lui
éclabousser le visage. D'un geste, il s'essuya et se retrouva les mains
couvertes d'huile.
– Une fuite d'huile, il ne manquait plus que ça.
Channe s'activa à repérer la fuite et aperçut
quelques gouttes qui s'écoulaient d'un conduit brisé. Attrapant le
canif dans sa poche, il découpa une lanière dans sa combinaison et
rattacha ensemble les deux morceaux de tuyau qu'il noua serrés.
– La fuite d'huile est neutralisée. J'espère que ça ne va pas tourner
au cauchemar, Oti ?
Channe venait à peine de poser cette question d'une voix inquiète, que
le commandant Oti vit surgir, sur son écran, une nouvelle flotte de
points brillants se rapprochant d'eux à grande vitesse.
– J'ai bien peur que si, Channe. Accroche-toi, c'est sur nous ! Ça va
secouer !
Quelques secondes se passèrent... et une explosion accompagnée d'un
gros bruit métallique survint. Des flammèches apparurent le long d'une
paroi et une fumée noire se répandit à l'intérieur du cockpit.
– Danger, Channe ! cria Oti. Je demande «
Intervention immédiate du copilote ! »
Channe sut réagir. Il empoigna un extincteur, l'enclencha et recouvrit
la paroi de mousse.
– Feu éteint, commandant Oti ! Intervention terminée.
Mais à l'extérieur une roche était en train
d'arriver sur la trajectoire de la fusée et elle la percuta avec force.
La collision projeta Channe contre une paroi. Blessé à la tête et à
moitié groggy, le jeune garçon se retrouva déséquilibré, il s'étala sur
le sol. Incapable de bouger il se sentit perdre connaissance et la
dernière chose qu'il perçut fut la voix rassurante d'Oti :
– Tiens bon, Channe. Je me porte à ton secours !
Le même signal d'alarme avait retenti dans la salle de contrôle
provoquant un début de panique parmi le personnel. Lâchant sandwiches
et boissons qui traversèrent les airs pour finir écrasés sur le sol les
contrôleurs et ingénieurs couraient, se croisaient, s'interpellaient
pour regagner leur poste et avertir leurs supérieurs.
Gorane et Kal accoururent à leur tour.
– C'est quoi cette alerte ? s'écria Kal en se ruant sur le premier
contrôleur à sa portée.
– Arès se trouve cernée par des éléments incontrôlables. La fusée a
subi des dégâts et la liste ne cesse de s'allonger. Regardez, chef !
Une imprimante débitait du papier de plus en plus noirci par les
incidents qui s'accumulaient à bord de la fusée. Le contrôleur récupéra
une page et la tendit à Kal qui déchiffra les premières lignes.
– Certainement des débris de l'astéroïde. Pourquoi sont-ils si proches
de la fusée, c'est anormal ? (Il donna la page à Gorane.) Qu'en
penses-tu ?
Après un rapide coup d'œil, le scientifique acquiesça.
– Il y a eu une faille dans les calculs
concernant la sécurité de Arès et nous aurions dû la détecter, dit-il
d'une voix blanche. C'est une grosse erreur !
– On savait qu'il y avait des risques, Gorane. Il y en a toujours dans
ce genre de situation. Et n'oublie pas que ton fils et son droïde nous
ont sauvés !
D'un geste brusque, Gorane écrasa la page contre la poitrine de son
collègue.
– Justement ! Je n'oublie pas que c'est « mon »
fils qui subit cette avalanche de pierres ! Tu comprends ça, Kal ?
– Hum, hum...
Les deux scientifiques se tournèrent vers le contrôleur qui tentait
d'attirer leur attention.
– Oui, euh... (Kal lut la plaque accrochée sur la blouse blanche) Samir
?
Samir fronça les sourcils ; tant d'agitation
autour de lui gênait sa concentration et ce n'était pas du tout le
moment.
– Arès poursuit toujours son retour vers la Terre mais elle a ralenti.
Elle a pourtant de moins en moins d'obstacles sur sa route et, étant
donné sa situation, c'est un fait positif.
Cela ne suffit pas à calmer Gorane, éprouvé par tant d'heures
difficiles.
– Quelle situation ? Bon sang, donnez-nous des précisions sur son état !
