Mira Delaire relut les dernières lignes griffonnées sur sa page et fut satisfaite du résultat : une adorable libellule, une famille unie, beaucoup d’amis et d’amour autour d’elle… Oui, ce conte de Noël commençait bien. De plus, Mira disposait encore de trois semaines pour le terminer, c’était parfait. Le magazine qui lui avait commandé cette belle histoire pour les fêtes de fin d’année serait ravi d’offrir ce joli cadeau à ses jeunes lecteurs pour occuper, de manière agréable, leurs congés scolaires.
Après une partie de boules de neige dans le froid glacé de l’hiver, les enfants adorent s’asseoir au coin du feu et lire un conte qui les emmène dans un monde enchanté. Le « Noël de Jade » leur laisserait un joli souvenir qui viendrait s’ajouter au sapin, aux guirlandes, aux cadeaux et au repas de famille si important à cet instant de l’année.Mira Delaire relut les dernières lignes griffonnées sur sa page et fut satisfaite du résultat : une adorable libellule, une famille unie, beaucoup d’amis et d’amour autour d’elle… Oui, ce conte de Noël commençait bien. De plus, Mira disposait encore de trois semaines pour le terminer, c’était parfait. Le magazine qui lui avait commandé cette belle histoire pour les fêtes de fin d’année serait ravi d’offrir ce joli cadeau à ses jeunes lecteurs pour occuper, de manière agréable, leurs congés scolaires.
Mira tapa soigneusement son texte sur l’ordinateur et corrigea ses fautes… Une… Non, deux. Elle était un peu distraite aujourd'hui. Ensuite, elle déchira ses pages de brouillons et les jeta dans sa corbeille ; elle n’en avait plus besoin.
Un peu plus tard dans la soirée, elle sortit sa poubelle sur le trottoir devant sa maison. Le temps était doux et, malgré sa grisaille, le ciel n’annonçait pas de neige. Tant pis. Mira rentra chez elle.Mira tapa soigneusement son texte sur l’ordinateur et corrigea ses fautes… Une… Non, deux. Elle était un peu distraite aujourdh’ui. Ensuite, elle déchira ses pages de brouillons et les jeta dans sa corbeille ; elle n’en avait plus besoin.

Le jour se levait à peine que les éboueurs passaient dans les rues de la ville. Ils vidèrent les poubelles de chaque maison dans leur camion-benne, les unes après les autres et, leur ronde terminée, ils ramenèrent leurs camions au dépôt afin de les décharger de leur cargaison d’ordures ménagères. Leur travail terminé, les éboueurs rentrèrent chez eux. Sauf l’un d’eux. Avant de quitter le dépôt, il récupéra un petit sac en plastique caché sous un siège dans la cabine d’un camion, et l’emporta, solidement accroché sur le porte-bagages de sa moto.
Une vingtaine de minutes plus tard, il rejoignait une caravane installée, parmi d’autres, sur un terrain vague. En entendant le bruit du moteur, un petit garçon de neuf ans, cheveux blonds et yeux verts, ouvrit la porte.
– Papa est de retour !
Manuel rentra dans la caravane et prit son fils dans ses bras.
– Tu m’as rapporté la suite de l’histoire, papa ?
– Oui, Tom.
Manuel ouvrit le sac en plastique qu’il avait ramené et en sortit une poignée de feuilles déchirées couvertes d’une écriture à l’encre noire qu’il déposa sur la table repliable. Après avoir enlevé son blouson, il s’installa à côté de son fils et tous deux se mirent à assembler les morceaux de papier pour reformer les pages entières. Cela ressemblait à un puzzle dont il fallait retrouver les différentes pièces et les faire tenir ensemble avec du ruban adhésif.
Anita, sa femme, protesta.
– Manuel ! Si quelqu’un réalise que tu voles les textes de Mira Delaire dans sa poubelle, tu seras renvoyé de ton travail.
– Je ne vole rien du tout, Anita. C’est un peu comme si une petite souris dévorait ces pages, sauf que cette petite souris s’appelle Tom. A une heure si matinale, dans les rues il n’y a personne quand je prends le sac dans la poubelle et mes collègues ont promis de ne rien dire à condition que j’arrête dès que l’histoire sera finie.
Tom fit un large sourire à son père. Mira Delaire était un auteur de livres pour enfants réputée mais les parents de Tom n’avaient pas assez d’argent pour acheter un livre. C’était un luxe qu’ils ne pouvaient pas se permettre. Manuel avait été victime d’un grave accident qui l’avait empêché de travailler pendant de longs mois. Il avait enfin trouvé cet emploi d’éboueur au début de l’automne et le hasard d’un sac éventré lui avait révélé que Mira Delaire jetait ses brouillons sans vraiment prendre de précautions.
Tom avait déjà lu le début de cette belle histoire écrite pour les fêtes de fin d’année. Cela s’appelait « Le Noël de Jade » et il en connaissait chaque mot par cœur.

