José secoua vigoureusement sa paillasse, ce qui ne lui
rendit guère de volume. Puis il fit de même avec
la couverture avant de la replier, avec soin, et de la
déposer au bout du lit. Le balai de paille de riz attendait,
debout contre le mur crasseux. José l'empoigna et balaya,
sans en négliger un centimètre, le sol en terre
battue. Avec satisfaction, il constata que, désormais, tout
était en ordre.
Alors qu'il rajustait les pans de
sa chemise
élimée, le cri perçant d'un oiseau de
proie retentit à l'extérieur de sa cellule.
José vint se coller contre le mur sous la lucarne ; sa haute
stature lui permettait d'apercevoir le ciel à travers les
barreaux. Il attendit patiemment que l'oiseau revienne.
« C'est un aigle, murmura-t-il quand l'animal, toutes ailes
déployées, traversa son champ de vision. Il vole
haut et peut admirer l'étendue de la vallée
depuis son nid. Un sacré veinard.»
Il y eut le grincement de la clé dans la serrure et la porte
s'ouvrit.
– Oh, José, encore en train de rêver ?
Le garde déposa le plateau-repas sur le tabouret de bois et,
avisant le balai qui avait retrouvé sa place contre le mur :
– Je le prends. Diego me l'a réclamé.
Je me demande à quoi ça vous sert de balayer la
terre ?
José s'assit sur le bord du lit et but la moitié
du bol de café – il était
déjà tiède – avant de
croquer dans le quignon de pain sec.
Le garde lui tendit une petite brioche.
– C'est de la part de ma femme, elle t'aime bien. Faut dire
que depuis le temps que tu es là ! Quinze ans, c'est
ça ?
José hocha la tête et finit son café.
– Écoute, je devrais pas te le dire mais... il y a
un prisonnier qui vient d'être relâché,
dans un pays quelque part en Afrique. Le gars s'appelle Nelson Marela
ou Mandela. Il croupissait derrière les barreaux depuis
vingt-sept années.
José avait terminé son petit-déjeuner.
Le garde prit le plateau d'une main, récupéra le
balai de l'autre. José n'eut qu'à pousser la
porte pour l'ouvrir.
– Chez nous aussi, parfois, on libère un
prisonnier politique. Si ça t'arrive, tu me manqueras.
Le garde sortit, José referma la porte derrière
lui et entendit la clé tourner dans la serrure.
Il se baissa pour ramasser quelques miettes de pain tombées
sur le sol. Quand il se releva son regard tomba sur l'aigle, en train
de tournoyer dans le ciel bleu, et s'y cramponna
désespérément.
« La liberté, murmura José. Ma
liberté. »
Et un sanglot s'étrangla dans sa gorge.
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