PRIVE D'INTELLIGENCE

                           par Claude Jégo

Depuis dix jours que Ben lui filait le train, la rouquine lui avait fait arpenter toutes les boutiques de la ville ; sans oublier la coiffeuse, la manucure et l'esthéticienne.
Tout ça pour rester mignonne ? C'est beau les illusions.
Le mari aussi en avait : « Je crois que ma femme me trompe ! » Et de quelle pochette-surprise ce type sortait-il une idée aussi saugrenue ?
Cette question avait foudroyé le cerveau du détective quand le mari lui avait tendu la photo de sa rousse moulée dans un tailleur très chic qui mettait ses bourrelets en valeur.
Son mari était un con. Assez intelligent pour emballer à coups de « je t'aime » ce gros lot doté d'une jolie fortune personnelle, mais un con quand même.
En tant que privé, Ben ne songeait pas à s'en plaindre. Il gagnait son fric sans prendre le moindre risque ; sauf celui de s'ennuyer comme un rat mort. Pourtant ce soir, c'était décidé, il larguait la bourgeoise et, à l'heure du laitier, le mari recevrait entre ses mains pieusement tendues un rapport détaillé des activités ludiques de sa rousse. Quant à Ben, un simple chèque lui suffirait ; à son banquier aussi.

La rouquine venait enfin de regagner sa villa, les bras chargés de paquets. Ben la reluquait par la fenêtre quand un type encagoulé surgit derrière elle et l'abattit d'une balle en pleine tête. Zut ! C'était raté pour le gros chèque. Le tueur s'esquivait déjà sans attendre le deux tons des poulets quand Ben éclata la vitre d'un coup de coude et se rua dans le salon. Il se pencha sur la rouquine... Trop tard ! Son client était veuf.
– Merci, Ben ! J'ai besoin d'un pauvre type surpris en plein casse et tu fais l'affaire avec ton découvert à la banque et ton agence en faillite. Ma femme avait trop d'argent et ma maîtresse pas assez.
Les mains en l'air, Ben se retourna et fit face au mari armé :
– C'est toi qui m'a engagé pour une histoire d'amant, sale pourri.
– Ma femme ne m'aurait jamais trompé, elle m'adorait.
Ben fixa le sale type qui le mettait en joue et il entendit une seule détonation.

« Le con, c'est pas le mari ! » fut sa dernière et intéressante pensée.



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