Jade était une jeune et charmante libellule qui vivait dans un bois en lisière d’une petite ville de province. Elle habitait, avec sa famille, dans le tronc creux d’un vieil arbre mort et elle avait de nombreux amis : des chenilles, des lucioles, des coccinelles.
Tous les matins, Jade prenait son envol afin de faire une longue promenade et de dégourdir ses longues ailes transparentes. Elle en profitait pour respirer l’air pur de la nature et admirer le spectacle que lui offraient les arbres au fil des saisons. Au printemps, ils se couvraient d’une parure vert vif. L’été, ils étaient d’un beau vert sombre. A l’automne, ils mélangeaient les couleurs : jaune, orange, rouge ou brun. L’hiver était le moment préféré de la petite libellule car les arbres jouaient les coquets et recouvraient leurs branches d’une sorte de fourrure blanche qu’on appelle « la neige ». Jade disait alors à ses amis qu’elle allait admirer « les Elégants » et ce surnom allait à ravir aux seigneurs des bois.
Jade aimait aussi survoler les humains qui habitaient dans des maisons tout comme les escargots. A part que leurs maisons étaient carrées ou rectangulaires et celles des escargots toutes rondes. Ils aimaient aussi marcher sur leurs longues jambes, comme les sauterelles. Jade trouvait qu’il y avait beaucoup de ressemblance entre les humains et les animaux.
Mais Jade devait bientôt réaliser que les humains pouvaient se comporter de manière étrange.

Tom s’arrêta après avoir récité, à ses parents, le début de l’histoire dont il connaissait chaque mot. Son père éclata de rire.
– Tu es un véritable livre avec deux jambes et deux bras et tu es unique au monde. Puisque nous avons terminé de recoller la suite, prends-là et va vite retrouver Jade la libellule. Je suis sûr qu’elle t’attend avec impatience.
Tom se cala sur la banquette et posa les pages sur ses genoux. Une seconde plus tard, le petit garçon se retrouvait, par la pensée, en compagnie de Jade.

Les grands froids venaient de commencer et la jeune libellule avait quitté le tronc creux pour voleter dans les alentours quand elle observa une agitation inhabituelle sur la route qui bordait le bois. Elle se dirigea aussitôt vers les maisonnettes aux toitures grises et découvrit, avec surprise, que pendant la nuit d’interminables chenilles blanches et dorées étaient venues s’accrocher aux arbres des jardins. Quand Jade s’approcha pour leur parler, elle réalisa qu’il ne s’agissait que d’objets en papier ou en plastique. Elle aperçut même son reflet dans un cercle doré et elle vit qu’elle était une très jolie libellule.
Mais le plus étonnant était encore à venir. Jade alla se plaquer contre une fenêtre d’une maison et elle écarquilla grands les yeux.
Un sapin décoré de guirlandes et de boules scintillantes avait été dressé dans la pièce principale et il était cerné par une multitude de chaussons déposés côte à côte sur le tapis. Les murs étaient couverts de lettres qui s’allumaient, s’éteignaient, se rallumaient pour dire «  Bonnes fêtes à tous ». Un peu partout, des flocons de neige de grande taille décoraient les murs et il y avait aussi des poupées toutes blanches et rondes, avec un nez carotte, des yeux noir charbon et un cache-col autour du cou. Ils étaient semblables aux gros bonhommes de neige que les enfants aimaient faire dans leur jardin.
« On dirait que les gens s’efforcent de recréer la forêt enneigée dans leurs maisons. C’est si joli ! »
Jade aimait les arbres des bois poudrés de neige quand venait le mois de décembre et elle était ravie de découvrir que les humains les aimaient autant qu’elle. Pourtant ce qui l’intriguait le plus était ce mot que les humains n’arrêtaient pas de prononcer. Il allait de bouche en bouche, semblait voler dans les airs : « Noël, Noël, Noël ! ». Quel mot mystérieux et merveilleux à la fois !