– Oui, monsieur. Sa vitesse se trouve réduite à cause d'un propulseur
endommagé et l'informatique ne fonctionne qu'à soixante pour cent de
ses possibilités. Pourtant, malgré ce handicap, la fusée
revient vers nous et ce truc est franchement bizarre.
Gorane saisit l'homme par son col, l'obligea à se mettre debout et le
secoua en lui criant :
– Quoi, « bizarre » ? Pourquoi c'est « bizarre » ?
Kal intervint et aida vivement le contrôleur à se dégager des mains de
son ami.
– Lâche-le, Gorane, il va manquer d'air !
Gorane ouvrit les mains et le contrôleur
s'efforça de retrouver son souffle. Kal aida le pauvre homme à se
rasseoir et le questionna :
– Donnez-nous des explications, Samir, vous voulez bien ? Allez-y !
Le regard du contrôleur avait viré au noir mais il fit l'effort de
répondre :
– Le pilotage automatique est totalement désactivé, donc soit c'est le
droïde qui a pris les commandes de la fusée, soit c'est votre fils. En
tout cas, le pilote s'en sort très bien.
Soulagé, mais épuisé par la tension qu'il venait de subir, Gorane se
laissa tomber dans un fauteuil. Compatissant, Kal songea que sa propre
fille avait l'âge de Channe et il savait ce que le scientifique
ressentait à cet instant.
– Tout va bien se terminer, Gorane. J'en suis certain.
Encore contrarié, Samir reprit sa place sur son siège, tout en
murmurant :
– Une fusée pilotée par un gros jouet ou manoeuvrée par un môme de
treize ans, c'est quand même « bizarre ».
Très vite un nouvel appel fut diffusé dans la salle grâce à un
ingénieur qui était parvenu à capter un message en dépit de conditions
de transmission difficiles. Au milieu d'un silence quasi total, on
entendit une voix entremêlée de parasites qui annonçait : « Maître
Gorane, si vous nous recevez... Retour sur Terre ! Retour sur Terre ! »
L'attente se poursuivit, heure après heure. Minute après minute.
Enfin, dans la lumière du jour et se déplaçant lentement après avoir
échappé au mur de pierraille, Arès apparut dans le ciel. Elle se
rapprocha de plus en plus et puis se posa sur la piste d'atterrissage
du Centre spatial. Le personnel, rassemblé dans sa totalité, resta
médusé en découvrant le piteux état dans lequel se trouvait la fusée.
Sa carlingue portait de larges éraflures qui avaient rayé sa peinture
et qui dévoilaient le métal à vif. Un éclat de roche apparaissait, en
partie encastré dans l'un des propulseurs
visiblement hors d'état de fonctionner. A l'évidence, seule une chance
« absolument fantastique » avait permis aux deux astronautes de revenir
vivants sur la Terre.
L'émotion fut à son comble lorsque la porte de la fusée s'ouvrit et que
Channe et Oti apparurent en haut des marches, se soutenant l'un l'autre.
Un premier cri s'éleva : « Bravo ! » puis se fut un déluge de cris et
de hourras qui déferla sous les applaudissements de la foule : « Vive
les héros ! » « Merci à nos sauveteurs ! » « Vive Channe ! » « Vive Oti
! ».
Gorane n'attendit pas pour se précipiter vers
les robonautes et serrer dans ses bras son fils, le visage couvert
d'hématomes et sa combinaison réduite en lambeaux qui lui pendaient sur
le corps. A ses côtés se tenait Oti dont l'état ne valait guère mieux.
De l'un de ses avants-bras émergeait une poignée de fils arrachés
tandis que, sur son ventre, sa combinaison brûlée par endroits laissait
entrevoir des dégâts plus importants.
Après de chaleureuses retrouvailles, ce fut le moment des explications :
– Père ! Tout est de ma faute. J'ai forcé Oti à
m'emmener avec lui mais, si je suis encore en vie, c'est grâce à son
courage.
Gorane récupéra une large bande de tissu que lui
tendait Kal et, tout en l'utilisant pour maintenir l'avant-bras du
robot et éviter qu'il ne s'abîme davantage, il lui parla avec émotion :
– Tu as veillé sur mon fils, Oti. Dorénavant, je
prendrai soin de toi comme d'un autre fils et je ne laisserai plus un
seul de tes boulons rouiller, je te le promets.