Le jour où la neige fit son apparition, Mira Delaire venait de finir l’histoire du « Noël de Jade ». Malicieux, les flocons s’amusèrent à changer la couleur des maisons, couvrant leurs toits orange ou gris de capuchons blancs, transformant les trottoirs en moquettes moelleuses et les routes en terribles toboggans. Les voitures restèrent dans leur garage, les habitants de la ville s’enfermèrent dans leur maison, bien au chaud auprès du feu allumé dans la cheminée, et tous les enfants poussèrent des cris de joie : Ils auraient un magnifique Noël blanc !
Ce matin-là, les éboueurs se hâtèrent de terminer leur tournée de ramassage et ramenèrent, comme à chaque fois, leur camion-benne au dépôt ; et chacun rentra chez soi. Pour parvenir jusqu’à sa caravane, le papa de Tom dut descendre de sa moto et la traîner dans la couche de neige qui s’épaississait de plus en plus.
Sa femme fut soulagée de le voir rentrer. Elle l’aida à ôter son blouson pour enfiler une veste chaude et Tom lui apporta ses chaussons. Manuel tendit un sac en plastique à son fils.
– J’ai peur de ne pas pouvoir sortir faire la prochaine tournée, Tom. Le ciel est chargé de nuages si gros que la ville ressemblera bientôt au pôle Nord et alors, seul le père Noël pourra se déplacer, à bord de son traîneau tiré par ses rennes.
Cette idée plut beaucoup au petit Tom qui ouvrit le sac, fouilla un peu, et sortit un morceau de papier portant trois lettres.
– Regarde, papa ! C’est le mot FIN.
Manuel lui fit un large sourire.
– Tu as de la chance, fiston. Anita, donne-nous le ruban adhésif ! Nous sommes tous pressés de connaître la suite, et la fin, du Noël de Jade.
– Je suis d’accord, répondit la maman de Tom. Mais, ensuite, pendant que Tom nous fera la lecture, tu m’aideras à confectionner un gros gâteau. Tu me le promets ?
– C’est d’accord. Allez, Tom. Tu as entendu ta maman ? Au travail.
Anita sortit la farine, les œufs, le beurre, le lait, les raisins de Corinthe, la balance de cuisine et le moule.
Manuel aligna les bouts de papier, les reliant l’un avec l’autre, et il les tendit à Tom qui les colla ensemble. Enfin, Manuel et Anita s’assirent à côté de leur fils et Tom commença sa lecture.

Jade était si intriguée par le comportement des humains qu’elle finit par en parler à ses parents. Ceux-ci lui expliquèrent que Noël était une fête extraordinaire pour beaucoup de gens et qu’elle se déroulait le soir du 24 décembre. Il fallut beaucoup de patience à la jeune libellule qui compta les heures tout au long de la journée du 21, du 22, du 23…
Enfin, le jour si important arriva et la libellule reprit le chemin des maisonnettes. Quelle belle nuit ce fut ! Réunis au pied du sapin, les humains s’échangeaient des paquets tout enrubannés, se serraient dans les bras les uns des autres, et ils chantèrent des cantiques si beaux qu’ils firent monter des larmes aux yeux de la libellule.
En volant jusqu’au tronc d’arbre où l’attendait sa famille, Jade songea que cette nuit resterait son plus beau souvenir. La jeune libellule ne croyait pas être si près de la vérité car sa famille s’apprêtait à lui offrir une incroyable surprise. Une branchette de sapin avait été plantée à l’intérieur du vieux tronc. Des chenilles rouge et jaune s’étaient enroulées tout autour, comme des guirlandes, et des lucioles faisaient les boules lumineuses qui clignotaient. Une coccinelle tint même le rôle du père Noël et tous les amis de Jade avaient apporté des cadeaux : des bouquets de perce-neige, des noisettes, de délicieux champignons. Il n’y eut pas de plus belle fête dans la vie de Jade que cette merveilleuse nuit de Noël !

Cette nuit-là, Tom fit un rêve dans lequel Jade venait lui rendre visite et la jeune libellule apportait des cadeaux de la part de ses amis des bois. Mais à son réveil, le jeune garçon apprit que son rêve allait, d’une certaine façon, se réaliser.
Malgré la neige, le facteur vint déposer une lettre envoyée par les parents d’Anita qui demandaient à leur fille, à Manuel et à Tom de venir passer les fêtes en leur compagnie. Ils leur offraient aussi de rester vivre, avec eux, dans leur maison, trop grande et trop vide.
Ce fut un beau Noël pour Tom, si heureux, qu’à côté du « Noël de Jade » écrit au stylo noir sur le brouillon de Mira Delaire, il rajouta « …et de Tom. » L’histoire se finissait bien.



F I N


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