Sous les applaudissements, la Supra Dignitaire, Elysaria, passa une
médaille autour du cou de chaque héros et leur donna l'accolade. Enfin,
pour clore cette mémorable journée, le photographe officiel demanda que
chacun prenne la pose pour la photo. Profitant de l'agitation, Oti se
pencha vers Channe et lui glissa :
– Ton père va vraiment m'appeler « fiston » ?
Channe passa un bras autour des épaules du droïde.
– Je ne sais pas, Oti, mais je peux te jurer que, pour la vie, nous
resterons des frères.
Et la photo fut très réussie.
Quelque temps plus tard, les Surveilleurs de
l'Espace confirmèrent que la mission avait été une réussite et que tout
danger était définitivement écarté.
Dans les jour qui suivirent, Gorane tint parole et Oti subit une
série
de réparations, suivies d'une révision complète. Quant à Channe,
quelques points de suture lui furent nécessaires. Enfin, la vie reprit
son cours habituel.
En réalité, pas tout à fait. Ce matin-là, Oti semblait avoir disparu et
Channe s'était lancé à sa recherche en fouillant les pièces du bunker.
– Oti, je ne sais pas où tu te caches et j'en
assez de faire des kilomètres pour te trouver. A quoi joues-tu... Oh,
mais j'ai oublié de regarder dans la serre. J'y vais tout de suite.
Après avoir parcouru un long couloir et alors qu'il franchissait la
porte vitrée pour entrer dans la serre, Channe entendit la voix de son
robot qui bavardait joyeusement. Mais avec qui ?
– Zzzzwiiiiitttt ! Ta résine en plastique est la
plus douce au monde, Nati32.
Passant la tête par l'entrebâillement, Channe aperçut Oti en train de
caresser le bras d'un droïde coiffé d'un gros nœud rose. Il n'en crut
ni ses yeux ni ses oreilles.
– J'aime entendre ta voix, Oti. Ta synthèse vocale prononce si
tendrement les mots.
– Zzzzwiiiitttt ! Mes puces tu fais vibrer, Ma Nati adorée, Et tous mes
logiciels, Disent que tu es la plus belle.
– Oh, Oti, mon héros !
A ses mots, Channe sentit une bouffée de colère l'envahir. Le
commandant Oti et son copilote Channe venaient de vivre d'incroyables
aventures. Ils avaient détruit un astéroïde pour sauver leur planète et
ensuite affronté à mains nues – enfin presque – les éléments déchaînés.
Puis tous deux s'étaient entraidés pour demeurer en vie. Et voilà que
Oti laissait tomber son meilleur ami pour préférer une espèce de poupée
enrubannée ?
Le jeune garçon décida que, puisque son ami le trahissait, il ne lui
adresserait plus la parole. Il tourna le dos à la serre et se dirigea,
d'un pas ferme, en direction de sa chambre, bien décidé à ne pas en
sortir de la journée. Oui, il resterait tout seul ! Et tant pis pour
Oti.
Mais voilà que la voix d'un automate annonça que
des visiteurs attendaient à la porte d'entrée. Channe alla leur ouvrir
et reconnut Kal, accompagné d'une autre personne dissimulée, en partie,
par sa haute stature.
– Bonjour, Channe ! Ton père est prévenu de ma visite et il m'attend.
Ne t'occupe pas de moi, je sais où se trouve le Labo. Je te confie ma
fille, elle tenait à faire ta connaissance. A tout à l'heure, les
jeunes !
Kal partit dans le couloir et Channe se retrouva face à une jeune fille
du même âge que lui. Vêtue d'une robe grise bordée de satin blanc, elle
écarquilla ses grands yeux mauve et, d'une voix mélodieuse,
se présenta :
– Je m'appelle Messina. (elle eut un langoureux battement de cils)
J'avais très envie de rencontrer un garçon aussi courageux que toi. Si
tu veux, Channe, on pourrait devenir amis ? Qu'en dis-tu ?
Le jeune garçon se sentit devenir cramoisi. Du
bout des doigts il effleura les fils de suture qui ornaient encore le
haut de son front. Le médecin lui avait dit qu'il garderait une large
cicatrice. Comme les héros !
Et, la gorge nouée par l'émotion, Channe murmura
:
– Oh oui ! Avec plaisir.
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